Coriky – Coriky

Publié par le 23 juin 2020 dans Chroniques, Toutes les chroniques

(Dischord, 12 juin 2020)

Où sont-ils allés chercher ça ? Est-ce un défi envers eux-mêmes ? Un bâton sciemment mis dans leurs propres roues pour voir s’ils sont capables de réussir avec un nom aussi peu engageant ?

On imagine mal quelqu’un succomber à l’achat compulsif, à l’aveugle, appâté par ce groupe répondant au nom de Coriky et cette pochette bien fadasse… En revanche, si un sticker y est apposé avec les mentions “with Ian MacKaye (Minor Threat, Fugazi, The Evens), Amy Farina (The Evens) & Joe Lally (Fugazi, The Messthetics…)“, il y a fort à parier que ça fasse son petit effet. Donnez leur le nom que vous voulez, on sera toujours curieux de voir de quoi il en retourne.

Si vous êtes aussi bons que nous en maths, vous noterez qu’on a donc la formation de The Evens au complet contre la moitié du légendaire groupe post hardcore. Et si vous avez les oreilles aussi affûtées que les nôtres, vous constaterez que ça s’entend quelque peu. Forcément, ôtez le bondissant Guy Picciotto d’un groupe et vous perdrez du mordant. Associé à sa concubine, MacKaye se fait plus adouci. Et cette dernière, Amy Farina pour ceux qui sont totalement largués, n’a pas la force de frappe de l’imposant Brendan Canty (batteur de Fugazi pour ceux qui, décidément, sont fâchés avec l’histoire).

Cocorikyky doit donc plus à The Evens qu’à Fugazi et les coups de sangs sont bien plus rares que chez ces derniers. Une fois qu’on s’y est fait et qu’on cesse de partir en quête du break assassin, du riff meurtrier ou du coup de gueule impitoyable, on se contente de ce qu’on a, soit un recueil d’excellentes chansons davantage baignées dans la sérénité que dans la furie maitrisée, auxquelles il faut laisser un peu de temps pour grandir. Ce qu’elles feront généreusement.

De temps, “Clean Kill” n’a nul besoin puisqu’au bout de deux ou trois écoutes, ce refrain formidablement enthousiasmant ne cesse de vous coller aux basques. Pour le reste, il faut y aller tranquille et savourer l’osmose d’un trio formé il y a quatre ans, arrivé lentement et incontestablement à maturité.

Se réjouir aussi de la présence de ce bassiste merveilleux qu’est Joe Lally qui fait dans la finesse et nous invite à reboire la tasse sans modération (“Have A Cup Of Tea”). Et puis, pour éviter que ce disque se range sagement dans la case « sympathique et distrayant », Kirikou n’oublie pas de placer quelques sprints. Ainsi, MacKaye, bien qu’apaisé, se laisse encore aller à triturer sa gratte frénétiquement entre deux chœurs avec ses comparses (“Say Yes”) et se tient toujours prêt à déclencher des incendies à partir de timides braises (“Inauguration Day” et “Shedileebop” dont le ton monte sans qu’on n’y voit rien venir).

Amy Farina ne se fait pas prier pour prendre le lead à plusieurs reprises, notamment sur l’excellent “Too Many Husbands”, bien plus tendu que la moyenne, que sa voix grave dirige de main de maitre. Une fois confortablement installé dans le disque, on se laissera bercer avec délice par ce “Last Thing” (“… we ever wanted was a war” poursuit l’homme au bonnet rouge qu’on aura du mal à contredire), à la ligne de basse onctueuse hésitant entre blues et jazz et une ritournelle déroulée le plus simplement du monde, avant un final offrant solo et harmoniques de fort belle tenue. Superbe.

En guise d’adieu, Coucouryry fait dans la dentelle avec “Woulda Coulda”. Rien d’explosif ni démonstratif, trois musiciens qui se font plaisir et nous le transmettent. Ils n’écriront pas l’histoire avec ça, ils se contentent de nous conter la leur. Certains grincheux attendant impatiemment (et inconsciemment) la suite de The Argument feront la fine bouche, on préfère se réjouir que ces gens-là fassent encore de la musique. Et lui fassent honneur.

Jonathan Lopez

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