At The Drive-In – Relationship Of Command

Publié par le 11 septembre 2020 dans Chroniques, Incontournables, Notre sélection, Toutes les chroniques

(Blue Horizon, 14 Septembre 2010)

Il y a des années qui vous marquent plus que d’autres. Et cette année 2000 reste un millésime particulier dans mon panthéon personnel. Un nombre anormal de mes groupes préférés ont sorti en cette première année du nouveau millénaire des disques majeurs : Radiohead, GYBE!, Grandaddy, The White Stripes et je dois sûrement en oublier… D’autres groupes, certes moins côtés, ont sorti quelques disques refuges : Day One, Programme, The International Noise Conspiracy… À l’heure de fêter les 20 ans de ce Relationship of Command des texans d’At the Drive-in, autant le préciser, il va se retrouver dans la 2e catégorie. Celle des albums marquants de 2000 mais à bonne distance des grands monuments.

Pourtant, l’enthousiasme a été grand à l’époque et je me souviens d’un live à Nulle Part Ailleurs en 2001 où le groupe avait été présenté par Stéphane Saunier lui-même (le programmateur, un saint homme, grâce lui soit rendue pour toutes les découvertes) sur le plateau. 2 titres : « One Armed Scissor » et « Invalid Litter Dept. ». Et une bonne claque. Du coup, le CD s’est vite retrouvé à tourner en boucle à fort volume à la maison au grand dam (sans doute) de mes voisins. Car dès l’intro mythique d’« Arcarsenal », les roulements de batterie ne laissaient aucun doute, la tension était palpable. Ça allait cogner sévère. En 12 titres, At The Drive-In va forger sa légende avec ce disque, à la fois sommet et chant du cygne du groupe. Miné par les tensions, plus le combo drogue/tournée, le split ne va pas tarder (2001) et deux groupes vont émerger des braises encore chaudes : Sparta et Mars Volta (qu’il faudra que j’explore à nouveau). Avant une reformation (encore une !) que je n’ai pas suivi sauf sur scène aux Eurocks pour un concert qui ne m’avait pas trop convaincu d’ailleurs. Mais At The Drive-In a vécu comme sa musique : intensément et dans une urgence chaotique. Produit par Ross Robinson et mixé par Andy Wallace, ce disque a les qualités et défauts de son pedigree. Le son est léché, puissant, servant des titres tonitruants surtout sur la première partie du disque, de haut vol. Les voix furieuses, souvent croisées, sont très en avant (trop ?) et on peut aujourd’hui regretter le traitement en retrait des pistes de guitares, ainsi que le « vernis » sur ces instruments pourtant au centre de la dynamique du groupe. Mettez le volume sur 10 sur la piste 10, « Cosmonaut », et imaginez la même avec un certain Steve Albini à la prod. Ces titres post-hardcore (pour situer même si c’est réducteur) à haute énergie mériteraient un petit remaster d’autant qu’Omar Rodriguez n’a jamais caché son insatisfaction quant au mix réalisé par Andy Wallace. Toujours est-il que dans le style, cet album a une cote importante (bien placé dans beaucoup de classements des disques de la décennie), même s’il restera toujours dans l’ombre imposante de Fugazi. Les quatre premiers titres (« Arcarsenal », « Pattern Against User », « One Armed Scissor » et « Sleepwalk Capsules ») font l’effet d’un uppercut, se traversent sans prendre son souffle, le pied sur l’accélérateur. Ça hurle, la batterie fait trembler le sol, les guitares riffent, les rythmiques s’emballent, syncopent, ralentissent puis dévalent la pente à pleine vitesse. « Mannequin Republic » essaiera plus tard de rejouer le même jeu mais avec moins de réussite. Un poil braillard. « Rolodex Propaganda » s’en sort mieux avec au casting un certain Iggy Pop. Mais le mix sonne ici assez daté, et le vernis décidément trop propre pour réévaluer mon souvenir. Au moins, avec le parti pris quasi électro-rock sur les couplets de « Enfilade », on avait une proposition plus cohérente et assez inattendue. Bien mieux que « Non-Zero Possibility », un peu trop mou du genou et pompier avec ces pianos oubliables. Ça passe beaucoup mieux aussi sur « Quarantined », mid tempo à l’ambiance orageuse, notamment grâce à la puissance dévastatrice de son mur de guitares sur le refrain. “Feeding freezy is contagious” ! Le grand Steve Albini est appelé à la console, svp merci ! Il faut me réenregistrer aussi le génial et tragique « Invalid Litter Dept », à l’allure moins rapide mais clairement le meilleur titre de l’album. Vous m’enlevez les claviers moches sur l’intro, vous me salissez ces guitares, je veux que ça crisse, que ça ponce façon gros grain, bon la fin c’est bien, le cri final, ça fout toujours les poils ! Bravo ! Même l’ambiance poisseuse de « Catacombs », on pourra en faire quelque chose, surtout si on lui coupe un peu le sifflet au chanteur hystérique. C’est la fin de l’album, tu peux te calmer maintenant mon petit Cédric ! Ouf !

Bon, ça fait 20 ans qu’on n’a plus 20 ans. Mais je prends toujours plaisir à revenir sur ce Relationship of Command (#keeponrockin). Disque à haute énergie, urgent, et globalement réussi, dont l’influence n’atteint pas les incontournables du genre, OK. Mais on est bien haut dans le classement de la 2e division du rock US. La production, à l’instar d’un Nevermind (c’était aussi Wallace au mix, tiens tiens) ou d’un Ten (je valide le remaster), ne lui rend pas justice après deux décennies, c’est sûr, mais c’était l’an 2000. (Petite musique… Hier encore, j’avais 20 ans…). On ne devrait jamais dire du mal des disques de sa jeunesse. Et surtout pas de ceux de 2000…

Sonicdragao

1 commentaire

  1. Bien d’accord avec toi. Cet album mérite d’être remasterisé. Par contre, je le vois très clairement dans ta première catégorie ; ) Amitiés

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