Zir Pachet – U De Fas

Zir Pachet. Avouez que ce nom biscornu ne semble pas tout à fait prédestiné à la gloire mais reconnaissons qu’il est susceptible d’intriguer, à tout le moins. Comme ce nom d’album, U De Fas, qu’on ne sait trop par où saisir. La pochette laisse également à penser que tout n’ira pas toujours parfaitement droit, qu’on nous réservera quelques associations incongrues et on suppose que c’est ce qui fera tout son charme. Le lecteur fidèle à la mémoire infaillible que vous êtes se souvient parfaitement que toute sortie issue d’Influenza Records est digne d’intérêt et sa curiosité l’avait peut-être même poussé dans les bras du premier EP prometteur, Contribution Zero, il y a six ans déjà.
Nous avons parlé nom, titre, visuel et souvenir empli d’émotion. Et si nous évoquions la musique ? « U De Fas A » (vous l’avez ?), dès son intro intrigue. Parce que c’est joliment fait, que les guitares sonnent, que l’arrivée de la basse nous place sur le qui-vive. Les guitares semblent belliqueuses mais on les sent encore sur la retenue. Et on sait bien que cela ne durera pas. Le lâcher de chevaux aura lieu en piste 2, et pas qu’à moitié. Le « Putsch » est rondement mené. Il fonce, délivre, désarçonne, se déhanche, et place un sprint final imparable qui pourrait être asséné par QOTSA ou It It Anita. En tout cas, si on nous l’assurait avec conviction, on le goberait sans broncher. Thibault Lieurade en avait plein le dos de voir sa boite mail inondée de spams, il s’est saisi de guitare et micro pour leur en dire deux mots. Et c’est nous qui trinquons.
Dans la foulée, le riff massif de « Dear Boar » trompe son monde. De la puissance certes mais c’est plutôt du côté noise/post-hardcore qu’il faut chercher l’origine (ils citent Polvo, ce n’est pas flagrant mais toujours une brillante idée). Les morceaux (celui-ci compris) virevoltent, se meuvent, c’est toujours plus compliqué que ça en a l’air, voire un brin foutraque, et bien plus accrocheur que vous pourriez le craindre en lisant cela. « Med Surf » fait ainsi la part belle à sa session rythmique avec une batterie qui ouvre la discussion, une basse sachant faire autorité, un refrain pas tout à fait où on l’attend, des haussements de ton bienvenus. « Acilis » semble exister pour gambader gaiement face au vent, quitte à gober quelques insectes passant connement par là (pléonasme). À l’image de cet étonnant album, « MAD » n’est pas toujours captivant mélodiquement mais aventureux et finement élaboré avec quelques envolées (qu’on pourrait imaginer jouées à l’archer. Nous avons de l’imagination) et autres harmoniques pendant que la basse nous rabâche qu’elle est la boss. C’est compris. Le chanteur a plusieurs personnalités, les instruments lâchent prise. Vous êtes au milieu, vous suivez tant bien que mal. À la merci de leur bon vouloir.
Les mélodies font plus (« New Casino ») ou moins (« MAD » donc, « Talionized ») mouche. Ce n’est pas toujours ce que l’on viendra chercher. L’intérêt sera surtout d’être désarçonné (ce passage dub du même « Talionized » que nous ne vîmes pas venir, l’admirable « Pnei Hever » au long passage instrumental mélodique avant d’exploser sur nos pauvres faces. Le scénario qu’on nous a pondu 1200 fois mais qui, lorsqu’il est si finement exécuté, laisse pantois).
On l’a écouté pas mal, on l’a mis de côté, on y est revenu. Il est un peu étrange, peut-être bancal, sans doute imparfait. On n’est pas encore tout à fait sûr de l’avoir totalement cerné mais on l’aime bien cet U De Fas de Zir Pachet, ça c’est certain. Et c’est en partie pour cela.
Jonathan Lopez