Yojimbo – Cycles

Comme on est à fond sur la nouveauté, cette chronique concernera un disque sorti… le 25 avril. Hasard (et date*) qui n’est pas pour me déplaire cela dit. Le fait qu’il soit, en plus, l’œuvre d’un groupe alsacien et nous voilà dans la zone réservée aux trouvailles locales (de l’année ?).
Sur sa page Bandcamp, le quatuor strasbourgeois définit sa musique comme du stoner intergalactique. Tout un programme. Et une promesse plutôt bien tenue, avec ce premier disque intitulé Cycles. Au gré de sept titres alternant habilement heavy-rock massif et divagations plus psyché. Jamais avare de riffs addictifs ou de plages instrumentales aériennes. Jetez-vous directement sur l’excellent « Gravity », parfait condensé du talent du groupe. Après une longue et élégante introduction ascensionnelle, des guitares tranchantes assènent les violents coups de boutoir que l’on pressentait. La voix de Sophie Steff semble alors sonner la charge, triomphale, avec ces power chords plaqués comme on abat des murs. L’apparition inopinée d’une guitare acoustique et ses arpèges délicats propulsent le titre vers de belles hauteurs avec une superbe guitare lead pour finir d’embraser l’air ambiant. La claque ! Proposant une structure semblable, le non moins superbe « Rosebud » qui suit, est tout aussi recommandable, quoique plus riffesque. Inspiré par Orson Welles et Citizen Kane, comme le nom du groupe l’est par Akira Kurosawa (?) – on aime bien le cinéma par ici – « Rosebud » semble en effet être le jumeau de « Gravity » , avec, à nouveau, un long passage instrumental, pour préparer un décollage stellaire. Vers l’infini et au-delà. On regarde vers le ciel pour mieux survivre à notre condition sur la Terre ferme. Les neuf minutes inaugurales de « What Comes After » annonçaient la couleur. Plutôt sombre et monochromique (comme le superbe artwork).
« Is there another chance to escape from what comes? …
… We did our time, we can’t stay blind
We did our time, this world isn’t mine »
Les arabesques à la wah-wah et les riffs efficaces du début n’y feront rien. La menace continuera de planer bien après l’outro, tour à tour menaçant et galopant (derrière la basse), qui s’étire sur les 4 dernières minutes. Plus loin, sur un rythme faussement tranquille, c’est « Doomsday Clock » qui perpétue l’inéluctable.
« Too late to hide your head in the sand,
The story is repeating again,
We’ve already lose the game,
Go back to dust. »
Ces notes lancinantes sonnent-elles une dernière alarme ou égrènent-elles déjà la fin prochaine ? « Unchained » semble semer le doute et nous, de sombrer dans le vortex d’un outro vertigineux. Menaçant autant qu’épique. « God’s Spit », le titre le plus court et frontal du disque, insuffle une recette plus optimiste. À base de rythmiques palm-mutées. Façon bulldozer. Et si finalement, la réponse ne se trouvait pas dans l’ultime « Cycles » ? Qui, pour clôturer un disque de peu de mots, mais lourds de maux, s’affranchit des premiers et envoie valser les seconds dans l’éther(nité) au cours d’un instrumental superbe de sept minutes. Où les guitares de Sophie Steff et Florent Herrbach s’offrent un dernier ballet heavy psyché de haute volée. Selon un aphorisme d’un philosophe amateur de chocolats en boite, la vie est plutôt imprévisible. Parfois, elle peut même être bien faite. Il en est de même pour les disques.
In chocolate, and Yojimbo, we trust!
Sonicdragao
* C’est également la date de sortie du disque de Bruit ≤, mon préféré de l’année… pour l’instant.
Et celle de la Révolution portugaise de 1974, qui en ces temps de fascisme décomplexé, mérite toujours un petit rappel salutaire.