Steve Gunn – Daylight Daylight

Posted by on 28 décembre 2025 in Chroniques, Toutes les chroniques

(No quarter, 7 novembre 2025)

Parmi les artistes ayant émergé dans les années 2010 et contribué à recréer une forme de classic rock moderne — je pense à Kurt Vile, Adam Granduciel ou encore Kevin Morby — Steve Gunn est sans doute l’un des plus discrets. Guitariste expert à la voix douce, il propose une musique au style peut-être moins immédiatement identifiable que celui de ses camarades, mais force est d’admettre que sa discographie est tout aussi remarquable. D’autant plus si l’on considère qu’il nous a gratifiés l’an passé de l’excellent premier disque de Beings, supergroupe formé avec Shahzad Ismaily, Zoh Amba et Jim White, et que Daylight Daylight est déjà son deuxième album de 2025, après l’instrumental/ambient Music for Writers paru il y a seulement quelques mois.

Daylight Daylight le voit revenir à un format plus classique : un folk dépouillé, enrichi de cordes luxuriantes. L’album ne cherche pas particulièrement la diversité et affirme rapidement un ancrage très européen, quelque part entre Nick Drake et les envolées folk de Thom Yorke — pensez à « The Numbers » de Radiohead ou à « Wall of Eyes » de The Smile. Il faut dire que le disque est réalisé avec James Elkington, multi-instrumentiste britannique installé à Chicago, qui a travaillé avec Richard Thompson ou Jeff Tweedy. Daylight Daylight s’ouvre sur deux accords joués par les cordes, exactement les mêmes que ceux de « Holes », le morceau inaugural de Deserter’s Songs de Mercury Rev. Coïncidence ou clin d’œil volontaire ? Toujours est-il que cela pose d’emblée l’ambiance d’un disque qui revendique son classicisme.

« Nearly There », cette première chanson, prend son temps avant de s’épanouir, mais se révèle absolument sublime : les changements d’accords arrivent tardivement et résonnent avec une mélancolie poignante. « Morning on K Road » sonne quant à elle comme un classique du folk britannique des années 70, portée par ses cordes étirées. De l’orgue et des percussions discrètes viennent habiller un album qui ressemble à une longue rumination sur la mortalité et le temps qui passe. Si les deux premières plages vampirisent légèrement le reste — lequel est presque aussi réussi mais ne change jamais vraiment de direction — on reste profondément impressionné par la beauté et le classicisme de l’ensemble.

Avec cet album, Steve Gunn semble vouloir nous accompagner dans un hiver contemplatif, aux couleurs de fougère et à la lumière tamisée. Ce n’est pas le disque le plus joyeux de l’année, mais un album confortable, que l’on enfile comme un bon pull un peu trop large. Il m’a fallu un peu de temps pour l’apprécier pleinement, mais au final, il s’impose in extremis parmi mes indispensables de l’année.

Yann Giraud

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