Mütterlein – Amidst the Flames, May Our Organs Resound

Posted by on 9 juin 2025 in Chroniques, Toutes les chroniques

(Debemur Morti, 9 mai 2025)

D’emblée la pochette en impose. Un mausolée translucide, organes et orgues luminescents, le visuel créé par Dehn Sora répond aux échos de Marion Leclercq, appareillée d’une armature de synthés, de guitares et de rythmes massifs. Mütterlein ne se consacre pas seulement aux reliques du passé, mais dénonce les souffrances endurées par d’innombrables femmes au cours de l’histoire. Un combat qui consiste à défier les aberrations d’un corps social résolument replié sur ses certitudes. Il en résulte dans ce troisième album une substance fuligineuse, épaisse comme la suie, qui en coagulant, aboutit en un condensé purifié des scories, des miasmes, dont le titre « Concrete Black » incarne à lui seul toute l’essence de l’album.

Charpenté comme un colosse industriel, Amidst The Flames, May Our Organs Resound nécessite une attention particulière lors de son écoute. Déjà, il faut comprendre la dimension scénique et l’environnement de son auteure, entourée de faux, symboliques de la faucheuse, d’où se répand une étrange luminosité vaporeuse, Mütterlein se dévoile lentement. Nous sommes les gardiens de tombeaux vides et l’aube finit par dissoudre les monstruosités, les organes se dressent telles des orgues translucides, vidés de leur sang, érigés en tant que mémorial. Derrière les bourdons de « Wounded Grace », la rythmique hypnotique et tribale restitue ce mur sonore où le chant éructe en éclaboussures de sang, au-delà de la douleur, le seuil rédempteur ultime. Et puis les riffs s’épaississent, le chant prend son envol, l’imagerie qu’évoque « Division Of Pain » rejoint celle des héroïnes anonymes dont l’histoire a enseveli l’existence. Le corps persécuté par les flèches, parsemé de brûlures, la souffrance a souvent été symbolisée par le martyr des Saintes, le corps de la femme a subi des fléaux et des châtiments bien au-delà de l’inquisition. Dans sa forme globale, l’album de Mütterlein est monolithique, il nous rappelle que le folklore du XXIe siècle est l’image d’un futurisme hanté par la question persistante de l’ombre. Que vaut le présent si ce n’est de son air moqueur à dénier les souvenirs ?

Franck Irle

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