Steel Pole Bath Tub – Discographie

Publié par le 15 juillet 2023 dans Chroniques, Discographies, Non classé, Toutes les chroniques

Vous aimez Faith No More ? Pas moi, je déteste au plus haut point. J’ai malgré tout décidé de vous inviter, ce soir, à aller les voir en concert. Sans plus attendre, je vous emmène dans le Kentucky, dans la ville de Louisville. Louisville. En anglais, ça se prononce quasiment comme en français. Louis. Ville. Louisville. Slint is from Louisville. You got it. La date ? Le 24 mai 1995. Un mercredi. La salle ? The Brewery. Faith No More est en pleine tournée King For A Day, et si vous vous délectez à l’avance des pitreries et autres envolées lyriques de votre facétieux héros, Mike Patton, moi c’est pour la première partie que je me suis déplacé. Steel Pole Bath Tub. Pas Tube, teubé ! TUB. Je sais pas pourquoi les Français écrivent régulièrement (et prononcent toujours) Steel Pole Bath Tube. En quatre mots. Trois mecs montent sur scène. Ils paient pas de mine. Ils sont blancs, Américains, de taille moyenne, insignifiants. Leur set commence par une reprise échevelée, et copieusement speedée, de « Paranoid », de Sabbath. Cool, ça ! Deuxième morceau, une autre reprise, assez fidèle celle-ci : « Surrender », de Cheap Trick. Je connais pas bien Cheap Trick mais j’ai toujours aimé ce morceau. « Mommy’s alright, daddy’s alright, they just seem a little weird… Surrender, Surrender! » On chante le refrain avec eux. Un peu bizarre de commencer un concert avec deux reprises, mais bonne entame malgré tout. Troisième morceau. Sans que l’on comprenne bien pourquoi, Steel Pole Bath Tub rejoue « Paranoid ». Puis à nouveau « Surrender ». Puis « Paranoid ». Et « Surrender », avant d’enchaîner avec « Paranoid ». Le public commence à sérieusement s’agacer. Ils rejouent alors « Surrender » une dernière fois et quittent la scène sous un mélange de huées de la foule et de fous rires. Des canettes volent, si bien que Steel Pole Bath Tub revient pour un vrai rappel. Ils jouent « Paranoid », reprise échevelée et copieusement speedée de Black Sabbath. Puis « Surrender ». Fidèle à l’originale. Puis « Paranoid ». Enfin, pour la dernière fois de la soirée, et à la surprise générale, une reprise de Cheap Trick : « Surrender ». Mommy’s alright, daddy’s alright… Je ne suis pas très fétichiste, mais si j’aimerais posséder une set list pour l’encadrer dans mon salon, c’est celle de cette soirée-là :

PARANOID
SURRENDER
PARANOID
SURRENDER
PARANOID
SURRENDER
PARANOID
SURRENDER
PARANOID
SURRENDER

Rappel :
PARANOID
SURRENDER
PARANOID
SURRENDER

Au tour de Faith No More, votre groupe préféré. J’imagine que Mike Patton fait des pompes sur scène, qu’il harangue la foule, qu’ils interprètent vos titres favoris et que le public crie tout son amour afin qu’ils reviennent pour un rappel prévu d’avance. Ils reviennent sur scène ! (Je vous l’avais pas dit ?) Les hurlements de joie, comme vous en quatrième, redoublent ! Sauf qu’ils remontent sur les planches accompagnés des trois mêmes types qui avaient assuré cette première partie merdique… Faith No More, avec Steel Pole Bath Tub en guest, joue « Paranoid », de Black Sabbath. Speedée. Échevelée. Puis « Surrender », de Cheap Trick. Fidèle. Je vous laisse deviner quels furent les deux derniers titres joués ce soir-là ? 

Les mecs de Faith No More et ceux de Steel Pole Bath Tub étaient potes depuis des années. Ils faisaient partie de la même scène de la Bay Area de San Francisco, avec Victims Family, les Melvins, Plainfield, Neurosis, Thinking Fellers Local 282, Econochrist, Jawbreaker… et ils partageaient tous un sale humour de merde. Ils propageaient également des idées à la con, à profusion. Des blagueurs. On ne devait jamais s’ennuyer dans le van, avec Steel Pole Bath Tub. Sur scène, encore moins : Mike Morasky était chargé de jouer de la guitare et de chanter, Dale Flattum avait deux cordes de moins que Morasky et il chantait lui aussi, les baguettes étaient tenues de main ferme par un certain Darren K. Mor-X. Steel Pole Bath Tub jouait une musique qui tour à tour a été qualifiée de grunge, de noise, d’art-rock, de punk, de post-hardcore, d’expéminentale, d’industrielle, d’avant-gardiste, de pop et même de rock. 

Revenons sans plus attendre sur tous* les disques de rock qu’ils ont pu pondre entre 1989 et 1996. 

BUTTERFLY LOVE (Boner Records, 1989)

Après avoir enregistré une paire de cassettes démos, Steel Pole Bath Tub passe à l’étape suivante, sortant son premier album sur Boner Records, label de Berkeley sur lequel les Melvins n’allaient pas tarder à se retrouver également. Au programme, neuf titres dépravés, mal fagotés, bourrus et mal dégrossis d’apparence. Si l’on tend bien l’oreille, cependant, on peut détecter dans ce fourbi des semblants de mélodies qui s’accrochent des années durant. Celle de « I Am Sam I Am », par exemple, agit en tant que véritable morpion. On peut imaginer que ces trois mecs nagent alors en plein « early noise », avec Big Black, Scratch Acid, Butthole Surfers, NoMeansNo et Laughing Hyenas comme bouées de sauvetage, mais Steel Pole Bath Tub possède déjà un son propre – dans le sens « à lui », car il n’y a rien de plus sale (lire : grunge) que leur cambouis – et des idées saugrenues. Grâce à un locked groove, la face A tourne pour l’éternité. Sur la face B, on retiendra surtout le blues déjanté de « Heaven On Dirt », placé sous haute influence Killdozer, avec sa basse dictatoriale et un chant en quête de liberté. Butterfly Love n’est certes pas le disque le plus remarquable de la discographie de Steel Pole Bath Tub – que je n’écrirai jamais SPBT, détestant autant les acronymes que les raccourcis -, mais le ton était donné. Les années 80 pouvaient enfin officiellement crever. Le collage de la pochette, œuvre du groupe, semble lui aussi indiquer que jamais le Summer of Love ne sera déterré. 

