Versari – Sous la peau

Publié par le 23 avril 2020 dans Chroniques, Notre sélection, Toutes les chroniques

(T-Rec – 24 avril 2020)

Le confinement a beau bouleverser (un peu beaucoup) nos vies, la musique reprend ses droits. Elle envahit (encore plus) notre quotidien, parfait remède à la sinistrose vomie par les chaînes d’infos en continu. Alors quand surgit l’opportunité d’une chronique de nouveauté, d’un groupe à découvrir, c’est une petite montée d’adrénaline bienvenue.

Surtout quand le projet qui nous intéresse, Versari et son 3e album, Sous la Peau, compte parmi ses membres le batteur Cyril Bilbeaud (ex-Sloy, Zone Libre). Ou que l’on pourra y trouver les guitares et les synthés d’Adrian Utley (Portishead), aussi crédité à la production. Le groupe, mené par Jean-Charles Versari, propose en outre des textes en français, ce qui n’est pas si courant quand on décide de pratiquer un rock sombre de cette trempe. À la valse des étiquettes, je laisserais chacun y aller de son AOC personnelle. Je suis devenu presque allergique au terme fourre-tout post-je sais pas quoi en quatre lettres. Mais en 8 titres, Versari n’aura aucun mal à convaincre les adeptes d’un rock anguleux, mal éclairé, aux belles fulgurances électriques. Porté par une section rythmique sûre (Cyril Bilbeaud donc, et Laureline Prod’homme à la basse), la voix grave et intense de Jean-Charles Versari distille une mélancolie vénéneuse (« Tu te disais »). Et ne comptez pas sur sa guitare pour vous guérir. Elle insuffle une tension permanente et assène de nombreux riffs cinglants. Avec toujours une électricité sourde en arrière-plan prête à te saisir à la gorge quand tu tournes le dos. Le premier titre, et single, « Des Images », à la rythmique frondeuse, pose le décor. On ne va pas être tranquille. Il faudra rester sur ses gardes. Car le feu couve sous la braise et derrière une ligne de basse se cache souvent un incendie n’attendant qu’un refrain pour reprendre (l’élégant « Brûle »). L’urgence est partout et le doute n’est pas permis. Sur l’inquiétant « Rose », Jean-Charles est explicite. « Ce que tu as perdu, est perdu. Il n’y aura pas de retour. » On devrait s’enfuir alors, chercher ailleurs le réconfort, en quête de lumière ? Mais on y « Reviens(t) » très vite, pas encore sevré de ces petites piqûres de riffs. « La Peur au ventre » ? Même pas, surtout sur ce titre parfait qui va vite devenir notre petit fix quotidien. Riff addictif. Refrain en apesanteur. Texte assez sublime. Classe. Le disque est court, mais ménage bien ses effets et les tempos, parfaitement servi par une production sûre, qui va à l’essentiel. Et saupoudre habilement quelques claviers dans cette électricité tendue. « Nemesis » et sa rythmique abrasive mal fagotée détonne presque au milieu de ces titres sombres mais subtilement arrangés. Mais le doute est vite balayé, ce trio maîtrise son sujet. À l’image du final « Plus de tristesse », son rythme lent, sa ligne mélodique élégante. Presque un apaisement.

Le critique paresseux dira sûrement de Versari que Dominique A s’est mis au post-punk. Mauvaise réponse ! Versari signe un très bel album de rock lettré, cinglant et tendu, et en français dans le texte, mon bon monsieur ! Et confirme (encore une fois, bim) la belle santé de notre scène hexagonale que l’on continuera de promouvoir, virus ou pas. Surtout quand elle peut regarder les petits collègues anglo-saxons dans les yeux.

Sonicdragao

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