Cathedrale – Words / Silence

Publié par le 12 juin 2023 dans Chroniques, Toutes les chroniques

(Howlin’ Banana, 21/04/2023)

On positionne souvent un nouvel album dans la discographie d’un groupe en fonction de ses sorties précédentes. Words / Silence ne déroge pas à la règle. Houses are Built The Same sorti en 2020 démontrait de belles qualités (« The Bet » où le duo basse/batterie résonnait à merveille), l’album ne pêchant peut-être que par gourmandise puisqu’il dépassait la quarantaine de minutes. Words / Silence est un peu plus frugal.

Trente-six minutes pour douze titres qui vont nous faire naviguer dans un album aux accents marqués de post-punk, de pop (pour la forme), le tout agrémenté de passages noise.
Cela pourrait s’appliquer à beaucoup de styles, mais concernant le post-punk les groupes les plus marquants ont souvent avec le temps pris deux voies différentes, à savoir soit en disparaissant au firmament après nous avoir laissé quelques brûlots intransigeants, ou soit en s’assagissant, en ralentissant le tempo, en prenant des cours de chant, en gonflant la production et en finissant en tête d’affiche avec leurs nouveaux copains de la pop mainstream. Ici Cathedrale n’a pas encore à se poser la question.

Cet album est une boite de bonbecs. Dans ma phase de découverte d’album j’aime bien me faire quelques écoutes en aléatoire pour ensuite repartir sur l’ordre voulu par le groupe. Cela permet parfois de s’éloigner du single et du premier titre (celui dont on se lasse le plus vite). Oui… sauf qu’ici il faut bien reconnaitre que ce « Shallow » parvient en 2’38 à vous servir l’entrée, le plat et le dessert. Les premières notes de guitare rapidement suivies par ses acolytes nous mettent d’emblée dans l’ambiance. 30 secondes et le deal est déjà rempli. Nous voilà désormais à Londres circa 78.

Ce qui scotche d’emblée sur « Shallow » par rapport à tous ses petits copains du genre, est la qualité de la production. On apprend dans le presskit que l’album a été enregistré au Haha Sound Studio à Londres par Syd Kemp (qui a notamment à son tableau de chasse le By the Fire de Thurston Moore).
Clairement je ne connaissais pas ce producteur mais pour avoir écouté cette galette de l’ami Thurston on valide une fois de plus l’importance d’avoir un producteur qui vous laisse peut-être mettre les potards à 11 tout en offrant au final un album cohérent. Même s’il y a plusieurs écoles, je mettrais ici une pièce sur le fait que lors de l’écriture de l’album, le groupe avait déjà une idée bien précise de la manière dont il voulait que le résultat sonne.

On parle, on parle, mais nous voici déjà face à « Manipulate » digne rejeton de « Two People in a Room » de Wire et « Isolation » de Joy Division. Incisif et précis une fois de plus. Une réussite.

Nous voilà déjà arrivés mi-album que celui-ci décide de nous laisser souffler. « Hostage Taking » ralentit le tempo à coup de « Slow down! » scandés sur des riffs noise. Le titre est atypique, et nécessitera peut être plus que quelques écoutes pour réellement l’apprécier, mais comme un joueur lambda dans une équipe de handball, il a aussi le mérite de faire office de micro sas avant les futurs brûlots.

En effet, cet album de Cathedrale n’est pas un live d’Iggy Pop version 2018 qui balance la sauce dans les dix premières minutes. « An Alibi » est frontal. L’ enchevêtrement de strates de guitares et de cette ligne de basse qui ne faiblit jamais est purement jouissif. Clairement l’une des plus belles réussites de l’album.

L’album aurait pu s’arrêter là que l’exercice aurait été un succès, mais Cathedrale en avait encore sous la godasse, et « Innit » sous ses airs de titre poppy/noisy est surtout un bel espace ou chaque musicien a tout loisir de s’exprimer. Le titre est catchy (vive les anglicismes en -y -) à souhait et finira clairement dans le top 3 des titres pour quelqu’un qui souhaite découvrir le groupe.

Dingue ! même en rédigeant une chronique sur son canap, on peut sentir la croquette sous son t-shirt APTBS. Preuve qu’il est temps de clôturer l’écoute de l’album avec « Silent Castle » (qui faisait office de premier single). Je n’ai aucune idée de ce qu’est un bon ou un mauvais single. Après tout si c’est le meilleur titre de l’album, ne va t-il pas générer de la déception ? Et s’il est nul ? et si… Bref.

Ici Cathedrale contourne le problème en le positionnant dans le rôle du portier de l’album. Et c’est plutôt intelligent puisque ce titre plus ample dans sa structure, et plus posé dans son rythme nous laisse souffler avec notamment quelques notes de grattes qui s’impriment en vous dès la première écoute. Le chant lui se pose parfaitement et c’est sur une dernière salve bien pêchue que le groupe nous dit ciao, bye bye, à la prochaine.

Bref, trente-six minutes plus tard, on a la banane, on a déjà des souvenirs, mais clairement il est temps de prendre une douche. Houses… était très bien, mais clairement Cathedrale ne s’offre aucune facilité et réussit en 2023 à ne pas uniquement générer de la nostalgie chez l’auditeur, tant le résultat est d’une précision et d’une cohérence sans faille.

Fred

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