LURCH (Boner Records, 1990)

L’histoire de l’œil (du recto de cette fantastique pochette sur laquelle ne figure pas la moindre inscription, il faut aller voir au verso pour lire le nom du groupe et le titre du disque) : la photo est tirée de Red & Rosy, un court métrage de Frank Grow. Dès les premiers stages de son existence, Steel Pole Bath Tub expérimente avec tout : la musique, évidemment, mais aussi la bande dessinée, la littérature et les arts plastiques. En plus de son traditionnel équipement de power trio suvolté, Mike, Dale et Darren sont équipés de magnéto-cassettes, de dictaphones et d’un certain nombre de pédales d’effets. Dès le monstrueux « Christina », qui a en elle quelque chose d’Alice Donut, les choses sont tirées au clair : Steel Pole Bath Tub joue fort, très fort, sur des samples tirés de films et des bandes enregistrées au hasard de la vie. Alors que l’on croit le morceau fini au bout de quatre minutes, des larsens et des hurlements non-identifiés occupent l’espace sonore pendant quatre autres minutes éprouvantes. Une musique d’horreur. La torture auditive se poursuit avec le lent et menaçant « Lime-Away », puis déboulent « Hey You », chanté par Flattum et dirigé par sa basse ultra saturée, et « The River », bercé par sa sublime mélodie en sous-sol. Afin de parfaire ce mini-album cinq titres, Steel Pole Bath Tub ne trouve rien de mieux que de le conclure par une reprise. « Paranoid », de Black Sabbath. Dans une version échevelée et hyper speedée. Une petite bombe vient d’éclater.

À l’intérieur de la pochette se trouve un livret noir et blanc, avec des bandes dessinées, de la poésie, de l’humour de mauvais goût et autres textes subversifs. Dans la liste des collaborateurs, on retiendra les noms de Claire De Préville, une marseillaise exilée à San Francisco avec qui Mike Morasky fut un temps marié, de Chuck Sperry, local artist bourré de talent, de Frank Grow, cinéaste expérimental pour qui Steel Pole Bath Tub compose des bandes son, de Carrie Stauber, une actrice, de Billy Anderson, alors un tout jeune ingénieur du son, de Tom Flynn, guitariste de Fang et boss de Boner Records, et de Todd Morey, frère de Darren Mor-X et chanteur d’un groupe dont on reparlera plus tard, Atomic 61. Steel Pole Bath Tub savait toujours bien s’entourer. 

En CD, Lurch et Butterfly Love avaient été couplés.

TULIP (Boner Records, 1991)

« Welcome, come in, come in, come in! » Le sample d’intro de Tulip nous accueille à bras ouverts. Pourtant, si d’aucuns vous soutiendront qu’il s’agit ici du chef-d’œuvre absolu de Steel Pole Bath Tub, il s’agit également de leur album le plus difficile à digérer. Pas le plus difficile d’accès, mais celui qui requiert le plus d’écoutes successives. Des idées fusent de toutes parts, les cerveaux de Mike, Dale et Darren sont en ébullition, et comme d’habitude, les morceaux, riches en décharges émotionnelles, sont entrecoupés de samples de films. Ou baignent en plein dedans, ce qui rend l’ensemble on ne peut plus touffu, pas facile à défricher. Surtout que j’imagine que le tout avait été enregistré en huit pistes – l’insert vient me le confirmer -, pleines à ras bord. Les oreilles affûtées, elles, dégusteront, car Tulip est un débordement jouissif, un foutoir regorgeant de trouvailles complètement dingues et d’une énergie communicative. Tulip a le don d’émerveiller, d’intriguer, de changer de fusil d’épaule sans prévenir, aussi, et de dissimuler une qualité mélodique quasi pop dans les recoins les plus obscurs. Chaque titre est plus inventif que le précédent, et celui qui se fait remarquer en premier, c’est le beau et calme (d’apparence) « Scarlet », qui une fois dégrossi, aurait pu s’apparenter à un tube. Pas à un tub. À un tube. Teubé. Sur « Myrna Loy », Steel Pole Bath Tub se transforme en quartette de jazz 50’s, avec la trompette de Paul (Reller), et sur le blues hirsute de « Wonders of Dust », c’est Noah Landis (le verso de la pochette indique Noah Pinion), de Neurosis, qui s’essouffle à l’harmonica. Le reste, c’est du Steel Pole pur jus, intenable et explosif. Parmi les auditeurs les plus attentifs, Vern et Justin, d’Unwound, prennent des notes. 

Tulip est réédité en vinyle en 2015, avec une pochette remodelée. Il doit mieux sonner que l’original (?), qui par les standards d’aujourd’hui, a un son bien crade. J’imagine pas ce dont aurait été capable Steel Pole Bath Tub avec la technologie actuelle, et les home studios qui enterrent les studios les plus luxueux de l’époque.

La pochette du cd est également cadrée différemment. Elle me fait à chaque coup penser au Destroy Me, My Lover, de Pain Teens, sorti deux ans plus tard, soit la même année que…

THE MIRACLE OF SOUND IN MOTION (Boner Records, 1993)

