Dälek – Precipice

Publié par le 30 avril 2022 dans Chroniques, Notre sélection, Toutes les chroniques

(Ipecac, 29 avril 2022)

Depuis toujours, Will Brooks (aka Dälek) aime le bruit. Il se complait dans la crasse, se dévergonde dans les débris. Et s’il peut cracher sa rage dans un micro, c’est encore mieux. Ça lui plait tellement que ça fait maintenant près de 25 ans qu’il persiste. Et signe quelques disques fondamentaux pour amoureux du bruit et du rap qui ont toujours fait bon ménage mais rarement (jamais même, osons) été si bien associés. C’est pourtant sur une intro instrumentale (« Lest We Forget ») riche en saturation mais extrêmement apaisée et planante que s’ouvre ce disque. Désormais seul à ses côtés, le fidèle Mike Mare, guitare en main, adorateur de shoegaze, instaure tout du long comme une présence spectrale, s’effaçant parfois sous le poids des beats et derrière la masse de sons triturés au point de devenir non identifiables, pour mieux réapparaitre par vagues et s’évaporer dans une nuée d’échos.

À l’image de sa pochette à l’humeur ouatée, Precipice fait autant dans le méditatif que l’agressif, ne tape pas constamment comme un sourd, bien que certains titres s’y livrent sans retenue. Oui, le beat de « Boycott » fracasse, effectivement « Good » se la joue boom bap à l’ancienne. Et s’ils sont quelques-uns à pouvoir revendiquer une place de choix parmi ta playlist RAP LOURD, à l’image du tournoyant « Decimation (Dis Nation) », les instrus (ces dernières comprises, point de méprise) n’en demeurent pas moins sources d’émerveillement et Precipice n’est, comme de coutume chez Dälek, jamais meilleur que pris dans sa globalité. Le travail sur le son est admirable une fois encore et cette alternance entre rêverie extatique (« Holistic ») et frénésie industrielle (« Precipice »), causant crissements de dents, écarquillement des yeux et flagellement des jambes, rend l’ensemble terriblement addictif. Il s’agit là d’un disque dans lequel il fait bon s’abandonner. Casque vissé sur les oreilles, vous n’aurez aucun mal à partir pendant l’halluciné « The Harbingers » et le (shoe)gazeux « Devotion (When I Cry the Wind Disappears) », lequel s’achève sur près de deux minutes d’errance. Sur « A Heretic’s Inheritance », le riff (?) dément, probablement servi par Adam Jones de Tool (et sali avec vice et délectation par Brooks), le MC ne daigne ainsi saisir son micro qu’au bout de… 4 minutes ! Entre temps, vous aurez certainement monté le son à trois reprises. Et répété avec le maximum de style possible (soit beaucoup moins que le bonhomme au micro) « I Hold myself to a higher standard / I Don’t give a fuck if your gods are angered! / Tick- tack muthafuka ».

Precipice pourrait être un merveilleux album instrumental, foisonnant de subtilités et trouvailles sonores, mais il est plus que ça, c’est également un grand disque de rap. Un constat qu’on pourrait effectuer pour nombre d’albums de Dälek mais cette fois-ci ON VA LE CRIER ENCORE PLUS FORT pour se faire entendre au milieu du bordel.

Jonathan Lopez

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