DISCO EXPRESS #3 : Deftones

Publié par le 1 septembre 2020 dans Chroniques, Disco express, Toutes les chroniques

À l’opposé de notre rubrique sobrement intitulée « discographies » qui se veut objective, exhaustive et documentée, nous avons choisi ici de vous résumer chaque mois des discographies avec concision, après une seule réécoute (quand ce n’est pas la première !) de chacun des disques. Des avis tranchés, des écrits spontanés, plus ou moins argumentés avec une bonne dose de mauvaise foi et d’amateurisme. Cause hey, this is just music!

Adrenaline (1995) : on est en pleine naissance du nu metal. Et comme Korn, les autres pères fondateurs, Deftones ouvre son premier album par un riff d’enclume monumental. « Bored » vs « Blind », faites vos jeux ! Ou contentez-vous de vibrer de plaisir. L’accroche n’est guère trompeuse, cet album est une usine à riffs, Carpenter bombarde sans relâche (“Root”, “Engine No. 9”). Chino, bien qu’atteint du syndrome de la Tourette sur « 7 Words » (“fuck” 32 fois, “Suck” 58) est loin d’avoir exploré tout son registre et le groupe ne se contente pas de foncer tête et froc baissés. Il réserve déjà de nombreux passages plus subtils (le pont de « Nosebleed », le riff rampant de « One Weak », la géniale « Lifter » – jamais citée, toujours gagnante – à la construction plus complexe). Et pour la première fois, je réalise que ce « Fireal » sonne étonnamment comme du… Chokebore (notamment le chant se rapprochant des complaintes de TvB). Bref, un album beaucoup plus varié et moins primitif qu’il n’y parait, regorgeant de tubes. WE WANT MORE!

Around The Fur (1997) : Comme de coutume, l’album s’ouvre par le riff de la mort. Et trente secondes après, nous voilà hurlant « SHOVE IT! SHOVE IT! SHOVE IT! » comme une belle bande d’aliénés. Plutôt de bon augure, et effectivement ce disque est monstrueux. Un bon gros IN YOUR FACE d’une fiabilité inébranlable. Outre « My Own Summer (Shove It) » donc, comprend le fabuleux « Around The Fur », le plus beau morceau de la terre « Be Quiet And Drive (Far Away) » mais aussi du moins connu et tout aussi bon (« Mascara » ou la folle furieuse « Headup »). Ne contient pas le moindre morceau de remplissage. Around The Fur n’est pas de ceux dont on découvre un truc à chaque nouvelle écoute mais qui, au bout de la 527e, produit toujours le même effet euphorisant. Un disque susceptible de changer le destin d’un groupe, Deftones avait toutefois choisi d’attendre le prochain pour ça.

White Pony (2000) : Autant que je m’en souvienne, il s’agit d’un des disques qui a le plus marqué mes années lycée. Et putain, qu’est-ce que j’étais cool avec mon sweat White Pony ! 
Leur pinacle pour beaucoup. L’album qui pète les frontières et les consacre comme un groupe définitivement au-dessus du game. Les morceaux prennent une ampleur considérable, le son de batterie d’Abe Cunningham est ahurissant (quelques intros gravées à jamais : « Feiticeira », « Rx Queen »), les grandes envolées sont légions. Et les morceaux sont là « Feiticeira », « Knife Prty », « Change (In The House Of Flies) », la comateuse « Digital Bath » (“i feel liiiike mooore”), contraste avec l’extrême violence de « Elite » (« you’ll bleed out of controool »). Et « Pink Maggit » évidemment (en ce jour de rentrée des classes…). On déplorera seulement la molle du genou « Teenager ». Maynard passe même faire un coucou et prend le temps de marquer l’histoire avec ce « Passenger » de légende sur lequel Chino fait jeu égal. Après ça, impossible de faire mieux, d’ailleurs beaucoup ont lâché le groupe. Mais tout à fait possible de faire aussi bien, ceux qui l’ignorent seront châtiés.

Detones (2003) : D’abord il y a cet incroyable souffle sur le riff d’intro de « Minerva » qui semble prendre son envol soudainement et te scotche au siège. Puis des morceaux férocement addictifs comme « Hexagram », quelques pièces sublimes (aaah ce « Deathblow » terriblement mélancolique) mais aussi quelques refrains qui sonnent un peu forcés (« Good Morning Captain ») et certains titres plus anecdotiques (« Battle-Axe », « Lucky You », « Anniversary Of An Uninteresting Event » pas loin d’être soporifique, tout ceci illustrant une deuxième partie d’album moins emballante). Passé quelque peu à côté à l’époque, je l’ai largement réhabilité depuis mais (n’en déplaise à l’avis de Deftoniens avisés), il demeure en-dessous des trois premiers. C’en est presque rassurant.