Si dans la discographie de Steel Pole Bath Tub il devait y avoir un album à écouter en priorité, ce serait celui-ci. Parce que c’est leur plus connu, leur plus inspiré, et aussi, accessoirement, leur meilleur. The Miracle of Sound in Motion s’ouvre sur un sample (tiré de Mission Impossible) : « All right, let’s go, we’ve got a date with the underground ». Lorsqu’il se referme quarante minutes plus tard, on est quelque peu déboussolé. Dans la poire, on vient de prendre consécutivement quatre hits implacables, catchy as fuck (« Train To Miami », la chanson dont le refrain répète inlassablement « these are my friends now, these are my friends now, these are my friends now » et certainement la composition de Mike Morasky qui avait le plus de chance de cartonner auprès du grand public, « Bozeman » (avec son menaçant « Do you remember me? Cause I remember you! »), un « Thumbnail » qui aurait pu servir de générique à une série d’espionnage, sans oublier l’inoubliable « Borstal », mené de main de maître par le bassiste Dale Flattum), une reprise improbable des Pogues (« Down All the Days »), un missile intrépide dont je vous défie d’un jour en mémoriser le titre (« Pseudoephedrine Hydrochloride »), un « Exhale pesant comme du Melvins, deux excellentes compos du batteur Darren Mor-X (« Carbon » et l’agressif « 594 » qui sonne comme une version surf de Sonic Youth) et un final sci-fi  bruitiste (« Waxl »). Nos oreilles sont en charpie, mais la queue frétille encore, car The Miracle of Sound in Motion est également un disque galvanisant. Fun, inventif, rugueux, fougueux et étincelant, il voit Steel Pole Bath Tub passer à l’étage supérieur. On ne met pas de notes aux disques, sur Exit Musik, mais si on le faisait, celui-ci ne volerait pas son 10/10. Une de ses forces, c’est d’avoir un son moins brouillon que les disques précédents. Le power trio avait trouvé le bon équilibre entre les trois instruments, les trois chants, les averses de larsens et tous ces samples qui avaient auparavant tendance à faire patauger des mélodies en or dans des flaques de boue. Le fait que Morasky, Flattum et Mor-X composaient alors de façon (quasi) égale contribue grandement à la richesse de cet album dont la pochette restera aussi mémorable que son contenu. Son graphisme avait légèrement été inspiré par celui d’un vieux disque des sixties, une compilation de sons (mur du son, croassements, sifflements de trains (le choo choo de « Train To Miami » vient peut-être de là, tiens !), des hennissements, des crissements de pneu, des bagnoles qui se plantent, et j’en passe…) qui s’appelait The Sound of Sounds

Comme une vague ressemblance, non ?

YOUR CHOICE LIVE SERIES (1993, Your Choice Records)

Your Choice était un label basé en Allemagne et connu pour ses disques live. Dans la série, on retrouvait entre autres les Melvins, Shudder To Think, Jawbox, Helios Creed, The Notwist… et donc aussi Steel Pole Bath Tub, avec cet enregistrement capturé le 17 septembre 1992 à Albig. Le son est correct (on n’entend pas le public ; ils étaient combien dans le Alte Turnhalle ?), la prestation est solide, et surtout, la set list ressemble à s’y méprendre à un best of :

Bostal (de The Miracle of Sound in Motion)
Bozeman (de The Miracle of Sound in Motion)
Sister (de Tulip)
Mercurochrome (de Tulip)
Slip (de Some Cocktail Suggestions, qui n’était pas encore sorti au moment de l’action)
Arizona Garbage Truck (tiré d’un single de 1990)
Carbon (de The Miracle of Sound in Motion)
Scarlet (beauté pure de Tulip)
Pseudoephedrine Hydrochloride (vous commencez à le retenir, ce titre du premier morceau de The Miracle of Sound in Motion, ou pas ?)

Seul « Train To Miami » manque à l’appel. Steel Pole Bath Tub est en pleine tournée The Miracle of Sound In Motion, et l’Europe est un continent où ils se produisent fréquemment, la France notamment. Il est assez fascinant de se rendre compte qu’en faisant une recherche google de ce disque, on tombe seulement sur deux pauvres photos pixelisées et à basse résolution. Le LP, plutôt difficile à choper, donc, contient un magnifique insert encré par Chuck Sperry, mais vous n’en verrez jamais la couleur. D’autant plus qu’il est en noir et blanc. 

Un set très similaire, tiré de la même tournée, était sorti en VHS et est désormais disponible sur youtube, afin que vous puissiez juger des compétences de notre trio san franciscain, sur les planches. Et vérifier au passage que Darren Mor-X est un monstre de puissance, à la batterie. 

Fruites aux Sept Liqueurs (sic) (ceci est un lien cliquable)

Puisqu’il est question d’alcool, passons sans plus attendre à… 

SOME COCKTAILS SUGGESTIONS (1994, Boner Records)

Albini adorait Steel Pole Bath Tub, si bien que « Tulip » avait atterri dans sa très sélecte A List de 1991. Il avait cependant fallu attendre trois ans de plus avant que Steel Pole Bath Tub et le binoclard en bleu de travail se retrouvent enfin dans le même basement pour enregistrer ensemble. Six titres seulement, nous sommes sur un 10”, pas un longue durée, et la petite déception, c’est que les compos sont loin d’atteindre les sommets de celles de The Miracle of Sound In Motion. C’est souvent comme ça avec bien des groupes. Se relever/se renouveler après avoir sorti un disque monumental n’est jamais chose facile. Some Cocktails n’est pas mauvais pour autant, mais son noise rock est plutôt classique. Le concept de la pochette, lui, qui propose un savoureux menu de cocktails, est par contre une bonne petite trouvaille. À noter que le vinyle noir est aussi fin qu’un flexi. 

Vous reprendrez bien un dernier verre avant de partir ?

SCARS FROM FALLING DOWN (Slash / London, 1995)

Après le succès vertigineux de Nevermind, les majors se mettent à signer n’importe quel groupe associé de près ou de loin au mouvement grunge. Personne n’y réchappe. Pas même Steel Pole Bath Tub, qui est rattrapé par Slash, devenu une sous-division de Warner. Certains groupes parviennent alors à signer des contrats leur permettant d’acquérir une totale liberté artistique, mais ce n’est pas le cas des pauvres Steel Pole Bath Tub. Première mauvaise nouvelle, on leur impose d’aller enregistrer dans un studio professionnel, où le groupe aura tout de même la joie de bosser avec une pointure, Ed Stasium (Ramones, Talking Heads…), mais seulement sur trois des onze morceaux. Autre déconvenue, on leur recommande assez fortement de laisser de côté l’utilisation des samples, partie pourtant prépondérante de ce qui fait leur son et leur identité. Malgré ces accrocs et autres compromis, Scars From Falling Down reste un bon album, sur lequel la guitare de Moraski fait encore des étincelles. La folie et les embardées bruitistes (malgré la présence d’un court dérapage explosif et cacophonique, « Four Barrels ») manquent certes à l’appel, le son restera un peu trop clean pour le puriste qui trouve toujours mieux sa place dans la gadoue, mais le versant un tantinet plus commercial de Steel Pole Bath Tub vaudra toujours mieux que bien des disques sortis la même année sur des labels indépendants. La bonne nouvelle, c’est que nos oreilles ont moins d’efforts à produire afin de détecter des mélodies éclatantes de beauté. Ce dernier album n’en manque pas, entre « The 500 Club », « Home Is a Rope », « Kansas City » et surtout « Twist », qui restera à jamais un des meilleurs titres de Steel Pole Bath Tub, toutes époques confondues. 

