Thee Alcoholics – Feedback

Publié par le 22 février 2024 dans Chroniques, Toutes les chroniques

(Rocket Recordings, 23 février 2024)

D’entrée de jeu, le nom du groupe suggère qu’on ne va pas avoir affaire à des dentellières et les premières mesures du titre d’ouverture, le titanesque et dérangeant « What’s the Crack- (What’s the Story-) », confirme qu’il n’y a pas tromperie sur la marchandise.

En provenance de Londres, Thee Alcoholics auraient aussi bien pu venir de New York et être signés chez Sacred Bones, ça ne nous aurait pas étonnés outre mesure. Ils partagent, avec pas mal de groupes phare du label new-yorkais, un goût pour la noise abrasive proche de l’indus, et pour les ambiances poisseuses, urbaines et oppressantes. Ils viennent pourtant bien de la verte Angleterre et sont aussi éloignés de la Britpop qu’on peut l’espérer.

Menés par Rhys Llewellyn, connu jusqu’à présent en tant que batteur de Hey Colossus et ici crédité à la guitare et au chant, Thee Alcoholics s’inscrit dans le sillon sombre de la musique britannique, proche du pendant heavy bruitiste de sa cousine américaine, avec par-dessus des lambeaux de kraut et de goth pour faire bonne figure. Les premières écoutes nous ont fait imaginer un mariage contre-nature entre TAD période Infrared Riding Hood et le NEU! des débuts (le seul que l’on connaît, soyons honnêtes), avec ce que cela sous-tend de malsain, d’inconfortable et de répétitif. On pense aussi beaucoup aux Butthole Surfers et à Pussy Galore par la dimension maniaque de leur musique et on leur pardonne le plagiat assumé de « You Think I Ain’t Worth a Dollar, But I Feel Like a Millionaire » des Queens of the Stone Age sur le titre « It’s so Easy » comme on l’avait déjà fait pour Hey Colossus sur leur album Dances / Curses. Par ailleurs, l’ombre des excellents frenchies Chaos E.T. Sexual s’étend pareillement sur plusieurs titres et on tracera un parallèle évident entre leur rock indus et celui de Thee Alcoholics. À l’occasion et pour finir, un saxophone à la Mudhoney (« Since We’ve Become Translucent ») ou sorti tout droit d’un cauchemar des Sonics, distille une lumière fielleuse dans ce brouhaha de décibels et apporte une légère touche psychobilly à l’affaire avec le même effet qu’une mirabelle à la fin d’une soirée Exit Musik. Et comme celles-ci, la seule chose que l’on trouve à reprocher à cet album tout à fait recommandable, c’est l’âpreté avec laquelle il s’achève. On n’en aurait bien repris davantage, mais on ne se souvient déjà plus pourquoi. 

La gueule de bois s’annonce sévère et le groupe s’emploie, avec une ténacité de poux, à la rendre plus brutale encore. Feedback est une épreuve d’endurance et il s’agit de tenir bon face au matraquage pesant des guitares et aux assauts violents de la batterie (sur le bien nommé « Pity Me » par exemple). Une fois arrivé, donc, on a beau se sentir crade et perclus de douleurs, un truc pervers nous pousse à relancer l’album histoire d’en prendre un nouvelle dose.

On dit bien que le meilleur remède à la gueule de bois est de boire à nouveau, alors…

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