Idles – Ultra Mono

Publié par le 22 septembre 2020 dans Chroniques, Notre sélection, Toutes les chroniques

(Partisan Records, 25 septembre 2020)

Ah Idles, quel drôle de groupe quand même ! Croisé la première fois aux Eurocks 2019 (#donnezmoiunpetitconcertsvp), leur énergie contagieuse avait emporté mon adhésion malgré un style un poil braillard à mon goût et peu subtil pour leur étiquette post-punk. Retrouvé pour la chronique de leur live au Bataclan (et via leurs deux premiers albums écoutés à l’occasion), je craignais l’arrivée de ce troisième opus, Ultra Mono. Mais à l’image de l’artwork (bien WTF), Idles peut te mettre KO par surprise. J’ai beau trouver leur musique peu convaincante sur la durée d’un disque, dès que j’ai envie de casser des gueules, de pogoter dans mon sous-sol, ou de rouler fenêtres ouvertes l’été brûlant, c’est souvent « Danny Nedelko », « Never Fight A Man With A Perm » ou « Mother » que je me surprenais à faire tourner en boucle. À fort volume. Il faut leur reconnaître une certaine habileté à pondre des refrains fédérateurs et des punchlines mémorables. Avec des lyrics loin d’être anodins, et parfois brillants. À l’heure de juger ce nouvel album, les keupons de Bristol nous auraient-ils concocté quelques surprises susceptibles de faire fléchir durablement mon opinion ?

Pas vraiment si l’on considère l’entrée en matière « War », premier titre qui n’apporte pas de nuances au son Idles, toujours aussi brut de décoffrage, avec un Joe Talbot qui beugle comme jamais. Même topo sur les furax « Anxiety », « Kill Them With Kindness » (malgré une intro piège au piano) ou le final et anecdotique « Danke » (qui reprend même Daniel Johnston, WTF !) qui ne figureront définitivement pas dans le top post-punk 2020. Avec Idles, on a souvent l’impression gênante que le groupe en a sous la pédale, que la lumière n’est pas loin mais on peste souvent contre le gâchis. Comme sur ce « Reigns » au rythme martial et fragments noisy, aux textes incisifs (« How does it feel to have won the war that nobody wants ? ») qui méritait mieux que ce refrain pompier entendu mille fois. Et dans la foulée (!), même constat pour « The Lover », que je prescris donc définitivement sans le refrain. Y’avait la place pour faire mieux. Bon, vous allez me dire, bashing, bashing, y’a quoi à sauver alors sur ce disque ? Et bien, une bonne moitié d’album quand même et une poignée de singles addictifs quand le groupe se décide à pondre quelques riffs ou gimmicks catchy.

Et là, Joe Talbot avec ses lyrics-slogans fait parfois mouche. Quand il invite Jehnny Beth pour le très Covid-like et féministe « Ne Touche Pas Moi », hymne frondeur contre les relous du dance-floor (« Cause my body is my body and it belongs to nobody but me, but me »), c’est pas génial non plus, mais ça fait le job. Comme le riff basique de « Model Village », son phrasé entraînant et son refrain à beugler bien comme il faut. Sur un « Mr Motivator » au riff énervé, Idles enfonce le clou pour le titre qui va te hanter un moment et sautiller comme un débile dans ton salon (le clip est culte). Avec punchlines mémorables, ma préférée étant cette « Like Kathleen Hannah with bear claws grabbing Trump by the pussy » ! « Grounds » au gimmick électro inattendu, joue le rassemblement avec Joe Talbot en meneur-aboyeur :
Saying my race and class ain’t suitable,
So I raise my pink fist and say black is beautiful
Do you hear that thunder?
That’s the sound of strength in numbers
I am I Unify I am I Unify

Quand le groupe se décide à un peu plus de subtilité où à dépasser les 3 minutes comme sur ce « Carcinogenic » dont l’intro n’aurait pas fait tâche sur le dernier Fontaines D.C., Joe Talbot n’est pas loin de nous convaincre avec son message positif.
You only die once
You never come back
You’re gone when you’re gone
So love what you can

Et Idles gagnerait sûrement à varier un peu plus les tempos puisqu’il sait y faire comme sur « A Hymn », seul titre à dépasser les 4 minutes, qui offre enfin un peu de calme, et justifie plus sûrement l’étiquette post-punk.
Ah Idles ! Je n’arrive pas à les aimer totalement, mais je me refuse toujours à les détester complètement. Ultra Mono est bancal, décousu, et imparfait comme les deux précédents. Rien de nouveau. Le message est positif, puissant, certes, et ça va buzzer plus que de raison (comme pour Fontaines D.C. dont l’album est quand même plus cohérent) surtout parce que la concurrence est faible outre-Manche. Mais c’est comme un club de milieu de tableau en Premier League. Dans un bon jour, avec le bon état d’esprit, avec le public derrière, ils peuvent taper un géant ! Mais à la fin de la saison, ça ne jouera pas la Champions League ! Qu’est-ce que je vais faire de ce ballon rose maintenant ?

Sonicdragao

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