UNLISTENABLE (0 To 1, 2002)

En 1996, Steel Pole Bath Tub propose l’idée saugrenue, pour son deuxième album sur une major, de sortir un disque uniquement composé de reprises des Cars. Slash ne l’entend pas de cette oreille, ordonnant immédiatement au groupe de redevenir un peu sérieux et de plutôt songer à pondre un tube. Ce pour quoi il est payé. Slash envoie le trio bosser en studio, fissa. Steel Pole Bath Tub en ressort avec des bandes alors qualifiées d’inécoutables par le directeur artistique. « Unlistenable! A soundtrack to nothing! » Slash refuse de sortir le disque — on les comprendrait presque, à l’écoute du machin. Steel Pole Bath Tub se sépare dans la foulée. Fin de l’histoire.

Six ans plus tard, Darren Mor-X, avec l’accord de ses comparses, suggère de publier cet enregistrement perdu sur son propre label. Inécoutable (pour le grand public), c’est peu de le dire. Avec ces bandes, Steel Pole Bath Tub avait clairement proposé à son label de l’époque un irrémédiable suicide commercial. Le trio s’éparpille, propose des bizarreries sonores qui pourraient fricoter avec les expérimentations les plus folles des Butthole Surfers, de Chrome ou de Six Finger Satellite. De courts instrumentaux sans queue ni tête déboulent de nulle part, à l’emporte pièce. Le chant est enfoui au plus profond du mix (marmonné depuis une cabine téléphonique défectueuse de l’autre côté de la rue ?), et pourtant, au beau milieu de ce maelstrom, on tombe sur une paire de perles : « A Kinder Party » a du Melvins en elle, et « Action Man Theme » ne dépareillerait pas sur un album de Man or Astro-Man? Le reste ? Pas facile d’écoute, exigeant et hautement décousu. Trois reprises des Cars, complètement déconstruites, sont également de la partie : « What I Need », « The Good Times » et « My Best Friend’s Girl », ici retitré « My Best Friend’s A Girl ». Entre divagations minimalistes, distorsions électroniques, foutages de gueules et tentatives avortées d’un groupe sur les rotules, Unlistenable reste une curiosité à réserver aux moins frileux. Certains fans de la première heure l’adorent, d’autres le négligent. De mon côté, je l’avais presque oublié… 

En novembre 2002, suite à la sortie improbable de cet ultime enregistrement studio, Steel Pole Bath Tub est invité à se reformer par Neurosis, afin de le rejoindre à l’affiche du Beyond The Pale Festival, dont Neurot Records est l’instigateur. Une bien belle soirée au DNA Lounge de San Francisco (I was there), lors de laquelle se produisent House Of Low Culture (avec Aaron Turner d’Isis), Tarantula Hawk (un groupe local heavy et psyché que j’interceptais dès que je le pouvais), et enfin Neurosis, qui a la dure tâche de monter sur scène juste après un set dévastateur de Steel Pole Bath Tub. Dans mon lointain souvenir, ils interprétèrent, au beau milieu de ce concert magistral, les trois reprises des Cars, en acoustique, assis sur des chaises. Lo-fi à souhait.  

Ils donnent un autre show 5 ou 6 ans plus tard à Portland (I wasn’t there), et depuis, plus rien**. Mike Morasky a récemment repris la guitare et le micro avec un nouveau projet très prometteur, Cassette Prophet (anciennement Radio Shack), mais de Dale Flattum et Darren Mor-X (qui, aux dernières nouvelles, vivait à Portland), je ne sais plus rien. Cassette Prophet a récemment enregistré un album qui devrait bientôt être mis en ligne… affaire à suivre !

Puisque l’on parle de cassettes, et si l’on rembobinait la bande jusqu’au tout début de l’histoire ? Car ce que j’ai omis de vous préciser, c’est que Steel Pole Bath Tub se forme à l’origine à Bozeman, bled paumé du Montana. Morasky et Flattum déménagent vite à Seattle, où ils rencontrent le batteur Darren Mor-X. Suit une démo, We Own Drrrills, un temps disponible en téléchargement gratuit sur le site du groupe (ne cherchez pas, http://www.steelpolebathtub.com est down depuis longtemps). Aussi incroyable que cela puisse paraître, il se pourrait bien également que dans un futur relativement proche, cette démo, uniquement sortie en cassette en 1987 et évidemment de nos jours introuvable, soit rééditée en LP… J’ai encore les mp3 sur une vieille bécane, qui a bien voulu se rallumer. Écoutons-les. 

WE OWN DRRRILLS (1987, autoproduit)

De façon assez stupéfiante, force est de constater que ce premier enregistrement se rapproche surtout du dernier, Unlistenable. Comme si du départ jusqu’à l’arrivée, Steel Pole Bath Tub n’avait souhaité qu’une chose : composer de la musique de films de science-fiction ou de série Z, expérimenter, bidouiller du son avec un quatre pistes et effrayer des auditeurs imaginaires. Ils s’étaient laissés embarquer dans le rock plus conventionnel un peu par défaut, après avoir déménagé dans le Mission District de San Francisco en 1988. 

