Zëro – Never Ending Rodeo

Avant l’an Zëro, il y eut Deity Guns et Bästard. Deux figures du rock indépendant français, deux groupes etiquetés noise parce qu’il fallait bien les mettre quelque part mais déjà bien difficiles à catégoriser. Éric Aldea (guitare-chant) et Frank Laurino (batterie) n’ont jamais baissé de pied et leur soif de renouvellement ne s’est nullement estompée en trois décennies. Six ans après le remarquable Ain’t That Mayhem, voici Never Ending Rodeo, moins sombre peut-être mais aussi riche et intrigant. Il y a toujours quantité de recoins à explorer dans un disque de Zëro et celui-ci ne déroge pas à la règle.
Plus qu’un rodéo sans fin, on a plutôt la sensation d’être monté à bord d’un train (même si la pochette nous suggère un autre moyen de locomotion) dont la destination serait connue des seuls membres du convoi. Notre soif d’évasion est immédiatement comblée par l’émerveillement de la découverte et tous nos sens sont comblés au pied de « Niagara Falls ». Dans la foulée , l’intenable « One Track Mind » et son motif obsédant, fait défiler des images vite, très vite. Comme les boucles de l’instrumental « Telepathic Overdrive » un peu plus loin, pas si éloigné des Young Gods, autres vieilles gloires se gaussant de la supposée emprise du temps sur leur inspiration. Au gré de rencontres déconcertantes (l’électronique et sautillant « Boogaloo Swamp », révélé sur l’EP Nothing Separates, sorti en début d’année, « Back on the Hillside » au groove indéniable et effets sur la voix plus discutables) ou empreintes de mysticisme (le fascinant instrumental « Troubles #2 »* et « Hellvin » qui fourmille de détails et donne le sentiment de parcourir la forêt amazonienne à la faible lueur d’une lampe torche), Zëro nous déconcerte et nous emmène loin. Nous ignorons où exactement. Et peu importe, au fond. Les synthés imprévisibles d’Ivan Chiossone et l’arrivée de Varoujan Fau à la basse (Le Peuple de l’Herbe, pas les derniers pour expérimenter, et ex-Condense) participent à la singularité sans cesse renouvelée du groupe.
Never Ending Rodeo doit bien prendre fin au bout de 39 minutes exaltantes et sa grande cohérence compte tenu de la variété des ambiances proposées est à saluer. Si ce n’était Zëro, nous serions stupéfaits.
Jonathan Lopez
*Rescapé du ciné-concert Troubles avec Casey, Virginie Despentes et Béatrice Dalle.