B-Sides And Rarities (2005) : Je manque peut-être d’objectivité sur ce disque parce qu’il est associé à une période heureuse de ma vie (mais ma vie n’est pas triste, détendez-vous !). Je l’ai beaucoup fait tourner à l’époque, j’y reviens rarement mais toujours avec plaisir. Un cd qui vaut presque autant pour la mise en lumière des influences de Deftones que pour la musique en elle-même : le post hardcore cela va de soi (« Savory » de Jawbox, très fidèle), beaucoup de groupes 80s (Duran Duran, The Cure, Sade, The Smiths, Cocteau Twins), super reprise de… Lynyrd Skynyrd ! (« Simple Man »). Celle de « If Only Tonight We Could Sleep » a beaucoup fait parler, je l’ai toujours trouvée juste bonne, bien interprétée mais trop sage. Et en aucun cas supérieure à l’originale. Au-delà des reprises, de superbes versions acoustiques (« Be Quiet And Drive » totalement dépouillée en tête, « Change », « Digital Bath » pas loin). Avec le recul, « No Ordinary Love » est un brin sirupeuse, « Teenager (Idiot Version) » pas franchement indispensable mais cet album agrémenté d’un dvd coolos est plus qu’une curiosité. À noter que l’un des morceaux qui a motivé mon achat (« Black Moon » avec B-Real) est en fait un des pires de l’histoire du groupe. Comme quoi, ces gars-là sont vraiment imprévisibles.

Saturday Night Wrist (2006) : C’est un peu le mouton noir pour moi. Et ça m’attriste d’autant plus que c’est le dernier album enregistré (sorti, en tout cas) avec Chi… « Hole In The Earth » est joli (vous en voulez de la guitare qui tutoie les cieux ?) mais un brin cheesy… comme « Cherry Waves », avec un Chino vocoderisé (si je ne m’abuse ?). Ça s’énerve un peu de temps à autre mais dans l’ensemble ça demeure gentillet. Un poil forcé aussi parfois (« Mein »). Tout le disque semble parcouru par une espèce de vague à l’âme persistante, le chant de Chino, très en avant, incontestablement beau – pour ne pas dire irrésistiblement sensuel – est un peu l’atout majeur. Oui mais ce n’est ni un album solo ni un disque de Crosses (jamais compris ce groupe). L’espèce de divagation électronique « Pink Cellphone » ne me paraît pas d’un intérêt fondamental. On retiendra « Beware » (ou plutôt « beeeeewaaaaare »), la très belle instrumentale “U, U, D, D, L… machinchose », la mordante « Kimdracula » et même « Xerces » qui pourtant ne fait pas dans la demi mesure mais marche sans doute aussi fort bien en feu de camp. C’est déjà pas mal mais c’est trop peu pour eux. Alors ceux qui parlent de meilleur album de Deftones, que leur répondre à part MOUAHAHA.

Diamond Eyes (2010) : Après une inquiétude légitime, Diamond Eyes nous remet une bonne succession de coups de pied au derche. Et ça fait un bien fou ! On retrouve ici un Carpenter hargneux en diable (morceau éponyme, « CMND/CTRL », « You’ve Seen The Butcher » et ce goddamn « Rocket Skates » où la six-cordes se mue en M16). Les mélodies sont évidemment de la partie aussi et on navigue dans un univers pas si éloigné de la dream pop et du shoegaze par moments, avec réussite (« Beauty School », « Sextape »). En résumé, ça bute et c’est classe. Et ils sont où les blaireaux restés bloqués à White Pony ?

Koi No Yokan (2012) : Enregistré quasiment dans la foulée de Diamond Eyes et ça s’entend. On reprend le même dosage, on recommence… et c’est encore mieux ! « Swerve City » tabasse dru, « Romantic Dreams » fait planer son petit monde. Une claque, une caresse, les deux en même temps. On se tait et on apprécie. Tout le début d’album est fameux (citons « Poltergeist » et « Entombed » en sus des précédentes parce qu’il faut le dire quand ça cartonne). L’ensemble est d’une constance remarquable. « Tempest » est une franche tuerie : décollage faramineux, refrain mémorable, final en trombe (d’eau ? Oh ben non, on n’oserait pas). Ils ne sont pas beaucoup à pouvoir pondre des disques pareils 17 ans après leurs débuts. Et en plus, la pochette a de la gueule pour une fois.

Gore (2016) : Évidemment, on sort la brosse à reluire et voilà comment on est récompensé… Il serait fort malhonnête de dire que cet album est mauvais. Cet album est mature, élaboré, le son est soigné, percutant, le chemin parcouru depuis Adrenaline indéniable. Mais je préfère largement revenir à ce dernier qui tricote moins mais qui procure bien plus de plaisir d’écoute. Parce qu’après avoir redonné sa chance à maintes reprises à Gore, il m’est toujours assez difficile de me laisser immerger. Oh, je ne crache pas sur un « Doomed User » bien épais (une des rares fois où Carpenter s’est éclaté sur ce disque et il ne s’en est jamais caché), « Geometric Headdress » est loin d’être dénué d’intérêt, ce « Hearts/Wires » délié comme un vol de flamands roses est un petit plaisir, le refrain colossal de « Phantom Bride » un énorme kiff (on pardonne même à Cantrell d’en faire des caisses sur son solo, ce monsieur ayant largement tous les droits). Mais à part ça ? Ben, pas grand-chose, figurez-vous. Un disque loin d’être infamant (à part peut être « Pittura Infamante », y a pas de hasard) mais presque quelconque. J’en suis le premier embêté. Mais rassurez-vous, un petit nouveau arrive. Et il est pas vilain… (Chronique et interview)

Jonathan Lopez

On ne sait plus trop pourquoi ni quand on a décidé qu’il ne devait y avoir que 15 morceaux dans les playlists de cette rubrique mais on s’y tient (version Spotify et Youtube parce qu’on touche des dividendes sur les deux). Deux morceaux de chaque (sauf pour B-Sides And Rarities, Saturday Night Wrist et Gore parce qu’on vous a dit qu’ils étaient moins bien)

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