Bambara – Love on my Mind EP

Publié par le 7 mars 2022 dans Chroniques, Notre sélection, Toutes les chroniques

(Wharf Cat, 25 février 2022)

« Slither in the Rain » se déploie avec classe, à pas de velours. Ambiance soignée, bougies allumées, le chant de Reid Bateh* toujours aussi réconfortant. Ou inquiétant. On ne sait trop. Charismatique, c’est certain. Puis, la cadence devient tout autre. La cavalcade post punk peut reprendre, des images furtives de « Serafina » (du formidable Stray) en tête. Elle sera brève. Main dans la main, basse et batterie foncent droit devant. Et sur le refrain, un ralentissement soudain plutôt inattendu et remarquablement bien vu. Un « Mythic Love » est né avec la chanteuse Bria Salmena (Bria, Orville Peck, Frigs) et le duo fait merveille. Il semblerait bien qu’on soit de nouveau tombé dans le panneau. On s’est d’abord dit, tel un mélomane enthousiaste « chic, un nouveau Bambara », puis, comme tout chroniqueur averti « bon, OK c’est du Bambara » et enfin « oui, mais c’est toujours bien Bambara ». Et on va s’arrêter là-dessus. Toujours bien et un peu pareil, à quelques nuances près, fortement revendiquées par le groupe dont la ferme intention était d’éviter le surplace. On a parlé de nouvelle voix (on retrouve également celle de Drew Citron de Public Practice, déjà présente sur Stray). De manière globale, les textes, toujours empreints de romantisme noir, se veulent par ailleurs plus autobiographiques qu’à l’accoutumée. Dans la déambulation nocturne de Bateh qui croise régulièrement des esprits égarés, une touche cuivrée fait aussi son apparition (Jason Disu et Jeff Tobias de Sunwatchers œuvrent au trombone et au saxophone) et vient renforcer la menace (« Point and Shoot »).

Plus convenu, « Feelin’ Like a Funeral » s’appuie sur un refrain vénéneux le rendant tout aussi délectable après un « Birds » sensible et troublant avec sa guitare chargée de mélancolie. Love is on [his] mind et l’amour triomphe toujours, dit-on. Mais c’est bien « Little Wars », placé judicieusement en dernière position, qui emportera la mise et assiéra pour de bon la victoire. Atmosphère satinée, verre de bourbon à la main, tentative de déhanchement léger, avec style mais un rien emprunté. Et une voix féminine (Drew Citron) s’invite là encore, parfaitement en osmose, pour une montée en intensité finale jusqu’à toucher du doigt le merveilleux. Les petites guerres n’existent pas mais cette bataille-là, face aux esprits chagrins, est bel et bien remportée haut la main par Bambara. Les sourds qualifieront le trio de Brooklyn d’énième groupe post punk alors qu’il ne s’agit que d’une influence parmi d’autres dont il n’a eu de cesse de se démarquer. Certains reprocheront éternellement à Reid Bateh de n’être qu’un Nick Cave du pauvre. Connerie. Il n’y en aura toujours qu’un et on préfèrera se réjouir de l’existence de disciples de ce talent, au charisme certain. Après deux albums remarquables, Bambara nous a, un temps, fait entrevoir l’illusion d’une déception. La seule contrariété est finalement de devoir les quitter après six malheureux titres. Revenez-nous vite. Et tâchez cette fois de ne pas nous planter là si promptement.

Jonathan Lopez

*À ne pas confondre avec Blaze, son frère jumeau, batteur du groupe.

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