Trupa Trupa – B Flat A

Publié par le 18 février 2022 dans Chroniques, Notre sélection, Toutes les chroniques

(Glitterbeat/Modulor, 11 février 2022)

J’ai découvert Trupa Trupa en 2019, à la suite de l’annonce de leur concert à la Boule Noire, avec les Lignes Droites en première partie. Concert auquel je ne me suis finalement pas rendu – mauvaise habitude prise sur mes vieux jours. Un regard rapide sur la description du groupe m’apprit qu’il venait de Pologne, pays que j’aime profondément. C’est en réponse à cette espèce de connivence et aussi par goût de l’exotisme que j’ai écouté leur précédent album, Of the Sun.

Il m’a tout de suite plu, mais ça n’a pas été la grosse baffe résonnante. Il m’a fallu du temps avant qu’il ne fasse son chemin au sein de mon cosmos et que j’y revienne régulièrement.

B Flat A, en revanche, m’a mis K.O. dès la première écoute. Peut-être parce que le terrain était déjà débroussaillé, peut-être parce que j’étais particulièrement bien luné ce jour-là, peut-être, tout simplement, parce qu’il est réellement meilleur qu’Of the Sun.

Le fait est que le groupe me donne l’impression d’avoir encore passé un cap. Leur musique est plus précise et plus contrastée que jamais. Je les soupçonne de faire partie de ces musiciens qui ont construit leur culture via Soulseek, en se bâfrant, littéralement, de discographies entières et diverses, et en décortiquant tout ce qui a pu se dire ou s’écrire à leur propos.

B Flat A, régurgite un nombre conséquent d’influences, allant de Fugazi aux Beatles en passant par le shoegaze, le post-rock et tout ce qu’on peut balayer sous le tapis que l’on appelle indie rock. Le premier titre, « Moving », m’a immédiatement évoqué le dernier album de FACS, Present Tense, largement et légitimement plébiscité par la rédaction d’Exit. On y retrouve la même sècheresse dans l’entame, la même froideur dans la syntaxe. Ça ne sera pas la couleur générale de l’album, mais Trupa Trupa y reviendra, par touches, jamais tout à fait de la même façon, mais on sent toutefois une trame similaire, ou du moins on la devine… on se l’imagine. Plus loin, c’est le fantôme de Michael Gira qui viendra flotter sur une chevauchée bien trop enlevée pour être celle d’un cygne, mais qu’importe, il est bel et bien là. Le groupe se montre davantage caressant sur le très beau « Lines » qui nous cajole tendrement sur une langueur hypnotique. On pourrait presque se laisser sombrer, n’était une menace sourde diffusée par la guitare. Le titre « Uniforms » apparait, lui, comme le single en puissance et offre une bouffée de lumière étonnante, presque contradictoire, mais ne saurait être accusé de dépareiller l’album. On trouvera, plus loin encore, son petit frère qui fait la gueule dans le titre « Far Away ».

Tout au long de l’album nous serons malmenés par la démarche polymorphique de Trupa Trupa. Ils se décrivent eux-mêmes comme quatre amis, quatre capitaines, chacun l’œil sur son propre sextant. B Flat A est donc cet album plus riche qu’il n’y parait à première vue. Il embrasse un horizon trop large pour être appréhendé d’un seul regard. En cela, il est comparable à Of the Sun. C’est peut-être par son efficacité immédiate qu’il se distingue de son prédécesseur, et, par cet autre niveau de lecture qui nous laisse le temps de découvrir patiemment toutes les arcanes.

Trupa Trupa impressionne, et s’impose. B Flat A est sans l’ombre d’un toute l’un des meilleurs albums à découvrir en ce début d’année.

Max

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