No Age – Goons Be Gone

Publié par le 4 juin 2020 dans Chroniques, Notre sélection, Toutes les chroniques

(Drag City, 5 juin 2020)

Porté aux nues par les chantres de la presse indie rock américaine à leurs débuts, No Age semble aujourd’hui susciter moins d’excitation de la part des « gens qui pèsent ». Pourtant, le duo nous a offerts l’imparable Snares Like A Haircut il y a deux ans seulement et remet déjà le couvert, reprenant ainsi un rythme plus conforme à ses débuts, alors qu’il avait fallu patienter cinq longues années entre les deux épisodes précédents. Le départ de Sub Pop pour Drag City en 2018 serait-il à l’origine de ce regain d’inspiration ? Difficile à dire, toujours est-il que la continuité est ici de mise et les fidèles ne seront pas déboussolés. Morceaux frontaux d’un côté, rêveries shoegaze de l’autre. Cette faculté à exceller dans les deux registres et à faire cohabiter ces deux facettes constituent pour beaucoup l’un des points forts du groupe mais il est à double tranchant. Sur l’album précédent, le choix était fait d’attaquer pied au plancher puis de redescendre en douceur. Ici, les coups de sang sont en alternance avec les errances en plein brouillard. Rien de tel qu’un bon coup de pied au cul après avoir comaté la bouche ouverte un peu trop longtemps.

Ainsi « Smoothie » déboule sur coussins d’air après une entame plus musclée (« Sandalwood » punky en diable avec une touche MBV tout de même – on ne se refait pas – et « Feeler », indie rock remuant bien troussé). Quant à l’entrainante « War Dance » (dans un tout autre style que celle de Killing Joke), elle est d’emblée contrebalancée par « Toes In The Water » tournant au ralenti, noyée sous les samples, les saturations excessives et les couches d’effets multiples (mais non dénuée de mélodie soyeuse). Du pur toegaze ou je ne m’y connais pas.

Il existe donc bien des raisons de s’enthousiasmer mais sachons raison garder. L’avenir nous le confirmera sans doute car le présent laisse une maigre place au doute : si ce Goons Been Gone ne manque ni de maitrise, ni d’idées ni de mélodies accrocheuses (« Turned To String », le riff saignant et jouissif de « Head Sport Full Face », « Agitating Moss » qui rappellera « Ex Lion Tamer » de Wire, le tas de crasse qui va avec), il semble tout de même évoluer un cran en-dessous de son prédécesseur qui alignait bombes sur bombes dans le plus grand des calmes.

Il n’en demeure pas moins que No Age évolue toujours dans son petit monde à part, l’énergie dégagée par Randall et Spunt est toujours aussi communicative et il n’y a là pas grand-chose à jeter (tout juste peut-on négliger la redondante « A Sigh Clicks » et l’étrange interlude « Working Stiff Takes A Break »). Après 15 ans de carrière, on connait beaucoup de groupes qui se contenteraient d’un tel bilan.

Jonathan Lopez

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