L’Envoûtante – Radio Étoiles

Posted by on 12 décembre 2025 in Chroniques, Toutes les chroniques

(Terre Ferme, 10 octobre 2025)

Au moment où je commence cette chronique, « on » porte plainte contre des humoristes pour… des blagues (et quelques vérités dérangeantes surtout) faites à la radio*. Mais je profite également depuis quelque temps des ondes de Radio Étoiles. Car on ne le dira jamais assez, comme l’humour, la musique reste un geste vital en période troublée (ça sera pas non plus Rire et Chansons, hein).

Force est de constater qu’on a retrouvé L’Envoûtante avec (grand) plaisir. C’est que l’Espoir Féroce date déjà de 2021. On est nombreux à s’y cramponner depuis (toujours) comme à un gilet de sauvetage, à notre saleté d’espérance (merci Rocé). Et on trouve dans ces dix nouveaux titres un apaisement bienvenu, l’idée d’un refuge, comme un lieu-étape dans un chemin incertain. Mais pas l’ombre d’une tentation au repli sur soi. Au contraire, le premier single « Bouche à oreille » invite à construire une alternative collective. Par la parole (très beau clip au passage). A un moment où plus personne ne se parle, chacun perché sur ses certitudes, en gueulant plus fort que le voisin. 

« L’humanité se tient debout 
Bouche à oreille partout 
Perdure dans le temps et tient le coup 
Bouche à oreille partout 
Une mise au point quand tout est flou 
Bouche à oreille partout »

Chez L’Envoûtante, on scrute toujours à la lueur de la bougie l’intime autant qu’on aspire aux grands espaces et à l’universel. Comme le suggère le clip crépusculaire (ou est-ce l’aurore ?) de « Cellules », titre inaugural de ce disque, qui pose un délicat manteau synthétique sur une batterie économe. 

« Alors j’griffonne à voix haute mantras et formules, 
qu’amour et justice imbibent nos molécules 
j’ai toujours voulu qu’ça cause aux cellules, 
j’ai toujours voulu qu’ça cause aux cellules »

Et façonne les bases musicales d’un album sobre, aux instrumentations discrètes et à la mélancolie électronique, qui vibre plutôt bien avec l’harmonie automnale du moment (« Que le matin vienne »). On devine au gré de quelques paroles acérées (comme dans le faussement apaisé « Beautiful ») que le duo n’a rien oublié des colères sociales mais il semble ne pas en faire sur ce disque son principal moteur créatif. Sur le single «Radio Etoiles », c’est même d’une voix calme que Bruno Viougeas clame ces vers en fin de morceau comme une philosophie :

« j’veux une terre et un ciel, une existence frugale 
et garder l’œil ouvert sur la justice sociale 
et autant qu’je veux pouvoir dormir à la rebelle étoile 
perfusion de poésie cosmique et radicale. »

Après tout, ils ont déjà signé le brûlot ultime en 2020 avec le légendaire « Cramons les manuels » en s’attaquant directement au méprisant de la République, excusez du peu. L’Envoûtante cherche maintenant à recréer le lien (c’était aussi un titre du disque précédent), une connexion, un réseau d’Humanité, au moment où la toile d’Internet tisse encore et toujours son piège mortifère sous le vernis pastel des réseaux « sociaux » et la so-called liberté d’expression. En saluant les compagnons de route au passage (« Peu de stars », cousin moins explicite de « J’ai pas lu ») ou en célébrant leur territoire local (« Hommage à nos zones », « Reliefs », « Amants des Pyrénées »). Une thématique pas si courante mais qui donne une furieuse envie de voyager dans leurs contrées. Le duo n’en oublie pas pour autant la tension, notamment sur le crescendo du splendide « Habituer nos yeux », qui rappelle le génial « J’arrête demain ». Un des sommets du disque. Et quels textes ! Mais le feu qui couve est plutôt destiné à réchauffer au coin du feu la communauté, à préparer un après plus optimiste, plutôt qu’à déclencher une charge, solitaire, cocktail Molotov à la main. On quitte ensuite ce disque en attendant « Que le matin vienne » comme on y était entré à l’aurore de « Cellules » : dans la pénombre mais à la lueur salvatrice d’une bougie, bien lové dans ce cocon d’Espoir.

En cette fin 2025, on aura donc eu en l’espace d’un petit mois le retour de l’Envoûtante, et celui de Michel Cloup, compagnons de musique précieux, maquisards de l’intime et de l’universel. Branchez-vous donc sur Radio Etoiles (et pourquoi pas aussi sur Nova) au coin du feu and don’t forget, comme le disait si bien La Canaille :

« C’est en sous-sol que se distille la rébellion
Qu’on verse nos gouttes de miel dans leurs litres de plomb »

Sonicdragao

* Sur Radio Nova, avec la bande à Meurice, Lompret, Barré, Arnaud, Mendez, etc. tous les dimanches soirs.

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