The Rolling Stones – Sticky Fingers

Publié par le 14 janvier 2020 dans Chroniques, Incontournables, Notre sélection, Toutes les chroniques

(Rolling Stones Records, 23 avril 1971)

Fêtes de fin d’année obligent, quand le boss d’Exitmusik m’a parlé de célébrer les 50 ans de Sticky Fingers, je me suis lancé sans réfléchir… Avec donc plus d’un an d’avance… Et tant pis pour Let It Bleed ! 

C’est à peu près là que ma vie rock’n roll a réellement commencé. Sticky f*** fingers. Le LP de 71. Mon préféré de toute la disco des Stones. Celui que je redécouvre tous les 5 ou 10 ans. Que je rachète sous différents formats.

On parle beaucoup de la cover pic qui est en effet un coup de génie mais ce qui est un souvenir d’enfance pour moi est plutôt la pochette intérieure. D’un côté, on a une belle langue, le tout nouveau logo des Stones, affiché en pleine page. Business deal. De l’autre, une photo de famille. Les 5 Stones. Mick est un peu dans son coin et baille aux corneilles. Les mains dans ses poches de blazer trop grand sont gravées à jamais dans mon cerveau reptilien. Keith, un poil trop gros pour ce collant moyen-âgeux joue au chef de bande. Bill mime une descente de poudreuse et Charlie et Mick (Taylor) font un sourire de photo de classe. Par son geste, Bill résume bien l’esprit de cet album. Upper. Downer. Les “produits”. La vie est amusante mais fatigante. Jouissons mais avec un Mother’s Little Helper en support. On dirait que les enfants de 66 ont farfouillé dans le vanity case de maman et ont trouvé de quoi il s’agissait. Il n’y a pas que maman qui a besoin d’un boost pour supporter le quotidien. 

Cet album devrait être interdit aux moins de 12 ans. Je ne serais peut-être pas tout à fait le même aujourd’hui si cet album n’avait pas existé. On a affaire à une roche ciselée, une opération à cœur ouvert, un pont bringuebalant, un vieux matelas puant. Ça apprend la vie.

On se dit que ce n’est que de la musique mais on se dit la même chose quand on est petit et qu’on regarde un film d’horreur. Ce n’est que du cinéma. Quand j’étais petit et mort de trouille devant un film, je pensais aux acteurs qui rigolaient entre eux, une fois la prise finie. Ici, c’est pareil. On se dit que c’est un délire de musiciens riches et surdoués. Mais non, c’est la vraie vie. Six ans plus tard, Keith n’est pas loin du trou (canadien). Et puis, Brian a fait le grand plongeon depuis deux ans déjà. La mort est là, elle rôde. Comment les protagonistes de Sticky Fingers sont encore tous vivants en 2020 malgré l’appel du vide d’un coup de génie évident et de son succès commercial, c’est un mystère. On sait que plus d’un est tombé dans les abysses malheureusement.

Sticky Fingers, c’est d’abord “Sway” et “Can’t You Hear Me Knocking” sur la side A, “I Got The Blues” et “Sister Morphine” sur la face B. Donc, du rythmé d’un côté (avec une qualité musicale absolument exceptionnelle) et du poignant en side B. Le solo d’orgue de “I Got The Blues” est quasiment mortifère. Essayez, vous verrez. Je parle peu de musique dans cette chronique vu la notoriété de cet album mais écoutez le lien subtil entre “I Got The Blues” et “Sister Morphine”. Le premier s’étouffe dans les cuivres alors que le second démarrre au coin d’un feu de camp, une fois les autres convives partis. Ça y est, on est face à soi-même et face à la mort. On va tous y passer malgré les bons soins du docteur, éructe Mick Jagger. Mick Taylor prend ses marques. Charlie était parti pisser et rentre dans le jeu. Nouveau break. Keith réattaque à l’acoustique. “Sweet cousin cocaine“, etc. “You know and I know in the morning I’ll be dead“, etc etc. La torture. En même temps, le tempo nous fait croire à une mort rêvée, “mort tranquillement dans son sommeil“, mais ce n’est probablement pas le cas…

Le feu de camp est éteint, Mick se sent une envie pressante après l’orgie décadente et funèbre de la veille et ça donne “Dead Flowers”. Ça, c’est pour la mélodie mais le fond n’est pas moins sombre que le reste de l’album. J’irai cracher sur vos tombes version Stones. “And I won’t forget to put roses on your grave!

Alors, les jeunes, en lisant ça et en regardant Wiki, vous vous dites: “Mais il est con ou quoi, quid de “Brown Sugar” et de “Bitch” ?” Alors, oui, je vous le dis, ce sont deux des dix commandements des Moïse du rock ‘n roll ! Je ne ferai aucun commentaire sur la manière dont “Bitch” serait perçu aujourd’hui, sans doute décapité sur la place publique. Interdit comme le seraient “Wild Horses” et “Sister Morphine” pour d’autres raisons. En attendant, la musique est bel et bien là. Les tables de la loi. Ou plus simplement, ce que j’ai écouté seul dans ma petite chambre, à 12 ans, sans vraiment tout comprendre, mais en imaginant de nouvelles frontières auxquelles me frotter. Les yeux rivés sur cette fameuse photo, l’oreille tendue vers les cuivres, les grattes et la voix d’un Mick de 30 ans à peine

Avec tout ça, j’oublie de parler de l’intro de “Can’t You Hear Me Knocking”. Je suis batteur et ces quelques mesures sont énormes, elles m’ont touché à tout jamais. Je ne pense pas qu’on ait fait meilleure intro depuis. Je suis sérieux.

Nous y voilà. J’espère vous avoir donné envie de ressortir la pépite. “Let’s do some living… after we die…

Manu

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1 commentaire

  1. Si un jour Doc & Marty viennent me chercher en Delorean, j’irais passer quelques soirées dans la cave de Keith à Nellcôte..

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