Minutemen – 3-Way Tie

Publié par le 8 février 2021 dans Chroniques, Incontournables, Toutes les chroniques

(SST, décembre 1985)

– You’re not Eskimo.
– No, I’m not Eskimo.

La rencontre entre D Boon et Mike Watt fait partie de la légende et l’on repense souvent, avec émotion, à la scène d’ouverture du documentaire We Jam Econo, où l’on voit le fameux bassiste en chemise à carreaux l’évoquer, la voix tordue de sanglots…

Pour beaucoup, The Minutemen incarnent l’idéal du groupe intègre, ouvert sur le monde, éclectique, sans barrières ni concessions. Tout au long de leur carrière, ils ont touché à tout, sans se demander si c’était permis, avec une envie et une innocence communicative et inspirante. Punk Hardcore, Jazz, Country, Classic Rock, Hard Rock, en à peine une minute à chaque fois. Dada en Californie, et en surpoids chez SST. Leur influence est incalculable et palpable encore aujourd’hui chez d’innombrables groupes comme White Denim, Kal Marks, 31 Knots ou même Viagra Boys.

Malheureusement, l’idéalisme atteint toujours beaucoup trop rapidement ses limites, et si, de surcroit, la mort s’en mêle, il en va de longs regrets. Ainsi, 3-Way Tie (For Last), dernier album du groupe, sera, pour l’éternité, coincé entre le chef-d’œuvre Double Nickels on the Dime et un futur qui ne s’est jamais écrit. Pour beaucoup de fans de la première heure, il s’agit du plus mauvais album du groupe, celui dans lequel il y a trop de reprises de classic rock, celui où les chansons sont trop longues, le son pas suffisamment aride… et, disons-le, cet album était alors leur plus – COMMERCIAL – mot lâché comme un aveu rauque après des heures d’interrogatoire.

Ecoutez-le attentivement et on en reparle…

En attendant, la confusion perdure, et s’il est certain que 3-Way Tie est la fin, j’ai l’intime conviction que sans la mort brutale de D Boon, il aurait été en réalité le début d’une nouvelle ère pour les Minutemen, et on en parlerait aujourd’hui comme on parle des fameux albums “charnières” qui jalonnent la carrière de nombreux groupes. La période “Econo” aurait connu son apothéose avec Double Nickels on the Dime et à partir de là, le trio de San Pedro n’aurait plus eu de complexes à aller chercher un son plus travaillé, des studios moins cheap, des perspectives musicales davantage étendues, etc. Il est peut-être noble d’économiser sur les overdubs quand t’as vingt ans mais il arrive un moment ou l’œuvre devient plus importante que la démarche, et ce type d’évolution se fait souvent au prix de certaines “trahisons” (les guillemets sont importants).

3-Way Tie est sorti à un moment où le groupe avait peut-être besoin de faire un break ce qui expliquerait le nombre important de reprises et le besoin de se cacher derrière elles. Ces reprises incarnent, d’une certaine façon, les paradoxes du groupe, et elles révèlent également sa singularité. De Blue Öyster Cult à The Urinals en passant par Roky Erickson et Creedence Clearwater Revival (meilleure version de “Have You Ever See The Rain” jamais enregistrée), les Minutemen dressent, à ce moment de leur carrière, donc, une carte très personnelle de leurs origines avec, encore une fois, un parfum d’état des lieux qui nous conforte dans l’idée qu’un changement important allait s’opérer et dont on ne connaitra jamais la nature exacte.

Cette fin brutale traine son cortège de regrets et de spéculations au sujet de ce que serait devenu D Boon et les Minutemen. Pour ma part, je suppose qu’il aurait fait un meilleur écrivain que Henry Rollins et que le groupe avait encore quelques albums de haut vol dans sa musette. Mike Watt et George Hurley ont soigné leur dépression avec fIREHOSE et si le second est peu à peu sorti des radars, le premier est devenu une icône de l’underground qui a joué avec tout le monde et qui a quelques fois sorti des bons disques sous son nom. Rien, toutefois, qui n’atteignent les sommets des Minutemen, 3-Way Tie  inclus.

Max

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