Queens of the Stone Age – In Times New Roman…

Publié par le 13 juin 2023 dans Chroniques, Toutes les chroniques

(Matador, 16 juin 2023)

Au bout de combien de temps considère-t-on que le line-up actuel d’un groupe en est le plus représentatif ?

Si vous êtes comme la plupart des gens qui écoutent Queens of the Stone Age depuis longtemps, vous les identifiez sans doute à un duo Josh Homme/Nick Oliveri, en y ajoutant peut-être Mark Lanegan voire Dave Grohl. Mais ce line-up n’est que celui d’un album, en vérité. Et même le duo Homme/Oliveri, qui a sans doute apporté au groupe les meilleurs morceaux de son histoire, n’a véritablement existé au sein de Queens of the Stone Age que six ans et sur deux albums. Pour remettre en perspective, c’est quatre ans et un album de moins que Jon Theodore, le dernier batteur en date, alors que les batteurs n’ont clairement pas été le point de stabilité dans le personnel.

Pourtant, tout le monde continue de juger Queens of the Stone Age à l’aune de la musique qu’ils faisaient entre 98 et 2004. On le comprend aisément vu la qualité de leur production de l’époque. Or, si vous faites partie de cette catégorie de gens, autant vous épargner la suite de cet article : vous trouverez ce nouvel album au mieux sans plus, au pire nul à chier.

Pour les autres, cependant, nous allons élaborer un peu. Oui, In Times New Roman pâlit en comparaison des deux chefs-d’œuvre que sont Rated R de 2000 et Songs For the Deaf de 2002. Josh Homme aurait sans doute dû changer le nom de son groupe pour s’éviter une comparaison finalement assez injuste. Car le noyau dur de Queens of the Stone Age, encore à l’œuvre aujourd’hui, s’est mis en place autour de 2007 pour la composition d’Era Vulgaris, et pour le coup, le dernier album en date ne dénote pas tellement si on le place dans cette perspective.

En fait, depuis 2007, Josh Homme nous a offert une sorte de trilogie. Chapitre I : je n’assume pas de faire la pop alors je la couvre sous une production agressive, et on obtient le sus-cité Era Vulgaris. Chapitre II (…Like Clockwork) : j’assume de faire de la pop mais je n’ai pas envie de décevoir ceux qui voient en moi un compositeur de musique heavy. Chapitre III (Villains) : j’assume de faire de la pop et de ne plus avoir envie de faire de la musique heavy, j’y vais donc à fond avec un producteur douteux et des sons limite années 80 bien kitsch quitte à me mettre mes fans à dos. Une fois que les trois chapitres sont finis, il parait évident que le groupe a passé une sorte de point de non-retour et s’est éloigné d’une formule très chouette, qu’il avait lui-même inventé, mais qui risquait de l’enfermer à jamais dans une forme de caricature.

Une fois que cette mue artistiquement nécessaire est finie, la poussière est retombée, et on peut remettre les guitares à l’honneur sans craindre de retomber dans ses travers. In Times New Roman s’éloigne donc des aspects les plus rudes de son prédécesseur, notamment les sonorités ringardes, mais sans en renier les côtés pop et dansants. Ainsi, après un album très Scary Monsters, on s’évite un potentiellement horrible album Let’s Dance, pour avoir à la place un disque qui fait en quelque sorte la synthèse entre cette nouvelle direction artistique et le son plus rock qu’avait le groupe auparavant.

Cependant, si le son est plus sympa, un disque est avant tout composé de chansons, et sans celles-ci, la production seule ne le sauvera pas de l’oubli prématuré (corollaire Last Building Burning de Cloud Nothings). Heureusement, on peut reprocher ce qu’on veut à Homme, ses frasques sur et hors de la scène, ses gimmicks vocaux qu’il n’a plus aucun scrupule à utiliser à tout-va, le rejet de son passé musical stoner, mais on ne peut pas lui reprocher de ne pas savoir écrire des morceaux. Résultat, ce disque contient à nouveau son lot de chansons très accrocheuses (« Paper Machete », « What the Peephole Say »), une entrée en matière extrêmement efficace (« Obscenity », qui est d’ailleurs suivi de trois ou quatre titres que même notre rédac’ chef, hater de Villains, trouve chouettes) et de nouveau un morceau fleuve qui ne lasse pas pour autant (« Straight Jacket Fitting », avec son final qui évoquera d’ailleurs Kyuss… sur « Space Cadet »).

Alors il y a deux manières de prendre ce nouvel album de Queens of the Stone Age. Soit vous le comparez à ce qu’était le groupe il y a 20 ans (déjà) mais n’est plus depuis bien longtemps, auquel cas ne l’écoutez même pas ou alors juste pour pouvoir vous dire qu’ils ne valent plus rien depuis 2005. Soit vous le prenez dans la perspective de ce qu’il a à vous offrir depuis maintenant 15 ans, et vous pourrez vous dire que finalement, In Times New Roman est un très bon disque de pop dansante qui n’oublie pas qu’elle est faite par un groupe de rock.

Blackcondorguy

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