Queens Of The Stone Age – Villains

Publié par le 19 août 2017 dans Chroniques, Notre sélection, Toutes les chroniques

(Matador, 2017)

Une fois n’est pas coutume, puisque ce disque divise la rédaction, voici deux chroniques aux avis diamétralement opposés.

POUR // Voilà l’objet de la discorde, le centre de la polémique, le disque des Queens Of The Stone Age que même les fans risquent de trouver à chier, et qu’il y aura pourtant toujours des contradicteurs invétérés pour défendre. Sauf que cette fois, le contradicteur invétéré, c’est moi. C’est d’autant plus étonnant que je n’avais pas tellement aimé le dernier album en date, ni la collaboration avec Iggy Pop, et que j’ai une aversion naturelle assez forte pour le pop rock dansant, surtout quand il est teinté années 80. Ajoutez à cela que j’ai trouvé le premier morceau à avoir fuité, “Feet Don’t Fail Me” très, très mauvais à la première écoute.

Bref, je n’avais a priori pas du tout le profil pour défendre cette nouvelle sortie, d’autant plus que je n’aime aucun album du groupe depuis le départ d’Oliveri, à l’exception de quelques chansons par-ci, par-là. Or, c’est peut-être justement pour ça que je suis plutôt bienveillant à l’égard de Villains. Déjà, contrairement à Lullabies To Paralyze et les albums qui ont suivi, ce n’est pas une variation sur le thème de Songs For The Deaf en moins réussi, ce n’est pas une répétition moins convaincante de la formule Queens Of The Stone Age, et c’est déjà respectable en soi.

Mais le meilleur moyen d’expliquer ce qu’il y a de positif dans ce nouveau disque, c’est de le comparer au précédent. Pour moi, …Like Clockwork, fortement surestimé ici-même, était un échec. Une tentative louable pour Josh Homme de renouveler sa musique, avec de vraies incursions pop rock, mais pas assez franches. D’une part, les morceaux purement pop n’étaient pas tous réussis (“…Like Clockwork” en étant l’exemple le plus flagrant), et d’autre part, ils étaient noyés entre des morceaux typiques du rouquin complètement anecdotiques mis là comme pour rassurer les fans que c’était bien un album de Queens Of The Stone Age et des ratages complets malgré la présence de pléthore de guests (“If I Had A Tail”, le pire morceau qu’ait écrit Homme ou pas loin). Au final, une seule réussite, grandiose, le titre “I Appear Missing” qui était la meilleure chanson du groupe à sortir depuis longtemps. À l’époque, je m’étais dit que Josh Homme gagnerait à assumer pleinement son envie de faire du pop rock.

Cette orientation s’est confirmée avec le dernier album d’Iggy Pop, dont les plus gros défauts à mon goût étaient une influence très marquée des années 80 et une trop grande mollesse. Un délire musical qui ne me plait pas avec des chansons qui ne me plaisent pas, ça ne pouvait pas décemment me plaire.

Je n’attendais donc rien de cette nouvelle oeuvre, voire à pouvoir enfin détester un disque du groupe conjointement à JL qui lui avait typiquement adoré le précédent. Lorsque j’ai reçu ce nouveau disque avec ce mot de sa part, “bon courage“, je pensais passer un très mauvais moment. Surtout que je trouvais déjà que “Feet Don’t Fail Me”, qui ouvre l’album, n’est pas un bon morceau. Ce n’est effectivement pas un bon morceau, mais c’est normal. Ce n’est pas un morceau, c’est un sas de décompression. Une fois qu’on s’est farci ses 5 minutes de rock dansant aux sonorités ringardes, on s’est retenu de rire, on a pris sur soi, mais on n’est finalement pas si mal, et pour ma part, plutôt disposé à apprécier les morceaux qui suivent pour ce qu’ils sont. Des morceaux avec une production lisse et plutôt calibrée dancefloor (encore que ce n’est pas non plus aussi putassier que, disons, Arcade Fire sur Reflektor), plein de gimmicks et de sonorités pas toujours de bon goût, des hommages appuyés et parfois maladroits à Bowie, mais enfin, des morceaux pop assez cool et même plutôt réussis dans le genre (“Head Like A Haunted House”, “The Way You Used To Do”, “The Evil Has Landed”…). Certes, j’aurais préféré qu’ils ne pondent que des morceaux de la qualité de “I Appear Missing”, et il n’y en a pas un seul sur le disque, soyons clairs, mais en sont-ils encore capables ? L’inégalité de Lullabies To Paralyze, Era Vulgaris et …Like Clockwork ne va pas dans ce sens, en tout cas.

