Julie Christmas – Ridiculous and Full of Blood

Publié par le 18 juillet 2024 dans Chroniques, Incontournables, Notre sélection, Toutes les chroniques

(Red Creek, 14 juin 2024)

Soyons brefs : ce deuxième album de Julie Christmas (J.C.) est un indispensable pour tous ceux qui ont déjà succombé par le passé à son univers musical.

Quand on chronique une nouvelle galette, l’un des plaisirs réside dans le fait de jeter un coup d’œil dans le rétroviseur. Pour J.C., la tâche est assez simple puisque la dame n’avait jusque-là sorti qu’un album solo, trois avec les Made out of Babies (dont l’excellent Coward produit par le regretté Steve Albini), un avec Battle of Mice (plus quelques splits) et enfin une dernière apparition avec Cult of Luna (Mariner, 2016).

Le bilan est assez simple : son parcours musical est sans fausse note avec en fil conducteur cette identité vocale propre (et cela même si sa voix aura été mixée de différentes manières au fil des années).

Me concernant, c’est son premier album solo qui continuer à me scotcher le plus dans sa discographie. En effet, elle est capable d’y passer d’une reprise de Brel plutôt casse-gueule, à un titre aux relents trip-hop parfaitement maitrisé (« I Just Destroyed the World » ) ou à une ogive comme sur « Bow » et cela tout en restant cohérente dans sa globalité. C’était en 2010 et globalement son écoute me fait toujours le même effet.

Ensuite on connaît à peu près tous l’histoire… les projets s’arrêtent, le temps passe, les priorités changent et certains actes potentiels de retour deviennent des actes manqués (Johannes Persson de Cult of Luna voulant à la base la voir rejouer en 2014 lors du Beyond The Redshift et son affiche de dingue).

Néanmoins si cela ne s’est pas fait, le lien était créé et en 2016 arriva Mariner. Un album studio suivi d’une courte (mais mémorable) tournée ou les titres de cette collaboration prendront une toute autre ampleur.
Citons notamment « The Wreck of S.S. Needle » et les quinze bonnes minutes de « Cygnus » qui resteront deux des plus belles tartes prises en concert. Cult of Luna se muant quasiment comme un backing band d’une J.C. prenant un malin plaisir à vampiriser l’auditoire.

Je ne l’ai lu nulle part, mais je reste persuadé que c’est cette collaboration réussie qui nous permet aujourd’hui de profiter de ce nouvel album (sorti, logiquement, chez Red Creek, label de Cult of Luna).
Une fois de plus dans sa carrière et tout au long de ces dix titres, J.C. va nous balancer tout ce qu’elle a dans le ventre. Cet album semble être un total lâcher-prise empli d’une sincérité rare.
Comme pour « The Bad Wife », les styles fusionnent, s’imbriquent et surprennent autant qu’ils rassurent.

Une chose rare m’est apparue au fil des écoutes : le temps semble ne pas avoir eu son mot à dire. Faisant fi du diktat imposé sur certaines sorties des projets musicaux coincés dans une industrie qui va toujours plus vite et qui survole plus qu’elle ne s’attarde, ici, Julie Christmas se positionne en qualité d’actrice active et totale de son nouvel album qui aura eu besoin de maturation pour arriver à émerger.
J.C. n’est pas une interprète d’œuvres servies sur un plateau d’argent par d’autres artistes dont les noms sonnent bien sur des crédits ou dans des chroniques de zines. Si elle est magnifiquement entourée une fois de plus, l’ADN de cet album est composé avant tout de tout ce qui fait Julie Christmas.

Bon, et ces dix titres, me direz-vous ? Eh bien, nous connaissions déjà « Not Enough » qui nous avait été envoyé en éclaireur et qui avait déjà provoqué quelques sourires béats. Ce titre allait être une parfaite mise en bouche de ce que l’album allait nous réserver. Un album clairement protéiforme.
On pourrait citer « Thin Skin », et son esprit 90’s/00’s. Rythmique lente et lourde, percutée par des riffs qui m’ont rappelé notamment Unsane en concert. On se prend un mur sonore qui ne donne qu’une envie : mettre le son un peu plus fort. Enivrant.

Clairement, de nombreux titres ont le potentiel pour devenir emblématiques. « The Lighthouse » en fait partie. La collaboration avec Persson fonctionne une nouvelle fois à merveille, et le chant de Julie frôle la perfection, que ce soit dans les breaks très posés ou quand le phare s’embrase. La symbiose des deux voix s’impose une nouvelle fois comme une évidence.
Citons-en un deuxième avec « Supernatural ». C’est d’ailleurs sans doute le titre le plus évident de l’album. Un morceau d’une efficacité redoutable avec un refrain qui s’imprime dès les premières écoutes et sera probablement (mal) repris en chœur par le public. What else? Bien plus encore..

C’est d’ailleurs en réécoutant ce « Supernatural » que j’ai été voir qui était aux manettes de l’album. On retrouve sans surprise un collaborateur proche de J.C. à savoir Andrew Schneider (déjà présent sur The Bad Wife ou Mariner, mais aussi chez les post-metalleux Pelican, Rosetta, ou les noiseux Unsane et Pneu). Il s’agit là d’une autre grande qualité de cet album. Le son est tantôt ample, compact, aérien ou massif quand la situation l’exige.

Un autre titre marquant est celui qui clôture l’album. « Seven Days » pourrait passer inaperçu dans un premier temps, après neuf titres d’une richesse rare et pourtant le mixage met en avant cette session rythmique avec une Julie au bord de la rupture (vers 3 minutes 20) et on obtient là un morceau bouleversant. Clairement l’un de ceux qui perdurera aux (très) nombreuses écoutes ramassées de l’album.

Pour conclure, puisque j’ai parlé de galette au début, il est également important de faire mention de l’artwork. Dans le vinyle, on peut retrouver différentes photos de Fred Gervais laissant transparaître les différentes facettes d’une artiste naviguant entre deux pôles (ne me faite par dire ce que je n’ai pas dit).
Une artiste capable d’exprimer une palette d’émotions bien plus vaste et complexe que la simple étiquette « haine/colère » que l’auditeur inattentif pourrait lui attribuer.

L’utilisation des superlatifs est aisée, mais formons deux vœux : que Julie Christmas continue de s’entourer de ses amis et collaborateurs proches (impossible de les mentionner tous sur cet album !), et qu’elle conserve cette étincelle rare pour nous offrir, demain ou dans quinze ans, une autre œuvre majeure.

Fred

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