Marietta – La Passagère

Publié par le 18 août 2017 dans Chroniques, Notre sélection, Toutes les chroniques

(Born Bad, 2017)

Aah notre belle langue française. Nous la chérissons pour ce qu’elle représente à travers les âges, et grâce à ceux qui l’ont élevée au rang de fierté du patrimoine. Mais musicalement c’est souvent une autre histoire. De mauvais textes en français, ça pardonne moins et il n’est pas chose aisée de faire « sonner » cette langue si riche et complexe.

Marietta qui s’était jusque-là contenté de la langue de Shakespeare, beaucoup moins retorse, se jette dans le grand bain. Audacieux. Et périlleux. Les illustres ainés semblent beaucoup moins nombreux que les prédécesseurs peu glorieux. Et si on salue partout dans le monde le chic de la langue de Molière, ceux qui sont parvenus à s’exporter avec un chant en français demeurent des exceptions.

Pour le chroniqueur aussi, l’obstacle est de taille. Son premier album, Basement Dreams Are The Bedroom Cream, fait de bricolage bancal, de chansons brinquebalantes, gentiment lo-fi, nous avait fortement enthousiasmé (tout comme ses travaux au sein des excellents The Feeling Of Love). Il semble loin derrière. Marietta prend le pari audacieux de s’inscrire dans un registre plus classique de pop/chanson française, au risque de passer parfois pour de la variété. La frontière est mince, et Marietta, tout talentueux qu’il est, n’évite pas l’écueil.

Si les textes sont assez fins et de qualité, on peine toutefois à s’emballer pour ces compositions globalement trop sages et maniérées (« L’électricité », « Nos Ventres Nus ») et certains partis pris peinent à convaincre (les velléités électroniques de « L’insecte Dans Ma Bouche », les textes crus de « La Grande Ville Malade » où le Guillaume se mue en gros dégueulasse qui « veut baiser, être défoncé, sortir (sa) bite, (…) pisser sur les voitures et éjaculer sur les tatouages »).

Heureusement il reste des pop songs de qualité (« Livide La Nuit ») et quelques virées psychédéliques perçues comme autant de bouffées d’air frais (« La Carte », le voluptueux « La Passagère » et son final généreux, « La Bouche Du Vent » qui offre quelques réminiscences instrumentales de « Chewing Your Bones » nous procurant ainsi quelques regrets nostalgiques).

Marietta a mis les formes à ce disque qu’on ne balancera pas aveuglément aux orties. Le garçon est doué, cela va sans dire. Il a simplement emprunté un chemin qu’il nous est parfois difficile de suivre. La tentative est louable mais la concrétisation guère convaincante. Qu’à cela ne tienne, n’enterrons pas trop vite Marietta qui a sans doute plus d’un projet dans son sac.

JL

Lire la chronique de Basement Dreams Are The Bedroom Cream

Lire la chronique de The Feeling Of Love – Reward Your Grace

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