Nick Drake – Pink Moon

Publié par le 6 février 2017 dans Chroniques, Incontournables, Toutes les chroniques

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(Island, 1972)

En ce jour funeste*, qui voit la disparition du poète et chanteur canadien Léonard Cohen, auteur de quelques-unes des plus belles chansons du siècle dernier (écoutez “Hallelujah”, qu’avait repris si magistralement Jeff Buckley sur l’album Grace). On a l’impression d’entendre un ange tombé du ciel. Léonard Cohen première victime collatérale de la sinistre marionnette Trump. Mais je m’égare, en ce jour maudit disais-je, j’ai envie de vous parler d’un autre poète chanteur, qui n’a malheureusement pas eu la reconnaissance de son talent de son vivant, et qui est mort très jeune, totalement inconnu dans une solitude extrême. Je voulais vous parler de Nick Drake, artiste maudit s’il en est, et autre ange tombé du ciel.

Nick Drake, est unanimement reconnu depuis, bien sûr, comme c’est souvent le cas, reconnaissance et estime post mortem. De nombreux chanteurs lui vouent un culte et ne tarissent pas d’éloge sur son talent immense. Peter Buck, Robert Smith, Lou Barlow en font partie (excusez du peu). C’est même en écoutant tout jeune Five Leaves Left qu’il se dit que même un mec timide, voire introverti, peut passer ses émotions dans la musique et écrire des chansons. Et quelles chansons !

Aujourd’hui, si je vous parle de Nick Drake, c’est que Pink Moon, son troisième et dernier album a été publié il y a 45 ans. Dernier disque, brut de fonderie, aucune fioriture sur ces titres concis (l’album ne dure que 28 minutes). Nick seul à la guitare et au chant. On ne peut faire plus dépouillé et moins commercial. Nick Drake a 24 ans, deux albums au succès limité derrière lui. Et pourtant deux chefs-d’œuvre ignorés de son vivant qui trouveront avec le temps des cohortes de fans qui découvriront le génie de ce chanteur compositeur.

Nick Drake, éprouvé par les échecs relatifs de ses deux premiers disques choisit l’épure comme ligne directrice, lorsqu’il enregistre en deux nuits onze chansons. Rupture totale avec le style des deux albums précédents Five Leaves Left et Bryter Layter à la production riche, et aux nombreuses harmonies complexes, piano, cordes, guitares. Jetant tout ce qu’il a d’émotion et de passion dans ces séances, qui verront la naissance de Pink Moon. Bien que jugé par ses fans comme son meilleur album, l’échec commercial sans appel du disque enfonce Nick Drake plus profondément dans la dépression qui le mine depuis toujours. Très affecté par le rejet public du disque, Nick Drake abandonne la musique et se retire définitivement chez ses parents. Deux ans plus tard, il décède d’une overdose d’anti dépresseur. Triste fin pour un jeune génie de 26 ans incompatible avec le succès, et le monde dans lequel il vivait.

L’éponyme “Pink Moon” en ouverture, sur laquelle il a égrené quelques notes de piano (overdub enregistré après ces deux séances nocturnes), donne le ton. On ne va pas se marrer, c’est clair, Nick n’était pas un comique, mais écrivait de sublimes chansons et c’est bien ce qui compte et ce qui reste avec le temps. Se succèdent un lot de ballades à tomber, “Road”, “Which Will”, “Parasite”, mais s’il ne fallait en retenir qu’une seule “Things Behind The Sun” serait celle-là. Jeu de guitare aux ponts successifs, et voix posée, presque murmurée sur cette mélodie miraculeuse.

On ne peut jamais réparer les injustices, surtout lorsque les victimes ne sont plus de ce monde, mais plongez-vous dès à présent et sans retenue dans ces trois albums (discographie complète en tout et pour tout). Pour tout amateur de musique, ne pas connaître des joyaux tels que “Three Hours”, “Man In A Shed”, “Poor Boy” ou “One Of These Things First” est une lacune à combler sans perdre un instant.

El padre

 

*Chronique rédigée le 8 novembre 2016… un peu en avance pour les 45 ans de l’album.

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