Saul Williams – MartyrLoserKing (EMI)

Publié par le 22 février 2016 dans Chroniques, Toutes les chroniques

saul_williams_-MartyrLoserKingSaul Williams c’est d’abord l’incarnation indéniable du slam (il fut d’ailleurs l’acteur principal du film du même nom). Nous pauvres francophones on a Grand Corps Malade et Stromae, aux States ils ont Saul Williams. La vie est injuste.

Qu’on adhère ou pas à tout ce qu’il crée, il est un fait incontestable : Saul emprunte une route qui lui est propre et avance. Toujours. Son oeuvre protéiforme évolue constamment et ne regarde jamais dans le rétro.

Dans le rétro on trouve pourtant deux premiers albums brillants et essentiels (Amethyst Rock Star en 2001 et l’éponyme en 2004), puis deux autres plus inégaux (The Inevitable Rise And Liberation Of Niggy Tardust en 2007 et Volcanic Sunlight, produit par Trent Reznor, en 2011).

Pour ce 5e album, l’ami Saul explore davantage des contrées électroniques que rock, les beats tabassent, les infrabasses remuent les tripes… Quand on regarde le cv du producteur, il n’y a là aucune réelle surprise. Justin Warfield, aux manettes, étant principalement connu pour ses faits d’armes dans le big beat, et pour son tube “Bug Powder Dust” de Bomb the Bass.

La cible principale du poète Williams sur ce disque ? Internet, les dangers des nouvelles technologies…

Pour appuyer son propos, Warfield tape dans le digital non sans y mêler – avec bonheur – sources tribales (“The Noise Came From Here”, “Burundi”). Les racines, la pureté face au défi de la modernité. Tout un programme.

Mais les thèmes abordés sont évidemment nombreux et la justice sociale occupe, comme d’habitude une bonne place. La teneur est à l’agressivité avec des instrus gonflées en testostérone et un Williams rageur qui montre les muscles. Comme cet “Ashes” incendiaire où Saul “danse avec les cendres des corps” entouré d’alliés technoïdes. Ou lorsqu’il clame avec insistance “Fuck you, understand me” sur le furieux “All Coltrane Solos At Once”.

Mais si Saul a les nerfs, il reste un esthète de la plume et fait autant d’étincelles au milieu de la clarté et simplicité d’un “Down For Some Ignorance” ou de la boucle de piano entêtante d’un “Horn of the Clock-Bike”. Et se rappelle au temps béni d’un “Black Stacey” sur le refrain de l’épique (un peu trop ?) “The Bear/Coltan As Cotton” démontrant de nouveau qu’il n’est pas que rappeur, slammeur, poète, activiste, acteur… Il sait aussi chanter quand l’envie lui prend et quand le besoin s’en fait sentir.

Malgre un dernier titre (“Home/Drone/Poems”) moins convaincant, Saul Williams parvient à éviter l’écueil du récit poétique sans entrain avec de vraies idées musicales, stimulant autant l’esprit que le corps. Le poids des mots, le choc electro.

JL

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