À défaut, je me contente très bien de ce disque avec moins de prétention, réellement différent et beaucoup plus homogène que ses prédécesseurs (seuls “Hideaway” et le premier morceau sont vraiment en-dessous du reste), même s’il évolue dans un style qui ne me plait pas plus que ça. Car oui, tout le paradoxe de Villains, c’est que je le trouve objectivement bon dans un style dont je suis peu friand. Du coup, certes, je risque de ne pas l’écouter souvent et je lui préférerai toujours les premiers albums du groupe, mais il est néanmoins possiblement le plus réussi depuis Songs For The Deaf, et en tout cas le plus intéressant.

BCG

 

CONTRE // L’heure est grave. L’Elvis roux se rêve désormais en successeur de Bowie. La place est vacante, forcément c’est tentant. Et côtoyer Iggy Pop a dû lui donner des idées (à défaut d’un bon disque)… Mais on a vu où ces désirs de grandeur avaient mené Arcade Fire. Et on ne souhaite pas le même piteux destin à Queens Of The Stone Age. Parfois quand le costume est trop grand, il vaut mieux ressortir ses vieilles chemises, elles ont certes pris un peu la poussière mais au moins elles nous vont toujours.

Le parallèle avec Arcade Fire n’est d’ailleurs pas complètement saugrenu quand on voit les producteurs hype en charge de ces deux immondices*, aux partis pris radicalement commerciaux, faisant tout deux suite à des albums charnières à l’accueil mitigés mais qui leur étaient en tous points supérieurs (Reflektor et …Like Clockwork, donc).

Josh Homme s’est mis en tête de faire guincher la populace. Soit. C’est son droit le plus strict après tout. Il a toujours eu le sens du groove et on avait déjà fait le deuil des riffs lourds et répétitifs des débuts de QOTSA post-Kyuss. Mais Josh côtoie désormais un nouvel ami pas très fréquentable (Mark Ronson donc), qui lui souffle à l’oreille des idées malvenues. Comme de s’encombrer de synthés affreusement kitsch, normalement interdits d’utilisation depuis 2017, qui nous renvoient aux heures les plus sombres de l’histoire musicale (« Hideaway », « Fortress »). On en viendrait à se demander si ce n’est pas lui le diable qui cache les yeux de Josh Homme sur la pochette…

L’affaire n’était pourtant pas si mal embarquée. Montée sur ressorts, “Feet Don’t Fail Me” bien qu’un peu trop longue pour réellement enthousiasmer, a au moins le mérite d’être un morceau honnête (si on passe outre la production ultra clinquante/putassière, cela va de soi). Derrière c’est la dégringolade. A commencer par l’odieux single “The Way You Used To Do” et son riff de discothèque vite exaspérant, que même les Black Keys actuels n’auraient pas osé.

“Domesticated Animals” porte bien son nom, le fauve est en cage, bien sage. Et il tourne en rond. Mais c’est quand même un peu mieux que “Fortress” et “Villains of Circumstances”, sommets de mièvrerie. Sur “Head Like A Haunted House”, symbole de ce disque dénué de finesse et d’inspiration, Josh Homme sautille dans tous les sens, dans son cabaret taillé sur mesure. Il en fait des tonnes en mauvais pastiche de Bowie, sombrant dans une caricature de lui-même, réduisant ses comparses au rang de faire valoir (ça, à la limite, on a l’habitude) accompagné de quelques gimmicks/bruitages qui tournent à vide… On l’a bien compris au fil du temps, ce groupe est le sien, il en fait ce qu’il veut. Mais au moins avant il nous offrait de bonnes chansons, là on les cherche en vain.

Pour sauver la mise, Queens Of The Stone Age nous refait le coup du morceau épique avec “The Evil Has Landed” mais n’est pas “I Appear Missing” qui veut. Dommage, une radio edit de ce morceau aurait été vraiment pas mal…

Queens of the Stone Age rejoint ainsi la cohorte peu enviable de groupes qui ont eu les yeux plus gros que le ventre et, guidés par des envies de luxure, ont pris le parti de sombrer dans le mauvais goût. C’est triste mais ça arrive, même aux meilleurs. La discographie du groupe était déjà imparfaite mais ce disque risque de faire sérieusement tâche pendant de nombreuses années.

JL

*(Mark Ronson – Mr Lady Gaga, Christina Aguilera, Adèle, j’en passe et des pires – pour Villains, Thomas Bangalter (Daft Punk), Steve Mackey (Pulp), Geoff Barrow (Portishead, Beak>) pour Everything Now)

 

Lire la chronique de …Like Clockwork

Lire le report du concert de 2013 au Zénith

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