Foxwarren – 2

« C’est très dur pour 5 personnes d’enregistrer un disque, c’est un bordel pas possible », Andy Shaul, chanteur/guitariste/compositeur de Foxwarren est d’abord un grand solitaire, sorte de Neil Young trentenaire lo-fi surdoué, aux trois disques solo habilement bricolés. Foxwarren est son side project né il y a dix ans et composé de ses amis d’enfance Dallas Bryson (guitare), Darryl Kissick (basse) et Avery Kissick (batterie). Un collectif plus ou moins formel qui se met en mouvement quand l’envie lui prend. Dans ce cas précis, au bout de sept ans, pour donner une suite à un premier album d’une folle élégance folk. Une suite qui se sera révélé plutôt hasardeuse.
Pour ce 2, les premières séances en studio ne donnent rien, « beaucoup d’alcool et peu d’idées » dira Andy Shaul. Au point mort, chacun rentre donc chez soi et commence à s’envoyer des idées, par voie électronique. Une voie qui sera salutaire car le grand ordonnateur/compositeur va complètement changer de méthode et endosser le rôle de sampleur en chef. Il se met alors à assembler un gigantesque puzzle à partir des centaines d’idées de parties de guitare, de batterie et de riffs de basse envoyés chaque semaine par ses collègues, auquel il va ajouter des samples de films hollywoodiens des années 40, donnant ainsi la trajectoire et le cachet du disque. Difficile de faire plus lo-fi/DIY et surtout plus aléatoire. Car le résultat de ce collage improvisé aurait pu virer au hors-sujet ou à la dispersion générale.
C’est le contraire, le disque se révèle organisé, complexe et équilibré. Quelle entrée en matière, avec « Dance » et son refrain suspendu, susurré nonchalamment par Andy Shaul, qui rappelle le détachement de J.E. Sunde sur « I Don’t Care to Dance ». Le voyage sonore se poursuit tout en facilité avec « Sleeping », d’une rare fluidité, et une batterie en contretemps recouverte de samples de violons. « Say It » est radieux, plein d’espace, avec ce côté outsider folk canadien. On voit bien que Foxwarren tente des choses, teste (là où le premier album suivait un chemin plus balisé), notamment avec « Listen2me », chanson décalée ironico-rustique, qui sent bon le bucheron hipster diplômé.
On se dit à mi-parcours que ce 2 est en fait vraiment ambitieux. A priori le mot ne colle pas avec l’univers slacker en marge d’un groupe du Canada profond, leur album étant par ailleurs sorti sur ANTI-Records. Et pourtant Andy Shaul est tout sauf un slacker, malgré l’image et le son, comme beaucoup. Comme Beck, bourreau de travail, comme Big Thief dont les membres ont tous fréquenté le prestigieux Berklee College of Music, comme Stephen Malkmus, slacker d’entre les slackers mais grand perfectionniste qui menait Pavement à la baguette ou encore plus haut dans le panthéon des glandeurs, Jerry Garcia, seul maitre à bord du Grateful Dead. Tous ces faux fainéants ont/avaient une idée très précise de leur musique, comme ici sur « Strange » et sa basse titubante que n’aurait pas renié Beck justement, sans le glam californien. Arrive alors « Yvonne », personnage obscur, autre moment aérien du disque avec son déhanchement éphémère, qu’on aurait aimé voir durer davantage. Sur « Deadhead », le chanteur/ compositeur/ sampleur convoque (encore) son envie de danser, épaulé par des chœurs et une guitare krautrock, dans une ambiance de synthé au ras du sol. On décèle des traces de disco dans « Wings » et sa basse sous Lexomil, une basse qui reprend du service pour porter « Serious » où Andy Shaul lance un dépité et final « I know you’re not serious », qu’il semble s’adresser à lui-même.
Maxime Guimberteau