Pamplemousse – Porcelain

C’est l’histoire d’un sillon, celui de la noise 90’s, qui continue d’être creusé avec Porcelain, le quatrième album de Pamplemousse, groupe réunionnais (maintenant lorrain), signé sur l’excellent label A Tant Rêver Du Roi. Le duo Sarah Lenormand et Nicolas Magi semble décider à n’épargner ni rien ni personne, comme sur l’introductif « More Beautiful Than Madonna », une entrée en matière qui laboure le terrain jusqu’à l’usure en laissant un sol saturé par la distorsion. Mais ça ne leur suffit pas, la déflagration batterie-guitare/basse continue sur « Big Speakers » (la chanson la plus corrodée des neuf titres) et « Smile The Num », approfondissant un sillon qui semble creusé dans le granit avec une trancheuse de sol rouillée. La texture s’étire un peu plus sur « Miami Blue » ou sur « Instrumental » mais difficile de parler de légèreté, la tension est palpable. La légère accalmie est de courte durée et Pamplemousse reprend son sillonneur pour semer un magnifique « Snowball », qui colle bien à l’image de l’architecture de Porcelain (qui porte bien son nom) : tranchante, abrupte, sobre et massive. Massive comme la frappe de Sarah Lenormand, la batteuse, impressionnante de puissance et de précision, tout en ayant commencé la batterie en 2023… À l’écoute, difficile de garder à l’esprit qu’il s’agit d’un duo, le groupe sonne comme un quatuor, notamment avec le décisif « Brick Head » qui commence comme une berceuse indé avant d’exploser en laves fragmentées. La production de Peter Deimel du Black Box y est pour beaucoup : léchée, puissante, forgée dans cet endroit mythique du Haut-Anjou qui a vu passer les grands noms de la scène indé/noise (Sloy, Les Thugs, Drive Blind, Chokebore, Diabologum).Justement, même studio, même style, l’effet miroir est troublant, surtout pour le chroniqueur de ce disque, assez ancien pour avoir écouté ces orchestres à la grande époque. Le dernier album de Th Da Freak (Negative Freaks) donnait exactement la même impression : pourquoi écouter en 2025 du rock indé 90’s ou de la noise après la décennie en or 1990-2000, que Pamplemousse n’a d’ailleurs pas connue ? Parce que ce style n’appartient plus à son époque, comme tant d’autres, parce qu’il est sorti de son sillon des années 90 pour abreuver le patrimoine musical commun de sa saturation bordélique. Ce Porcelain va vous propulser sous les gouttes de sueur d’un David Yow (The Jesus Lizard)*, dans la dépression collective d’un Chokebore époque A Taste for Bitters ou dans le catalogue d’Amphetamine Reptile Records. Si le Piton de la Fournaise, le colossal volcan de La Réunion, reste pour le moment endormi, Pamplemousse a, lui, fait cracher la lave.
Maxime Guimberteau
*Difficile de voir dans « More Beautiful Than Madonna » autre chose qu’une référence au « More Beautiful Than Barbie » de Jesus Lizard.
Pour rappel, le groupe participera à la prochaine soirée Exit avec Ventura et Mia Vita Violenta au Cirque Electrique le 13 novembre. EVENT FB
Pour rappel, le groupe participera à la prochaine soirée Exit avec Ventura et Mia Vita Violenta au Le Cirque Electrique le 13 novembre.