Hey Colossus – Dances / Curses

Publié par le 12 novembre 2020 dans Chroniques, Notre sélection, Toutes les chroniques

(Wrong Speed, 6 novembre 2020)

De la nicotine, du valium, du vicodin, de la marijuana, de l’ecstasy, de l’alcool et un bon vieil album des Who. C’est à ce genre de cocktail que font penser les premières mesures du nouvel album des anglais de Hey Colossus. Un “Feel Good Hit Of The Summer”, en plein milieu de l’automne, qui a largement de quoi nous occuper jusqu’au printemps.

Le moins que l’on puisse dire sur ce nouvel album est qu’il est riche, dense, chargé jusqu’à la gueule de riffs kraut, psyché et stoner. Si on a naturellement pensé aux Queens Of The Stone Age dans un premier temps, on les oublie cependant bien vite car l’ADN de Hey Colossus vient d’ailleurs et que Dances / Curses est bien trop vertigineux pour se laisser caricaturer si facilement.

Avec une durée d’une heure et quinze minutes, l’aventure tient largement en haleine. On est tour à tour oppressés et malmenés, hypnotisés et catapultés au cœur des nébuleuses. Comme son titre le laisse entendre, l’album se découpe en deux parties, pas forcément distinctes, néanmoins suffisamment marquées. La première offre les titres les plus frontaux, avec le tubesque “Donkey Jaw”, en avant-poste, suivi d’autres, tout aussi efficaces, à l’instar de “Medal” et de son imparable refrain. “Dreamer is Lying In State”, quant à elle, rappelle les cousins écossais de The Phantom Band et l’intro de “Nine Is Nine” nous renvoie dans le giron des Queens Of The Stone Age avec la même rapidité que l’on en était sorti.

Quand “A Trembling Rose” débute, nous nous trouvons face à la pierre angulaire de l’album. Seize minutes litaniques et hypnotiques durant lesquelles on défriche le terrain autrefois occupé par des groupes tels que les Black Angels ou Spiritualized. Un tour de force de la part de Hey Colossus qui aurait pu lasser, en plaçant un titre aussi long au milieu du disque, mais qui, au contraire, réussit à lui donner un second souffle et une nouvelle orientation, en prémices de la seconde partie.

Il faudra cependant attendre que monsieur Lanegan y aille de sa participation gracieuse avant de réellement attaquer cette fameuse deuxième vague. Ce n’est pas un hasard si la chanson s’appelle “The Mirror”. Nous entrons dans un autre monde et nous y entrons poussés par une basse lancinante et insistante. La voix de Lanegan, reconnaissable entre toutes, ânonne ses formules avec la force évocatrice qui la caractérise alors qu’un chœur de trépassés vient nous conduire, enfin, au-delà de ce miroir.

Dans un premier temps, on ne note pas de différences particulières entre ce monde-là et celui que nous avons laissé derrière. À peine y trouvons-nous, peut-être, une lumière légèrement plus pop. Et puis, nos yeux s’habituent, le rythme descend et de nouveaux sons se font entendre. “Sylites In Reverse” nous apparaît comme une balade expérimentale, étrange et dérangeante. “U Cowboy”, en revanche, nous plonge dans une mélancolie totalement inhibée, porteuse d’inquiétudes tooliennes et de nostalgies brumeuses d’une fin de dimanche après-midi.

La teinte a bel et bien changé. Hey Colossus se montre davantage complexe et nous propose un terrain de jeu plus équivoque. Le temps s’allonge, le martèlement se poursuit de façon diffuse et aérienne, les voix s’envolent de même et partout des écueils et des détails qui rendent le tout proprement passionnant. Le trio final “Dead Song For Dead Sire”, “Blood Red Madrigal” et surtout “Tied in a Firing Line”, encore hanté par le spectre de Tool, illustrent parfaitement ce changement d’incarnation. Ce n’est pas complètement différent, mais ce n’est plus tout à fait la même chose. En un seul disque, les gars de Hey Colossus se démultiplient et le brio dont ils font preuve est impressionnant.

Dances / Curses se range dans la catégorie des œuvres ambitieuses pour lesquelles les artistes ont décidé de tout donner. L’exercice est très souvent casse-gueule et de nombreux groupes s’y sont fourvoyés. Ce n’est pas le cas ici, car Hey Colossus a réussi à rester tout le long en équilibre sur la crête qu’ils se sont eux-mêmes taillés. La promesse était séduisante, elle est ici largement tenue. Dances / Curses s’affirme, sans l’ombre d’un doute, comme l’un des meilleurs albums de l’année.

(C c c c c cocaïne !)

Max

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