Pothamus – Abur

S’il est question de dépassement de soi, nous sommes confrontés à une perpétuelle insatisfaction que même l’ivresse ne parvient plus à combler, si tant est que nos rêves parviennent à se promener dans le subconscient. Le simple fait de vivre à travers notre propre média quotidien, notre conscience nous arrache en partie au néant qui a une fâcheuse tendance à se répéter. Il ne tient plus qu’à nous de dévier de cette trajectoire. Pothamus est l’illustration de ce basculement vers des états de conscience modifiés. Une invitation à franchir
une autre dimension.
Déjà, la pochette, qui vous fait basculer dans une tout autre perception, où le tangible devient émanation vaporeuse qui rampe avant de se hisser lentement au firmament. Fait marquant, le trio puise dans une matière fuligineuse pour s’en convaincre, il suffit de pencher l’oreille sur « Zhikarta » pour que se révèle ce mystère et cette curieuse attirance pour les récits fantastiques et mystiques, l’existence d’une arrière chambre secrète à peine révélée. Soyez patients, ne brûlons pas les étapes. Le disque qui s’offre à nos yeux, brille de mille feux, le trio a pris le temps pour consolider ses sens aigus de la perception. De Malines (Belgique), on ne connaît pas grand-chose, outre la provenance de Pothamus, mais il serait fortuit de s’enorgueillir d’être en capacité de décrypter par une chronique toutes les voies qui s’ouvrent au fur et à chaque mesure.
Abur est une œuvre pour laquelle les éloges s’avèrent presque inopportuns, les chœurs délivrés dans « De-varium » évoquent des possibilités d’interprétations encore plus déroutantes avant que ne vienne l’immense vague « Savartuum Avur » avec ses échos vocaux lointains et ces cris arrachés du cœur. Si le groupe avait une chapelle, celle-ci porterait un dialecte que Sam Coussens, Michael Lombarts et Mattias M. Van Hulle ont mis en commun pour en boucler les sens. Car des directions, le groupe en a tissé une cosmologie presque scientifique, les parties rythmiques tribales (sujettes à une tout autre définition) appuient avec une véracité chaque note, chaque accord. On se sent immédiatement traversé par une énergie tellurique, qui de son socle, arrive à se transmettre dans chaque orifice sensible à la vibration sonore.
Pothamus arrive à atteindre l’hypothalamus, induisant les effets d’hallucinogènes sans même en avoir consommé. C’est cette pure ivresse, celle des sages du passé, qui est restituée en 44 minutes. Votre corps et votre âme en ressortent transformés. On ne peut que s’incliner devant tant de beauté.
Franck Irle