Mike Morasky au Kennel Club, SF, 1990

Steel Pole Bath Tub était également un groupe qui affectionnait les singles. C’était une période durant laquelle il était facile d’en sortir – c’était vite produit, peu coûteux, exactement l’inverse d’aujourd’hui -, le public en était friand, et ils ne s’étaient pas privés de nous offrir quelques belles pièces. Que l’on va sans plus attendre examiner une à une :

« ARIZONA GARBAGE TRUCK » b/w « VOODOO CHILE » (Sympathy for the Record Industry, 1990)

La bande dessinée désopilante qui sert de pochette à ce qui fut le tout premier single de Steel Pole Bath Tub est l’œuvre de l’inimitable Chuck Sperry. Le vinyle est jaune pisse translucide (existe aussi en version rouge sang transparent), et sur sa face A on retrouve un inédit qui envoie le bois. Arizona Garbage Truck aurait facilement pu se frayer un chemin jusqu’à Lurch, sorti la même année : lent, visqueux, dédaigneux mais aussi mélodique sur la longue montée instrumentale. Qui coupe court. En face B, Steel Pole Bath Tub, toujours féru de reprises, se tape le « Voodoo Chile » de Jimi, ni plus ni moins. Avec la guitare de Morasky qui pleurniche gentiment. Le chant de Flattum n’est pas exactement juste, mais ce ne sera pas suffisant pour empêcher ce 7” de constituer un must. D’autant qu’il avait été sorti par Sympathy for the Record Industry, un label californien que personne ne mentionne jamais alors qu’il n’avait pas grand chose à envier à Sub Pop, Amrep, Touch and Go ou Dischord. Son catalogue de singles, notamment, était des plus impressionnants. La liste est carrément vertigineuse : Slug, Snailboy, Thee Headcoats, Olivelawn, Red Aunts, The Muffs, Claw Hammer, Melvins, Hole, Dwarves, The Geraldine Fibbers, Hot Snakes, Oiler, Atomic 61, Bloodloss, Rocket From The Crypt, Gun Club, Trumans Water, Chrome Cranks, Thee Headcoatees, God Bullies, Jonestown, Servotron, Free Kitten, Roky Erickson et des douzaines d’autres groupes de losers invétérés avaient dans leur discographie au moins un disque estampillé Sympathy for the Record Industry.

Le même, mais en version picture disc qui sonne comme du contreplaqué : 

Toujours Chuck Sperry pour le sublime artwork.  Les petits diables de la face « Voodoo Chile » se retrouvaient sur les produits dérivés vendus à la table de merch : T-shirts, stickers, badges et même shorts !

Ça tombe bien, c’est l’été. 

SPLIT WITH THE MELVINS (Boner, Tupelo Recordings, 1990)

Voici un truculent pastiche du célèbre split Mudhoney/Sonic Youth (« Halloween » b/w « Touch Me I’m Sick », Sub Pop, 1989) sur lequel l’un reprenait l’autre, et l’autre reprenait l’un. Les Melvins se paient « Sweet Young Thing Ain’t Sweet No More » de Mudhoney avec talent (il ne sera pas interdit de préférer cette version à l’originale) et Steel Pole Bath Tub déglingue « I Dreamed I Dream » de Sonic Youth (il ne sera pas interdit de préférer cette version à l’originale take#2). Existe en 12” et en 7”, avec différentes variantes de couleurs. Du côté Melvins, la pochette est évidemment un rip off de « Touch Me I’m Sick » (dont « Sweet Young Thing » était la face B, comme je l’espère vous le saviez déjà). Du côté Steel Pole Bath Tub, il s’agit d’un clin d’œil à la pochette (signée Savage Pencil) du maxi de « Death Valley 69 », sur lequel figurait effectivement « I Dreamed I Dream », à l’origine un des cinq morceaux du premier EP de Sonic Youth de 1982. Largement mieux qu’une simple curiosité. Dommage, ceci dit, que les Melvins n’aient pas repris Steel Pole Bath Tub et qu’en retour ces derniers n’aient pas repris ces premiers. 

« VENUS IN FURS » b/w « EUROPEAN SON » (Communion Label, 1991)

Steel Pole Bath Tub n’avait pas été invité à participer à Heaven & Hell, le fameux tribute au Velvet Underground sur lequel Screaming Trees, Buffalo Tom, Nirvana, Ride et The Wedding Present rendaient hommage au groupe new-yorkais le plus souvent copié et jamais égalé. Qu’à cela ne tienne, ils avaient malgré tout apporté leur pierre à l’édifice, avec des versions juteuses de « Venus In Furs » et « European Son » (sur laquelle j’ai du mal à identifier la voix… ce n’est ni Morasky ni Flattum. Peut-être Darren K. Mor-X ?). Existe en plusieurs couleurs. J’ai un noir marbré du plus bel effet. Sur le même (Communion) label, on trouvait un autre single comprenant des reprises du Velvet. C’était un split Nirvana / Melvins, sur lequel Nirvana revisitait « Here She Comes Now » (même version que sur Heaven & Hell). Les Melvins, eux, comme leurs comparses de Steel Pole Bath Tub, avaient sévèrement flagellé « Venus In Furs ». Si vous ne l’avez pas et que vous désirez en acquérir une copie, je vous souhaite bien du courage. 

LIVE (Your Choice Records, 1991)

Trois titres enregistrés live le 13 janvier 1991 à Alzey, en Allemagne : « Hey Bo Diddley » + « One Thick Second » en face A, et « Heaven On Dirt » en face B, dans une version apoplectique. Le son est excellent, la prestation irréprochable, ce qui en fait un complément idéal au Live LP sur Your Choice. Voir Steel Pole Bath Tub en concert à cette période-là était une sacrée expérience. L’énergie déployée par les trois gars faisait plaisir à voir et le volume sonore était électrisant. J’avais eu la chance d’assister à un de leurs furieux concerts (avec DUH!)  à Craponne, pas loin de Lyon, je pense sur la même tournée, mais mes souvenirs sont flous. 

« BOZEMAN » b/w « BORSTAL » (Tupelo Recording Company, 1992)

Bozeman, c’était le nom de la ville du Montana d’où les deux tiers de Steel Pole Bath Tub étaient originaires, et aussi le titre de la première chanson de ce 7” qui, possiblement, restera mon préféré de tous ses 45 tours. Après cinq écoutes successives de ce morceau d’anthologie au groove tenace, chanté par Morasky – « Do you remember me? Cause I remember you! » -, on tourne enfin le disque et on déguste « Borstal », chanté par Flattum. Cinq écoutes, c’est la dose prescrite pour celui-ci aussi. Steel Pole Bath Tub est alors à son meilleur. Ces deux titres majestueux avaient été réenregistrés l’année suivante pour The Miracle of Sound in Motion, et bien entendu, par pur snobisme (ou pas), il conviendra d’affirmer que ces versions sont supérieures à celle du LP. 

