EELS – Earth To Dora

Publié par le 31 octobre 2020 dans Chroniques, Notre sélection, Toutes les chroniques

(E Works/[PIAS], 30 Octobre 2020)

On ne va pas se mentir, le retour de Eels pour un 13e album depuis 1996 (!), on n’en attendait pas grand-chose. De l’eau a coulé sous les ponts depuis Beautiful Freak, premier album remarqué et remarquable dans le monde indie post-Nirvana (NdR : trois albums l’avaient précédé sous le patronyme E). Et on n’avait suivi l’aventure que de loin depuis.

La vie familiale tourmentée de son leader Mark Oliver Everett aka E a sans doute nourri nombre de ses chansons mélancoliques voire dépressives, parfois hantées par les thèmes les plus sombres. Un père mort d’une attaque cardiaque, une sœur suicidée, une mère victime d’un cancer, deux divorces, la lecture de son profil Wikipédia a de quoi vous plomber le moral. Loin de se murer dans la dépression, E a toujours préféré répondre par une pop soignée et délicate, douce-amère, en véritable artisan multi-instrumentiste, amoureux du bel ouvrage. Ne dédaignant pas à l’occasion le rock mal léché (j’ai ainsi un petit faible pour l’album Souljacker qui explore cette facette). Loin d’avoir épuisé toute sa discographie, je lui reconnais toutefois un talent certain pour les mélodies, les refrains imparables et les gimmicks inattendus. C’est donc un songwriter attachant mais perdu de vue depuis longtemps pour ma part que je retrouve avec plaisir. Pas de grosse révolution dans l’univers Eels dont je me souvenais. On trouvera (encore) de beaux arpèges, de belles mélodies, des titres tristounes et des petites perles pop qui te donnent envie de faire des bisous à tout le monde en fredonnant que la vie est belle. Ce qui, par les temps qui courent, n’est pas un mince exploit. « Anything For Boo », le titre d’ouverture convoque pourtant un fantôme mais façon Casper (cf le clip), n’ayez pas peur, et c’est donc un poil (trop) sucré comme une guimauve ramenée d’une chasse aux bonbons d’Halloween. Faut dire que je n’étais pas prêt après une récente et massive cure de stoner et de post-punk. En revanche, le dernier soir avant un nouveau confinement, j’étais heureux d’entendre « Are We Alright Again », son petit clavier, et son rythme tranquille de pop song feel good (“Walkin’ down the street / Or walkin’ on the moon / What’s it matter / Outta my cocoon / Step into the sunshine / Man it feels good / Birds and bees jamming / A theme for the neighborhood“).

Chanson composée pendant le premier confinement, et finalement parfaite pour espérer (vite) le second déconfinement et les retrouvailles avec la (vraie) vie. L’album est un cocon bienvenu, confortable et accueillant, aux pop songs fragiles (le dépouillé et délicat « Who You Say You Are » aux arpèges parfaits, « Earth To Dora », « Baby, Let’s Make It Real », son petit solo et les cuivres) et où la bonne humeur prend le dessus sur la tristesse jamais très loin (« Dark And Dramatic » minimaliste mais élégant, « Of Unsent Letters », « OK »). E deviendrait presque bougon et énervé (légère montée en tension électrique) sur le réussi et explicite « Are You Fucking Your Ex ». Mais c’est vite oublié, à l’écoute du poppy « The Gentle Souls » qui a éveillé la curiosité de l’épouse de votre serviteur, beaucoup moins intéressée quand j’écoute le dernier I Like Trains, bizarrement… La mélodie, la mélodie. C’est ce qui sauve toujours la mise de Eels. Car on ne sortira pas de cet album illuminé, on a déjà entendu tout ça chez la bande à E. Et les 12 titres n’offrent pas beaucoup d’aspérités ou de surprises, contrairement à Beautiful Freak ou Souljacker (j’ai mis ceux que je connais par cœur, mais ça marche sans doute aussi avec d’autres albums). Mais il suffit d’un autre titre tristoune, « I Got Hurt », au refrain imparable et aux cordes élégantes, et on tombe de nouveau dans le panneau. La mélodie, la mélodie.

Amoureux du son clair, des arpèges clean, des instrumentations délicates (cuivres discrets sur « OK », piano et claviers ici et là), Eels est là pour combler vos attentes de pop chaleureuse (et confinée). C’est presque au coin du feu, avec juste une guitare, que E nous joue ainsi le final et parfait « Waking Up » (“Nothing new but everything / Every day is brave / Anything can happen now / Nothing’s ever safe / So why don’t you just take my hand /
And take a chance on love / The day is here and I won’t blow it / I am waking up
/ And waking up next to you is all I really want“).

Finalement, il arrive à point nommé ce dernier Eels, avec ses bonbons pop acidulés. Are we alright again?

Sonicdragao

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