Black Country, New Road – For The First Time

Publié par le 7 février 2021 dans Chroniques, Notre sélection, Toutes les chroniques

(Ninja Tune, 5 février 2021)

Le dernier groupe que j’ai vu en concert, il y a presque un an, était anglais (Squid). En 2020, j’ai placé 6 groupes britanniques dans mon top 25. Un chiffre anormalement élevé tant j’écoute plutôt outre-Atlantique et worldwide ce qui peut bien exciter mes oreilles curieuses sans négliger, cocorico, les productions hexagonales, nombreuses en qualité ces dernières années. Mais la perfide Albion fourmille de groupes tout aussi emballants et une nouvelle génération semble même émerger dans un revival (?) post-punk qui ne fait pas que des heureux parmi les chroniqueurs de votre site préféré.

Vu que je ne suis pas allergique au style (sauf en cas d’overdose de synthés, faut pas déconner non plus), et qu’une fois encore, des rumeurs de next big thing bruissent outre-Manche, me voici à chroniquer ce premier album de Black Country, New Road, sobrement intitulé For The First Time. Groupe formé en 2018, le septuor est présenté comme proche de Squid (qui m’avait bien impressionné en live) et on évoque Slint pour désigner leur terrain de jeu, aussi bien que le post-punk. Grosse curiosité donc autour de ce disque. Avec seulement 6 titres (mais plus de 40 minutes tout de même), le groupe propose des compos longues où la classique formule rock basse-batterie-guitares est agrémentée de claviers et plus surprenant d’un saxophone et d’un violon. D’entrée, la recette fait mouche sur le bien nommé « Instrumental », où un gimmick entêtant au clavier convoque tous les instruments un à un dans un tour de chauffe qui annonce le climax à venir. Même tension sur les premières minutes du surprenant « Athens, France » qui bascule ensuite de manière inattendue dans un post-rock subtil où un spoken-word délicat et le combo violon-saxophone font merveille. Ces petits jeunes ont de la suite dans les idées. Sur « Science Fair », ils jouent parfaitement de la dynamique « montagnes russes » du post-rock. Entre électricité déglinguée, spoken-word dépressif sur rythmique fantôme en guitare clean à la Slint (cité dans les lyrics), tension en crescendo (avec la touche free du saxo !), et une trop courte dernière minute où la rythmique menaçante peut renverser quelques frêles amateurs de post-punk non avertis. Le genre de titre patchwork impressionnant qu’on avait déjà croisé chez Crack Cloud l’an passé. Mais plutôt que du post-punk, le groupe anglais lorgne bien plus du côté des codes et dynamiques du post-rock. Construire un titre à partir d’un riff répétitif. Ajouter un spoken-word. Incorporer une bonne dose de subtilité (voix féminine et duo saxo-violon) et on obtient une bonne recette pour « Track X ». Il y a aussi la version furieuse sur le final « Opus », titre assez dément qu’on rêve de voir sur scène ASAP. Pour situer : le lièvre et la tortue vs Slint vs une fanfare sous speed. WTF. Déjà un des titres de l’année.

Sur les 10 minutes de « Sunglasses », autre gros morceau de cet album, BCNR (les acronymes c’est cool), manie toujours le chaud et le froid, mais de manière moins tonitruante, malgré quelques punchlines bien senties :
« I’m invincible in these sunglasses…
…And i’m so ignorant now, with all that i have learnt 
».

Le moins que l’on puisse dire, c’est que ces jeunes anglais surprennent. Par leur maturité et leur audace. Mais on attendra sagement un deuxième album pour confirmer que l’on ne tient pas un nouveau feu de paille britannique, aussi vite crashé dans la Manche. Le storytelling anglais du next big thing, every fucking year, on commence à avoir l’habitude. Mais ce mélange post-un peu tout vaguement jazzy pourrait vite devenir inflammable. Pour s’en rendre compte, le groupe a tourné une session chez Arte dans l’émission Echoes. Entre Kim Gordon et Ed O’Brien. Y’a pire comme signe.

Sonicdragao

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