Jess Ribeiro – Summer of Love

Publié par le 26 juin 2024 dans Chroniques, Toutes les chroniques

(Poison City, 12 avril 2024)

L’été, cette machine écrasante, d’une pesanteur étouffante, n’est au final qu’une simple formalité. Aussi insupportable que puisse paraitre cette saison, avec son cortège de vacanciers léthargiques, impossible de faire des détours, il est impératif de liquider cette parenthèse estivale et de prendre la tangente. Jess Ribeiro vient flinguer cet enthousiasme, Summer of Love est l’antidote à l’hébétude d’une saison en enfer.

Depuis « Rivers of Fire », extrait de Kill it Yourself (2015), l’intention de la compositrice australienne est clairement évidente et assumée : refus d’être divertie par la trivialité du corps fantasmé et réduit à un spectacle (cf « Strange Game »). Avec Summer of Love, une petite pointe de déception se fait entendre dès l’amorce « Maybe If I Wore Sunglasses Inside I Won’t Feel Tired », le titre indique une certaine lassitude, le chant manque cruellement de relief. Aux craintes d’un disque standardisé, la tournure est bien plus rassurante, « Everything Is Now » comporte plusieurs niveaux de lecture. La voix de Jess retrouve de sa superbe avec « The Trees and Me » et se concrétise avec « Jump the Gun ». Le tempo s’accélère, la vigueur comme lueur d’espoir, au-delà de cette mélancolie prégnante, laisse entrevoir une esquisse de consolation. Les conditions de composition et d’enregistrement ont été particulièrement éprouvantes tant sur le plan psychique que géographique. Il peut paraitre difficile de succéder à un précédent album daté de 2019, la mécanique du temps pouvant s’enrayer, « Wake In Fright » fait figure de sursis (référence au film de Ted Kotcheff ?) où piano et voix déformés sont l’émanation d’un réel en fuite. Ce qui correspond le mieux à Jess Ribeiro, se situe vraiment en fin d’album, un folk brinquebalant que le récitatif « Airborne », vient consacrer à la manière de Cat Power des débuts. L’album en soi, reste une œuvre curieuse, où de petits détails sonores se greffent pour atteindre une sorte de chaos, qui finit par se restructurer sur le titre suivant. Seule certitude, Jess Ribeiro y exprime ses émotions jusqu’à éviter les refrains conventionnels. Prise de risque ou exigence à explorer les facettes d’une musique totalement personnelle, il n’en demeure pas moins qu’au final, ce Summer of Love est antinomique, un disque qui nécessite plusieurs écoutes pour en saisir toutes les ramifications.

Franck Irle

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