Baroness – Stone

Publié par le 29 octobre 2023 dans Chroniques, Toutes les chroniques

(Abraxan Hymns, 15 septembre 2023)

Un album peut-il être à la fois bancal et excellent ? Je crois que oui. En fait, beaucoup de mes disques préférés sont un peu mal fagotés. Celui auquel je pense en priorité, c’est Deserter’s Songs de Mercury Rev, qui semble à la première écoute fait de bric et de broc, avec ses interludes, ses chansonnettes, et puis qui s’ouvre peu à peu et devient quasi-indispensable. Bon, je n’irais pas jusqu’à dire que le dernier album de Baroness vienne se hisser à ce genre de sommets (du moins, dans mon top personnel), mais c’est sans conteste un très bon disque même si à la première écoute, il m’a semblé étrange.

Déjà, comparé au précédent, Gold & Grey, Stone est court. Il dure environ 45 minutes, mais avec une intro et un interlude acoustique, il ne contient que huit « vraies » chansons, dont une également acoustique qui semble répondre à l’introduction et servir aussi d’outro. Ce relatif manque d’ambition étonne un peu pour ce genre de groupe, qu’on croyait plutôt versé dans le gigantisme, lorgnant ces derniers temps vers une grosse production relativement plus accessible que celle de ses débuts. C’est le deuxième album avec le même line-up, notamment l’excellente guitariste Gina Gleason, et il semble que le groupe de John Dyer Baizley ait choisi de viser plus petit, avec un album auto-produit, enregistré à la campagne, dans l’Upstate New York. Finis les murs de distorsion apportés par Dave Fridmann sur Purple et Cold & Grey, place à un son plus épuré où tout est très articulé, où on entend notamment très bien la basse de Nick Jost, assez mise en avant. On commence donc par une sorte d’introduction acoustique qui nous rappelle à quel point John aime le genre. Non seulement a-t-il participé aux compilations hommage à Townes Van Zandt initiées par les membres de Neurosis, mais on sait aussi qu’il a fait la sublime couverture de The Harrow and the Harvest de Gillian Welch. Ici, on sent un goût pour le vintage, tant ces morceaux semblent avoir été écumés de vieilles cassettes. John y chante en duo avec Gina, le son est très chaud, presque fantomatique. Puis sans crier gare, arrive le premier sommet du disque, un « Last Word » qui galope carrément avec sa rythmique échevelée. On retrouve un peu tous les éléments qui font le charme de Baroness mais voilà qu’après deux couplets-refrains, Gina Gleason nous offre un solo de guitare de toute beauté, très heavy, presque à la Van Halen, et quel choc ! Le morceau va ensuite prendre une direction différente, presque comme du U2 metal avec ce genre de guitares répétitives que pourrait sortir The Edge. À ce stade, on est déjà emporté.

Le problème, c’est que la suite laisse un peu à désirer : « Beneath the Rose » et « Choir » ont de super riffs, mais Baizley fait un choix assez étonnant, celui d’un « spoken word » qui plombe un peu le morceau. Les deux pièces sont enchainées, comme si l’une était la coda de l’autre, puis arrive la deuxième miniature acoustique, qui sonne presque comme un chant traditionnel avant qu’une autre déflagration déboule avec l’excellent « Anodyne ». À ce stade, on a déjà fait la moitié de l’album et sa structure en creux et en monts étonne un peu. La deuxième face, elle, va s’avérer plus compacte avec trois pièces de plus de six minutes qui reprennent l’esprit de « Last Word » mais sans la folie du solo du milieu. N’empêche, c’est super bien fait et très bien produit. Et puis, alors qu’on est au cœur de l’action, le groupe décide déjà de nous quitter avec le final acoustique « Bloom » où, de nouveau les voix de John et Gina s’harmonisent divinement.

Voilà un disque avec une structure et un rythme intéressants. Malgré la longueur de certaines chansons, on ne le voit pas passer. Avec ses huit véritables plages et ses deux miniatures, le disque ne fait-il pas un peu penser à des disques des années 70, du type Sabbath ou Led Zep ? Étonnant car le groupe dit avoir enregistré près de trente chansons pour ce projet. La brièveté a donc été un choix, et j’avoue que ce choix s’avère payant. N’étant pas spécialiste du groupe, je ne peux pas vraiment le situer dans sa copieuse discographie, mais je l’ai déjà écouté deux ou trois fois plus que Cold & Grey, que, contrairement à beaucoup de fans, je trouvais excellent mais assez difficile à ingérer, tant non seulement il était long mais également très dense en termes de son. Ici, tout coule assez paisiblement (pour un disque de metal, s’entend).

Au final, assez déçu au premier abord, je me surprends à faire tourner le disque en boucle. Je préciserai qu’en plus, et c’est de plus en plus rare par les temps qui courent, le vinyle sonne excellemment bien et est vendu à un prix très raisonnable. Je le recommande en tous cas à celles et ceux qui voudraient se lancer dans Baroness et j’attends avec impatience le passage du groupe en concert (pas prévu en Europe, à l’heure où j’écris ces lignes).

Yann Giraud

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