PJ Harvey – The Hope Six Demolition Project (Island)

Publié par le 28 avril 2016 dans Chroniques, Toutes les chroniques

PJ-Harvey-The-Hope-Six-Demolition-ProjectEn voilà une qui nous en aura fait voir de toutes les couleurs depuis le début de sa carrière, mais qui parvient toujours, malgré tout, à gagner l’approbation de tous. Enfin, quasiment. Let England Shake en avait laissé quelques-uns sur le carreau, mais les plus persistants étaient repartis avec une immense satisfaction dans la besace.

Première nouvelle, bonne ou mauvaise selon le camp dans lequel vous vous situiez à propos de ce dernier : il existe une vraie continuité avec Let England Shake sur ce Hope Six Demolition Project (rien de si surprenant puisqu’on retrouve les deux producteurs de ce dernier, les habitués Flood et John Parish). Mais. Et oui, il y a un mais…

Les morceaux de bravoure se font ici plus discrets. Bien sûr la dame a des idées, et plutôt des bonnes (« The Ministry of Social Affairs » et son final tous cuivres dehors, son sample de Muddy Waters !). Bien sûr quand elle offre une ouverture pleine d’entrain, avec un « Community Of Hope » (réminiscences plutôt Stories From The City, Stories From The Sea pour le coup), elle sait qu’elle ne déboussolera personne, qu’elle ne décevra pas non plus.

Polly Jean nous semble énervée, mais cela transparait principalement dans ses textes. PJ a voyagé pour écrire ce disque, au Kosovo, en Afghanistan notamment, a vu la situation de migrants en grande souffrance, a décidé de coucher ses expériences sur bandes (« Chain Of Keys », la jolie et émouvante « A Line In The Sand »). Elle s’est également rendue moins loin, à Washington. Pour dépeindre la situation de ghettos à l’abandon, de quartiers désœuvrés en perpétuelle reconstruction sur « The Community Of Hope » (« Here’s the highway to death and destruction (…) And the school just looks like a shithole (…) They’re gonna put a Walmart here »). Un morceau qui a eu le don d’agacer prodigieusement l’ancien maire de Washington.

Si l’impact des textes est indéniable, le son, lui, manque un peu de pêche. Les guitares ne sont pas très tranchantes et les chœurs* très présents (coucou Let England Shake, là encore) confèrent à l’ensemble un goût policé, manquant un chouïa de piquant (à l’exception notable de « The Wheel » plus fiévreux que le reste de l’album). Et certains morceaux nous laissent un peu le cul entre deux chaises, à l’image de « The Ministry of Defence » qui attaque par un riff nerveux annonciateur du chaos mais qui débouche sur des choeurs un peu trop grandiloquents, avant de s’achever (chose plus réjouissante) sur des cuivres dissonants…

Objectivement ce n’est pas un mauvais disque, loin s’en faut, mais ce n’est pas un grand PJ Harvey. Plaisant dans son ensemble mais pas suffisamment marquant. Un peu trop académique pour une Polly Jean qui avait pour elle sa singularité et sa facilité à émarger du troupeau.

La magnifique « Dollar, Dollar » vient nous prouver que la dame a encore de sacrées belles chansons sous la semelle, on n’en doutait pas. Mais ce disque manque de la dose habituelle de morceaux phares comme celui-ci pour se classer dans le haut du panier (déjà bien garni) de la discographie de l’anglaise.

JL

*On retrouve une véritable dream team aux chœurs avec notamment (liste non exhaustive) le poète reggaeman Linton Kwesi John, Mick Harvey l’ex-Bad Seeds de Nick Cave, James Johnston des Gallon Drunk ou encore Alain Johannes, gratteux de Queens Of The Stone Age.

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