Damon & Naomi + Thalia Zedek + Rach Three @ Olympic Café (Paris), 21/02/18

Publié par le 25 mars 2018 dans Live reports, Non classé

Le charme discret de la mélancolie

Il est des jours comme ça où les astres s’alignent et où Orphée semble bien disposé. Celui au cours duquel Thalia Zedek et Damon & Naomi ont décidé de tourner ensemble est de ceux-là, tant chacun incarne à sa manière un bout de l’histoire du rock indépendant américain.
Les adeptes de saturations mélancoliques et de belles mélodies se sont agglutinés le 21 février dernier, rue Léon à Paris, à l’Olympic Café, pour assister fébrilement à cette communion rock inespérée !

En guise de mise en bouche, GTOK? GTKO!, dealeurs de concerts pour le plus grand bien de nos oreilles, ont programmé Rach Three qui, seul en scène accompagné de sa guitare, nous offre un set intimiste, dépouillé et à fleur de peau. L’ambiant folk du français joue sur la corde sensible. Il convoque une certaine idée de la chanson française, poétique et minimaliste et fait preuve d’une appétence pour la noirceur et le mysticisme du néo folk anglo-saxon. L’exercice est racé, élégant, troublé malgré tout par quelques hésitations, mais qui ne demande qu’à se déployer avec plus d’ampleur.

Bottines noires qui foulent la scène, style vestimentaire décontracté, guitare Hagstrom avec autocollant FCK NZS apparent, la reine de la saturation Thalia Zedek fait son entrée, et avec elle tout un pan du rock nineties se retrouve convié à la fête. Uzi, Live Skull, Come, Thalia traîne ses guêtres dans le rock depuis presque 40 ans et n’a jamais cessé d’apporter sa pierre à l’édifice, en témoignent ses récentes sorties discographiques, ainsi que le projet de supergroupe A Band Called E, monté avec des membres de Neptune et Karate.

Avec l’habileté d’une équilibriste, Thalia alterne ce soir entre douce mélancolie et distorsion maîtrisée. Elle joue en solo plusieurs morceaux issus de son dernier album en date, Eve, dont les beaux “You Will Wake” et “By The Hand”, et le plus épique “Afloat” qui clôt le set. Une constante demeure, sa voix est unique, à la fois puissante, profonde et éraillée. Son chant traîne un spleen et une rage contenue, il sollicite à lui tout seul un vaste champ émotionnel.

La guitare est tour à tour rêche et délicate, baignée par un son bluesy aux accents noise acérés. Rengaines dépressives, complaintes rock brutales, Thalia Zedek démontre une fois de plus – s’il fallait en douter – toute l’étendue de son talent. En prime, plusieurs nouveaux morceaux sont au programme, dont deux petites merveilles : “War Not Won” et “Fighting Season”.

 

Damon Krukowski et Naomi Yang, un duo discret qui n’a pas usurpé le culte qui l’entoure depuis la parution de More Sad Hits, en 1992. Anciens de Galaxie 500, icône de la dream pop au sein duquel officiait également Dean Wareham (Luna, Dean and Britta), Damon & Naomi ont su créer un univers tout à fait personnel, au long d’une dizaine d’albums. Leur musique, mélancolique, apaisante et lettrée, a su dépasser les modes et combattre le temps sans effort apparent, elle reste l’une des plus belles jamais écrites.

Naomi au clavier, Damon à la guitare acoustique, le concert démarre tout en douceur et en parfaite harmonie. Les voix s’entremêlent délicatement, l’auditeur se retrouve plongé dans un bien-être musical. La magie de Damon & Naomi est à l’œuvre, d’une beauté sidérante. Point besoin d’effets en cascade, simplement la grâce des compositions et leur parfaite alchimie vocale. Égrenant les chansons dont le classique “Turn Of The Century”, Damon parle entre-deux de son travail de professeur, de son amour pour la France et Paris, du magasin où il avait l’habitude d’acheter du vin, de la carrière de vidéaste de Naomi. L’ambiance est chaleureuse et communicative, il y a même une certaine joie à s’imprégner de cette musique hautement mélancolique. En fin de set, le duo rend hommage à Gérard de Nerval et son livre Aurélia, en entonnant le très enlevé “A Second Life”.

La soirée réserve une dernière surprise et non des moindres, car Thalia Zedek remonte sur scène pour les accompagner sur une reprise démente de “Dance Me to the End of Love” du regretté Leonard Cohen. Thalia avait précédemment enregistré la cover de ce titre pour son premier album en solo Been Here and Gone, en 2001. À trois, la puissance s’en trouve décuplée, il ne reste plus qu’à écouter et pleurer. Pour le rappel, le trio rend hommage à un ami proche récemment disparu, le songwriter Tom Rapp, en reprenant l’un de ses morceaux. La soirée se termine, mais longtemps après les mélodies restent et se murmurent sur le chemin du retour.

Remerciements à GTOK? GTKO! et à L’Olympic Café.

Julien Savès

 

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