La version cdep, toute plate, contient un titre en plus, « Arizona Garbage Truck », tiré du premier single.  

« AUF WIEDERSEHEN » b/w « SURRENDER » (Man’s Ruin Records, 1995)

Deux reprises de Cheap Trick réunies sur un même vinyle rouge : « Auf Wiedersehen » et « Surrender » nous donneraient presque envie de jeter notre dévolu sur Heaven Tonight, l’album de 1978 sur lequel se trouvent les deux chansons originales. Steel Pole Bath Tub n’a plus vraiment besoin de nous prouver, en 1995, qu’il est passé maître dans l’art de la reprise, et pourtant, une fois de plus, il s’approprie ces deux titres avec une classe hors du commun. Les perturbations causées par un theremin (?) et autres saturations, au sein de « Surrender », font toujours leur petit effet. Comme pour le single précédent, difficile de ne pas avoir envie de jouer cette face cinq fois d’affilée — en l’entrecoupant, pourquoi pas, du « Paranoid » qui se trouve en bout de course de Lurch ? Pour ne rien gâcher, le contenant est aussi merveilleux que le contenu, avec cet artwork maoiste signé Kozik. Un grand classique de chez Man’s Ruin, s’il en est !

Le regretté Frank Kozik était également l’auteur de ce magnifique poster :

(que j’ai eu l’occasion d’acheter, un jour, il y a fort longtemps, à Madrid, et vous pouvez pas savoir à quel point je me mords les doigts de pas l’avoir fait… mais j’étais en tournée, fauché…)

TRAGEDY ECSTASY DOOM AND SO ON (Genius Records 1995)

Sans prévenir, quatre titres de qualité supérieure atterrissent sur ce double 45 tours à pochette gatefold, dont l’artwork, somptueux, est signé Dale Flattum. Un inédit, « Alice », est scindé en deux, sur la première tranche, et sur la seconde, on retrouve trois autres bijoux : le nerveux « I Want It Now » et l’instrumental « 4 Barrels », en face 3, et en face 4, une version différente de « Home Is Rope », de Scars From Falling Down. Steel Pole Bath Tub est alors la propriété de Slash Records, et cette escapade autorisée restera bien mieux qu’un simple interlude. Petite particularité, les titres des morceaux ne sont pas inscrits sur les labels centraux, mais gravés en tant que messages cachés en bout de sillon.  

SPLIT WITH UNWOUND (Honey Bear Records, 1996)

Étrange de réaliser aujourd’hui que le dernier disque sorti de son vivant par Steel Pole Bath Tub fut ce split avec Unwound. Un disque que j’ai croisé un certain nombre de fois dans les bacs à soldes, à 50¢, tout simplement parce que très peu de personnes savaient de quoi il en retournait avec ce 45. Aucune inscription de lisible, les labels centraux sont vierges et rien n’est indiqué nulle part, pas même sur la matrice du vinyle – si ce n’est un numéro de série. Seul le nom du label et l’adresse san franciscaine sont mentionnés au verso. Un petit coup d’œil sur discogs suffit de nos jours pour apprendre que Unwound avait placé un superbe inédit (qui figure, heureusement pour vous, sur la compilation A Single History 1991-1997), « Seen Not Heard », et que le morceau live de Steel Pole Bath Tub, cacophonique au possible, serait une version méconnaissable de « Hey Bo Diddley », enregistrée à Tokyo. Pas difficile d’imaginer que les japonais raffolaient des incartades les plus folles de Steel Pole Bath Tub. Était même sorti au Japon, et seulement au Japon, une compil CD, intitulée avec simplicité The Best Of Steel Pole Bath Tub. Unwound aussi, avait eu droit à sa compilation japonaise, Further Listening, rééditée plus tard en Europe par Matador.  

Dommage que personne n’ait un jour eu l’idée de rassembler tous les morceaux inédits que Steel Pole Bath Tub avait disséminés sur tous ces singles dont nous venons de parler, plus ceux éparpillés sur les compilations. Il y avait facilement de quoi remplir un CD ou un double LP. Attendez un peu… Vous avez dit compilations ? Occupons-nous seulement du cas de celles qui proposent de véritables inédits, ok ?

Virus 100 (Alternative Tentacles, 1992)

Ce mythique tribute aux Dead Kennedys regorge de bien belles pépites (même le Faith No More, en mode musette, est cool, c’est dire !) et juste après l’hilarant « Forward To Death » repris a cappella par NoMeansNo, Steel Pole Bath Tub, en deux temps trois mouvements, règle son compte à « Chemical Warfare ». Difficile de se planter quand on reprend les Dead Kennedys. Les Thugs, eux, se sont surpassés avec un « Moon Over Marin » d’une beauté incommensurable. 

Surprise Your Pig (Staple Gun Records, 1992)

Lorsque Steel Pole Bath Tub s’attaquait à une reprise, il le faisait parfois avec fidélité, et d’autres fois… se permettait quelques libertés d’interprétation ? On dira ça comme ça. Qui reconnaîtrait « We Walk », l’avant-dernier titre de Murmur, sur ce tribute album à R.E.M. ? Sa participation à ce tribute en demi-teinte ressemblait fort à un foutage de gueule, même si cette boucle rêveuse peut avoir certains effets hypnotiques. Sur Surprise Your Pig, le premier prix revient, haut la main, à Jawbox, qui rend justice au meilleur morceau (seul bon morceau, on me souffle, au fond ? Coquinou !) de Out of Time, « Low ». Pas besoin de se procurer Surprise Your Pig pour l’écouter : pour notre plus grand bonheur, il est inclus sur Scrapbook of Fatal Incidents

The Smitten Love Song Comp. (Karate Brand Records, 1994)

Fantastique compilation sur laquelle on retrouve la crème des noiseux américains des glorieuses 90s : Slug, Johnboy, Unwound, Cherubs, Godheadsilo, Engine Kid… et donc Steel Pole Bath Tub, qui place ici un inédit romantique, « The Seventh Hour of the Seventh Day ». Un pur joyau. Un de mes détails préférés, c’est le chant doublé (gueulé) par Darren Mor-X, tout au fond du mix, qui répond à Dale Flattum. Une idée assez simple en soi, parfaitement réalisée. Ce morceau somptueux méritait amplement de figurer sur un album. 

