Thalia Zedek Band – Fighting Season

Publié par le 21 novembre 2018 dans Chroniques, Notre sélection, Toutes les chroniques

(Thrill Jockey, 21 septembre 2018)

Cela se confirme de papier en papier, Exit Musik nourrit une affection particulière pour l’ensemble des nombreuses itérations de Thalia Zedek (Uzi, Live Skull, Come, A band called E, ses collaborations avec Damon & Naomi, etc.). Et ce n’est pas encore cette fois que la cote de popularité de l’artiste américaine s’amenuisera, tant sa dernière livraison témoigne d’une maîtrise toujours plus accrue et d’une curiosité renouvelée. Car ce nouvel effort sous le nom de Thalia Zedek Band est, à la fois, terriblement familier et contient aussi son vrai lot de surprises.

Pour toute oreille sculptée à l’ADN du rock nineties, rentrer dans l’univers de ce disque, procure un plaisir évident. Dès l’entame, nous évoluons en terrain connu, bien aidé par la présence d’un certain J Mascis (Dinosaur Jr) pour un solo de guitare final dont il a le secret, l’envol impeccable d’un morceau qui ne l’est pas moins : « Bend Again ». Tout au long du disque, Thalia et ses collaborateurs (dont l’éternel frère d’armes Chris Brokaw) alterneront « ritournelles » calmes et mélancoliques, avec des morceaux frondeurs et scandés. L’art de souffler le chaud et le froid fonctionne également au sein d’un même morceau, comme c’est le cas dans « Ladder » et ses montées progressives, l’un des sommets de Fighting Season. Jusqu’ici, point de surprise, Thalia Zedek confirme sa superbe et nous convie à un véritable festin musical. Là où l’on en devient encore plus admiratif, c’est lorsque derrière le jeu inspiré et la voix souveraine, de sublimes arrangements pointent le bout de leur nez, tout en notes de piano gracieuses et subtils phrasés de violoncelle, conviant tout un pan de l’americana au banquet.

Mêler l’infime à l’infini, l’intime à l’universel, voilà une mission que Thalia s’impose depuis ses débuts. Chanter les peurs et blessures personnelles, la tristesse envahissante du quotidien et la combattre coûte que coûte pour arriver à se (re)construire soi-même. Cette lutte intestine résonne avec un engagement fort et renouvelé envers les problèmes de ce monde, le titre même de l’album faisant référence à la période printanière de reprise des combats en Afghanistan. Cet engagement, qu’il soit personnel ou global, passe avant tout par une résistance aux coups, aux épreuves, l’envie de faire front ensemble à l’obscurantisme généralisé. Autant d’idées qui irisent le disque de bout en bout et donnent une chair indéniable à la chanson-titre « Fighting Season », à la perle « War Not Won » ou encore au très Low « Tower », morceau qui conclut magnifiquement l’ouvrage.

Les belles mélodies écorchées, les tressages de guitare incisifs, la voix lancinante voguant allègrement entre puissance et fragilité, « Fighting Season » possède quelque chose d’unique qui joue autant sur l’affect que le cognitif. L’ensemble des morceaux semble comme imprégné de la sève de plusieurs décennies d’indie rock américain et appartenir à un souvenir partagé de notre mémoire collective. On se surprend à entonner un couplet, murmurer un refrain et adopter la « galette » naturellement, comme si elle était partie intégrante de notre personne et avait juste besoin d’être ré-assimilée.

Julien Savès

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