A.A. Williams – As the Moon Rests

Publié par le 4 novembre 2022 dans Chroniques, Toutes les chroniques

(Bella Union/PIAS, 7 octobre 2022)

La fin de l’année approche et mon top 2022 commence à se dessiner. De manière consciente ou non, depuis 2020 (ma première année complète en tant que scribouillard par ici), mon verdict sur l’année musicale (ça sonne prétentieux, I know) comporte toujours une tendance plus ou moins affirmée. 2020 était plutôt stoner, 2021 post-rock et mon top 2022 semble cette fois-ci destiné à célébrer la meilleure partie de l’Humanité. #MoreWomenOnStage

Le précédent album d’A.A. Williams, Forever Blue, m’avait soufflé et la voix de la Londonienne est devenue depuis une des valeurs refuges pour accompagner mon traditionnel spleen automnal. Les hirondelles font le printemps, mais les corbeaux sont de retour As the Moon Rests. Mauvais augure ? Première certitude, la surprise n’est plus au rendez-vous. Le style est toujours bien affirmé (post-plus un terme de votre choix) mais la formule semble désormais se décliner de manière (trop) évidente. Les plus fidèles lecteurs se souviendront que l’on avait déjà émis quelques (petites) réserves sur Forever Blue. Et ceux que le combo loudQUIEToud avec voix éplorée et grandes envolées électriques (et moult cordes à l’appui) n’avait pas convaincu sur le premier album n’y trouveront pas davantage leur compte. Dès l’inaugural « Hollow Hearth », on retrouve la même recette mais l’assaisonnement est un peu fade et le plat bien froid. La production flatte pourtant l’oreille, mais rarement la menace gronde, rarement l’on se sent inconfortable ou intranquille. Malgré des textes lourds de sens, et les envolées vocales d’A.A. Williams dont j’apprécie pourtant le timbre plaintif, je dois reconnaître une pointe de déception. Une bonne moitié de l’album ne déclenche que peu d’enthousiasme se contentant de recycler les idées du précédent disquel’étincelle en moins (« Evaporate »). À plusieurs reprises, on a envie de salir ce son de guitares, de l’avancer dans le mix pour en faire un mur bien plus menaçant (sur la fin de « Murmurs » ou «  The Echo » qu’on aurait espéré plus dantesques), voire de raccourcir certains titres. Quitte à flirter avec le metal (on entend bien quelques timides palm-mutes frondeurs sur « As the Moon Rests ») , autant y aller franco. Sur Forever Blue, on avait ainsi noté la présence d’un membre de Cult Of Luna, venu growler sur « Fearless » avec succès (et je ne suis pourtant pas un fan du genre). Et pourquoi ne pas délaisser un peu le mid-tempo rampant ? On reste maintenant souvent dans un schéma presque routinier sans véritables aspérités qui viendraient briser la monotonie (qui s’installe). Alors que la londonienne sait faire parler la poudre ou au contraire jouer le minimalisme avec talent dans des compositions acoustiques plus épurées. On se souvient ainsi d’un EP plutôt réussi (Arco), sorti l’an passé. Sur As the Moon Rests, rien qui soit capable venir titiller une Chelsea Wolfe sur Birth of Violence non plus. J’ai réécouté également Hiss Spun, et la comparaison est tout aussi rude pour la londonienne… comme la concurrence sur un créneau bien fourni récemment (bonjour Emma Ruth Rundle). Et en 2022, on pourra ainsi préférer les albums plus aventureux de GGGOLDDD (NdRC : tellement !) voire de Sharon Van Etten…

Alors, entendons-nous bien, on ne va attacher A.A. Williams sur un bûcher tout de suite et ce disque contient assez de perles pour qu’elle ne tombe pas tout de suite dans la catégorie des promesses déçues. Le minimalisme de « Pristine » et ce crescendo post-rock hérisse quelques poils sur les bras. Et c’est finalement dans l’épure que son art délicat continue de me faire chavirer comme sur les boisés « Ruin » et « Shallow Water », à peine lézardé par des fracas lointains de guitares. Sur « For Nothing » qui s’ouvre sur des accords barbelés (voilà !), le silence se fait pesant, et les quelques notes égrenées distillent comme l’ombre d’une menace terrible. Et la foudre se met ENFIN à tomber comme les frappes lourdes de la batterie. Hélas, derrière ce trio de titres, « Golden » manque un peu de souffle et les refrains de « Alone in the Deep » sont trop convenus, et on la voit arriver la dernière envolée de cordes, de loin, avec ses gros sabots.

Alors, c’est peut-être le réchauffement climatique le vrai coupable en fait. On ne peut décemment pas écouter un disque d’A.A. Williams alors que cette fin octobre rejoue un été indien sans fin. Qu’il pleuve, qu’il vente, que les sanglots longs… la langueur monotone quoi… Bref, on attendra un prochain (vrai) automne pour se lover dans notre canapé, pas loin du foyer crépitant, en écoutant de nouvelles sad songs de la londonienne.

Sonicdragao

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