LIVE AT EMO’S – THIS PLACE SUCKS – VOLUME 2 (No Lie Music, 1997)

Steel Pole Bath Tub avait joué un certain nombre de fois au mythique club d’Austin, Emo’s, au Texas – comme chaque groupe noise qui se respecte -, et sur ce split 7” partagé à trois, « Soul Cannon », le premier morceau de Tulip, est joué le couteau entre les dents. Le son n’est pas bien terrible, mais arrêtons de chipoter : un morceau live de Steel Pole Bath Tub sur une compil, on prend tout de suite ! Sans compter que de l’autre côté de ce single qui tourne en 33 rpm, Unsane fait péter son fameux titre à l’harmonica, « Alleged ». Le troisième groupe, Gomez, ne m’a jamais excité outre mesure, lui. Hüsker Dü aura décidément fait du mal dans la scène hardcore mélodique…

DOPE-GUNS-’N-FUCKING IN THE STREETS – Volume 10  (Amphetamine Reptile  Records, 1995)

« Et toi, c’est quoi ton volume préféré de la série des Dope-Guns ? » Cette question ne m’a malheureusement jamais été posée, sans quoi j’aurais répondu, sans la moindre hésitation : « Le volume 10 ! » En pole position sur ce single indispensable, « A Washed Out Monkey Star Halo » est un inédit perché, avec la basse qui garde le cap pendant que la guitare explore… l’univers ? Morasky doit être un grand fan de Helios Creed. Brainiac (au sommet de son art avec un inédit génialissime : « Cookie Doesn’t Sing »), Today Is the Day (« Execution Style » : lire le titre suffit pour savoir de quoi il en retourne) et Chrome Cranks (garage crade au possible et jouissif) viennent compléter cette merveille ronde et plate (et violette pour ce qui est de ma copie). Quatre groupes complètement différents pour un single explosif. C’était d’ailleurs aussi ça, le propre des Dope-Guns’-N-Fucking in the Streets, de faire s’affronter des groupes noise, grunge, punk, metal, arty, garage, bordéliques, expérimentaux… avec un résultat toujours saisissant. 

JABBERJAW – PURE SWEET HELL (Mammoth Records, 1996)

Le premier volume des compilations Jabberjaw (mythique club de Los Angeles qui a fermé en 1997) est celui qui retient généralement l’attention. Et pour cause : Unsane, Slug, Unwound, Hammerhead, Hole, Chokebore, Helmet, Mule, Karp, Surgery sont de la partie. Pourtant, ce second volume contient son lot de sucreries : Brainiac, Man Or Astro-Man?, Laughing Hyenas, Godheadsilo, Low et donc Steel Pole Bath Tub, qui en profite pour placer le très calme « Charm ». Une berceuse qui ne tardera pas à partir en couilles. Encore un inédit qui vaut de l’or. 

Steel Pole Bath Tub en pleine action, à Jabberjaw.

THE BIG ONE (Flipside Records, 1991)

Cette compilation voit s’opposer les groupes de la Californie du Sud (SoCal) sur une face, à ceux de la Californie du Nord (NoCal), un bon vieux derby L.A. vs S.F., en quelque sorte. Sur la face NOCAL, Steel Pole Bath Tub et les Melvins se regroupent sous le nom Steel Pole Melvins Task Force pour nous pondre une sorte de hip hop instrumental, « Hardball » – qui ressemble en fait à du Milk Cult. Rien de mémorable. D’ailleurs cette compilation ne tourne pas souvent sur la platine… On peut l’oublier. C’est fait.

Puisque le nom de Milk Cult vient d’être cité, passons maintenant, si vous le voulez bien, aux projets parallèles. 

DUH

L’histoire de Duh est très embrouillée, si bien que je ne vais pas vous la raconter. Sachez juste que l’on trouve en son sein Mike Morasky (ici à la basse) et Tom Flynn, guitariste de Fang et boss de Boner records. Le line-up changeait perpétuellement, et des membres de Phantom 309 et Pansy Division ont un jour fait partie de Duh. Duh que je devrais par ailleurs écrire DUH, puisque ce serait un acronyme de Death’s Ugly Head. 

Blowhard sort en 1991, en toute logique sur Boner Records, et c’est le genre de disque que l’on chérit lorsque l’on a la chance de l’avoir, bien classé sur ses étagères entre Drunk Tank et Dustdevils. Il émerveille chaque fois qu’on le met sous un diamant. Punk, noise, fun, dégénéré, drôle et irrévérencieux, il restera à jamais le seul et unique disque de DUH.

Sauf que si vous vérifiez mes dires sur discogs, vous trouverez un second album, The Unholy Album, sorti quatre ans plus tard sur Alternative Tentacles. Et là, l’histoire se complique encore plus… Je vais faire de mon mieux pour faire bref. En 1995, sort un 12” intitulé Jello Biafra With Plainfield, avec au verso le célèbre logo à la chauve-souris. Une vaste blague, en réalité. Plainfield est effectivement le groupe qui joue certains de ses plus grands hits, mais le Jello en question est de toute évidence un imitateur. C’est à Boner Records que l’on doit cette fausse collaboration. Seulement des années plus tard on a appris qu’il s’agissait en réalité de Grux, le chanteur de Caroliner (le groupe le plus dingue de la planète) qui répondait à Smelly au téléphone avant une désopilante série de « I need your flesh! ». 

Be ready to say “DIE!”

