Sons of Alpha Centauri – Push

Publié par le 25 septembre 2021 dans Chroniques, Toutes les chroniques

(Exile on Mainstream, 27 août 2021)

Vous vous rappelez de la fête de vos 20 ans ? Moi non plus mais ça devait avoir de la gueule. Pas vraiment le truc à prendre à la légère. Cette année Sons of Alpha Centauri fête ses 20 ans d’existence et, comme on n’est jamais mieux servi que par les autres, il célèbre l’évènement en collaborant avec des pointures. Il y eut d’abord Yawning Man, figure du stoner instrumental, en début d’année pour donner une suite (d’excellente facture) à l’unique album des Yawning Sons sorti en 2009, et voici désormais Jonah Matranga, l’ex-chanteur de Far qui vient donner de la voix, ainsi que Mitch Wheeler (Will Haven, Ghostride) positionné derrière les fûts pour le nouvel album de SOAC. De quoi tenter une bifurcation en terrain post hardcore, pour un groupe plutôt habitué au post rock/metal.

Alors que tout le monde n’a actuellement d’oreilles que pour le dernier album (très solide certes) de Quicksand, Sons of Alpha Centauri, invités prestigieux ou pas, semble quelque peu oublié. Et nous n’aimons guère les injustices.

Si on vous parle de Quicksand, ce n’est pas seulement pour attirer le chaland mais parce que SOAC évolue dans des sphères comparables. Et, quitte à se fâcher avec les nombreux fans de Quicksand, ce Push nous semble mieux armé encore que Distant Populations. C’est bien simple, ce disque, de “Get The Guns” à “Own”, est d’une efficacité absolue, il aligne les tubes sans sourciller et ne faiblit (quasiment) jamais. Matranga se montre ici en très grande forme, il porte l’album, et bon nombre de ses intonations, de ses textes vous suivront fidèlement (du délicat “listeeen” avant de passer à des cris plus viscéraux sur le titre du même nom aux gémissements de “The Enemy”, en passant par le “I’m gonna be, I’m gonna be” de “Buried Under”, le bonhomme étale un charisme évident). Les morceaux sont frontaux (vous voulez du riff ? Vous allez en bouffer) mais dévoilent des subtilités pas franchement évidentes en premier lieu.

On a cité Quicksand, on aurait pu également évoquer Failure, Hum et tous ces jeunes gens qui manient le riff enclume avec délicatesse, assomment avec le sourire, découpent en piaffant de bonheur. “The Enemy”, lui, sonne carrément comme le Deftones des débuts, insouciant et brutal, fort d’une gratte à même de provoquer des secousses telluriques et d’envolées formidables sur le refrain porté par un Chino Morenga d’une intensité bluffante. Bref, le retour du post hardcore 90s avec un son marqué indubitablement par ces années-là, celles du bonheur, de la gameboy, du 56K, de l’OM champion d’Europe, des gros festivals où les groupes merdiques se font bien plus rares que les bons. Certains regretteront peut-être de ne pas y trouver une once de modernité (ce que Will Yip a su insuffler au dernier Quicksand, on y revient) mais la nostalgie, mes amis, il n’y a rien de plus beau. Et puis, la basse du morceau-titre, l’avez-vous au moins entendue ? Sans doute pas, sans quoi vous seriez en train de vous pâmer devant plutôt que de lire mes idioties. À l’entame de la dernière ligne droite, “Saturn” (le moins bon titre ?) déçoit un chouïa avec son synthé très présent et une mélodie un poil plus convenue. Et puis, en fin de course, là où certains se disent que le plus dur est fait depuis belle lurette, SOAC décide plutôt d’achever son petit monde avec un “Dark Knight” de haute volée et un “Own” conclusif dont le riff qui se déploie au ralenti semble incarner à la perfection l’équilibre parfait entre bonheur et tristesse. Tristesse évidente quand le morceau s’achève, bonheur de s’offrir une nouvelle salve.

Une question demeure sans réponse après une 25e écoute de ces 34 minutes si remarquablement troussées : comment expliquer la réception mitigée de ce disque puisqu’il faut fouiner dans d’obscurs recoins pour lui trouver des défauts ? Parfois, les critiques semblent se donner le mot – du moins s’influencer mutuellement – et s’emballent inexplicablement pour des disques qui n’en valent pas la peine, ici SOAC semble avoir été victime du phénomène inverse. Nous, on vous aura prévenus, n’écoutez pas les autres : ce Push est un régal.

Jonathan Lopez

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