The Folk Implosion – Walk Thru Me
Dans la catégorie des groupes que personne n’attendaient et qui sortent un album dans l’indifférence quasi générale, je pense que The Folk Implosion se place là. Pourtant, Lou Barlow est considéré presque unanimement comme un grand compositeur indie et sa collaboration passée avec Jon Davis est saluée à juste titre pour sa grande qualité musicale. Alors, est-ce que le groupe n’est en fait que la chose d’une époque révolue qui n’arrive plus à intéresser les amateurs de rock indé en 2024, l’album est-il simplement un pétard mouillé qui a refroidi l’ardeur des fans au point de disparaitre de leur mémoire quelques semaines après sa sortie ou les gens sont-ils passés à côté d’un grand disque par un manque d’intérêt aussi injuste que malheureux ?
Au risque de paraitre anti-climatique, je ne répondrais pas vraiment à cette question. Je ne suis pas à même de juger la pertinence de la résurrection d’un groupe comme The Folk Implosion en 2024 : d’une part, je ne suis pas assez en phase avec l’époque pour vraiment en saisir l’esprit musical, ce qui fait de moi un piètre journaliste musical mais qui a le mérite d’être honnête. D’autre part, j’aime trop la musique de Lou Barlow et celle de The Folk Implosion pour ne pas y être un minimum réceptif. Difficile, dans ces circonstances, d’avoir un point de vue objectif sur cette question.
Quant à savoir où se situe l’album sur une échelle allant de l’arnaque au chef-d’œuvre, ce qui est davantage dans mes cordes et sans doute plus en adéquation avec l’attente des éventuels lecteurs, je dois quand même vous avertir à nouveau en préambule que je suis très parti-pris en ce qui concerne Lou Barlow. Ceci étant dit, allons-y !
Walk Thru Me commence exactement là où One Part Lullaby nous avait laissés. 25 ans plus tard, on retrouve la même atmosphère, la même démarche artistique de créer une musique totalement pop à partir des idées disparates de deux lurons dont on ne peut nier la crédibilité indé, la même approche de mêler boites à rythmes et autres bidules électroniques à des instruments organiques (ici s’ajoutent aux guitares tout un tas d’instruments orientaux du fait que Jon Davis a suivi des cours sur la musique iranienne) et un style reconnaissable entre mille. La production s’est éloignée du lo-fi des débuts, mais encore une fois ne dépareille pas tant que ça du dernier album en date, bien que Wally Gagel qui cosignait la plupart des titres sur One Part Lullaby ait laissé la place à Scott Solter ; on notera simplement un côté plus franchement années 80 là où le précédent s’inscrivait plus dans ce qui se faisait en musique pop au moment de sa sortie.
Il en ressort, mine de rien, que l’écoute du morceau d’ouverture « Crepuscular » a provoqué un sentiment de satisfaction indéniable au fan de One Part Lullaby que je suis : l’impression de découvrir la suite inattendue d’un disque que j’adore, comme reprendre un bon livre après l’avoir laissé en suspens pendant des années. Le problème, c’est que dès la plage suivante s’est présenté ce qui est à mon sens le gros point faible du disque : la voix de Jon Davis. Qu’on soit clair, je n’ai rien contre les voix dissonantes ni contre le fait que ce bon vieux Jon pousse la chansonnette, même si je m’accommodais très bien que Lou Barlow prenne seul la gestion du micro. Ce qui, à mon sens, permettait au contraste entre la voix chaleureuse de Barlow et celle nasillarde de Davis de fonctionner à fond sur les deux premiers albums du duo, c’était le fait qu’elles étaient soit conjointes, soit complémentaires. Quand Davis était mis en avant, la production lo-fi permettait de lui donner l’écrin parfait pour mettre sa voix en valeur. Ici, entre le fait que chacun alterne son tour de chant et la propreté de la production, on ne peut que se rendre à l’évidence que le timbre de Davis est beaucoup moins harmonieux que celui de son comparse, ce qui finit par desservir ses morceaux (« Water Torture », par exemple, avait le potentiel pour être excellente). Si on ajoute à ça que je ne suis pas particulièrement friand de sonorités électroniques, ce serait mentir que de considérer que Walk Thru Me réussit à me séduire autant que son prédécesseur et surtout à me faire quitter ma zone de confort sans regret.
Heureusement, Jon Davis est également compositeur, et Lou Barlow est Lou Barlow. Ainsi, il y a assez de talent dans notre duo pour que certains morceaux rentrent en tête et s’y logent avec un plaisir certain. J’ai même l’impression d’écouter « OK To Disconnect » depuis des années. Le morceau-titre ou « The Fable And The Fact » sont d’autres chansons qui, pour ma part, feront office de classiques instantanés. Pour cela, l’album se classe sans mal dans mes coups de cœur de l’année. Mais comme la vie est une chienne, c’est également un disque qui ne permet pas non plus d’atteindre le ravissement sur la longueur à cause de morceaux inégalement appréciables, ce qui ne lui permettra sans doute pas de se hisser au-dessus de la mêlée comme il l’aurait fait s’il avait maintenu tout le long le niveau de bonheur que m’a procuré son titre d’ouverture. Quant à déterminer si c’est dommage, reste à savoir si vous préférez voir le verre à moitié plein ou à moitié vide !
Blackcondorguy