Sauf que le vrai Jello ne trouve pas ça drôle du tout (moi si). Avec des musiciens de groupes d’Alternative Tentacles, ils décident de rétalier. Ils ont alors l’idée de sortir un album sous le nom de DUH, avec une pochette elle aussi dessinée par Harvey Bennett Stafford (la peinture que l’on voit sur la pochette du single de « Night Goat » des Melvins, c’est lui !) pour brouiller encore plus les pistes. The Unholy Handjob compte lui aussi une bonne dose de blagues salaces et de clins d’œil lourdingues, et malgré son humour graveleux et ses gros riffs potaches, il n’est pas du tout un mauvais album. Surtout lorsque l’on est fan de L7

TUMOR CIRCUS

En 1991, les trois membres de Steel Pole Bath Tub sont rejoints par Jello Biafra au micro — encore lui, et cette fois-ci c’est le vrai ! — , et en seconde guitare par Charles Tolnay (décédé en 2017, il avait joué dans quelques-uns des meilleurs groupes australiens, tous hautement recommandables : Grong Grong, Bloodloss (avec des membres de Mudhoney), Bush Pig (avec également des membres de Mudhoney), King Snake Roost, et le temps d’un album dans Lubricated Goat. Parfois, la somme des éléments d’un « super-groupe » accouche d’un bébé difforme, qui n’a rien à voir avec ce que l’on pourrait imaginer en voyant la tronche des parents, et d’autres fois, elle est exactement égale à ce à quoi on s’attendait. Steel Pole + Jello + Tolnay = une version noise kangourou des Dead Kennedys. Durant sa trop courte tenure, Tumor Circus ne sort qu’un seul longue durée (S/T, sur Alternative tentacles) et deux singles : « Meathook Up My Rectum » (qui n’a qu’une seule face d’enregistrée. Le verso est « etched ») et le classique « Take Me Back Or I’ll Drown Your Dog », qui existe en version normale, et en version picture disc, doublement perforée. 

(Veillez à ne pas vous tromper de trou)

Les singles ne contiennent de toute façon aucun inédit, et c’est irrémédiablement l’album qu’il faut avoir en priorité, ne serait-ce que pour Swine Flu, morceau de choix et un des meilleurs trucs jamais enregistrés par Jello, sur lequel il s’essaie au rap (rires). 

ATOMIC 61

Le nom de famille de Darren Mor-X est en réalité Morey, et le Todd Morey qui chantait dans Atomic 61 est son frère. Quel groupe honteusement ignoré, ça aussi, Atomic 61 ! Sur son tout premier single, enregistré en décembre 1990 à San Francisco et sorti sur Baylor Records, on retrouve les trois membres de Steel Pole Bath Tub. Darren Morey est à la batterie, Dale Flattum est à la basse, et Mike Morasky sert d’ingénieur du son, puisque la guitare est tenue par l’habituel Trevor Lutzenhiser. « Deluxe Snooze-Bar Alarm » d’un côté du beau vinyle bleu transparent, « No Fault Insurance » de l’autre, et c’est parti pour du stoner rock avant l’heure. Atomic 61 se stabilise en 1991 avec une autre section rythmique après avoir déménagé à Portland, puis publie consécutivement trois albums de haut vol, un 10” et sept autres singles que l’on trouve régulièrement dans les bacs d’invendus, puisque les acheteurs de disques, c’est bien connu, ne connaissent rien à rien. Et c’est tant mieux, puisque c’est nous qui en profitions.  

L’objet du délit ! 1000 copies. Je suis sûr que nombre d’entre elles batifolent encore dans la nature. 

MILK CULT

Milk Cult était un projet parallèle qui trainait souvent en France, en particulier à la Friche, à Marseille. Je crois même les avoir croisés lors d’un festival MIMI. Dans Milk Cult, on retrouve Mike Morasky et Dale Flattum, plus Eric Holland et une horde d’invités divers et variés. L’ambiance est souvent trip-hop, électronique, breakbeat, parfois world music, pas vraiment mon truc. J’ai un de leurs albums en LP (Burn or Bury, superbe pochette !) et deux autres en CD. Mais vous savez quoi ? Je n’ai pas la moindre envie de les réécouter. 

NOVEX

En faisant des recherches pour le bien de cet article discographique qui va bientôt prendre fin, je vous rassure, je suis tombé sur le nom de ce groupe formé par Darren Mor-X et Dale Flattum au début des années 2000, mais que je n’avais jamais rencontré jusque-là. Même si leur album Kleptophonica est sur spotify, je ne vais pas faire semblant de connaître leur musique sur le bout des doigts, ok ? 

Doigts qui commencent à sérieusement fatiguer… et qui ne vont pas tarder à lâcher le clavier. Pas avant de vous proposer une sélection triée sur le volet :

STEEL POLE BATH TUB en 10 titres essentiels:

  • PARANOID (1990, LURCH)
  • SURRENDER (1995, AUF WIEDERSEHEN)
  • PARANOID (1990, LURCH)
  • SURRENDER (1995, AUF WIEDERSEHEN)
  • PARANOID (1990, LURCH)
  • SURRENDER (1995, AUF WIEDERSEHEN)
  • PARANOID (1990, LURCH)
  • SURRENDER (1995, AUF WIEDERSEHEN)
  • PARANOID (1990, LURCH)
  • SURRENDER (1995, AUF WIEDERSEHEN)

Bil Nextclues

* Quand je dis tous, c’est tous. 

** ça, c’était au moment où je tapais ces lignes, le 8 juillet 2023. Deux jours plus tard, Mike Morasky annonce sur Facebook que Steel Pole Bath Tub donnera un concert le 9 septembre prochain à Houston, TX… Magie ? Des reformations impromptues s’étaient déjà produites dans la foulée de deux de mes chroniques pour la rubrique Glorieux Perdants de New Noise, Haystack et Flower. Aurais-je un pouvoir quelconque ? Sur qui devrais-je écrire un article bientôt ? TAD ? Lungfish ? Fugazi ????
Si vous avez des groupes que vous souhaitez voir revenir à la vie, il suffit de me contacter. 

LIRE D’AUTRES DISCOGRAPHIES (Don Caballero, The Sound, Rowland S. Howard, Sonic Youth, Dinosaur Jr., Soundgarden, Pixies…)

LIRE DES DISCOS VERSIONS EXPRESS (The Cure, Nine Inch Nails, Unwound, QOTSA, Come / Thalia Zedek, Gary Lee Conner, Flipper & many more)

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