Faetooth – Labyrinthine

Un abîme s’est creusé en l’espace de trois ans depuis Remnants of the Vessel. Le trio féminin a mué en quelque chose de plus affiné, affirmé, impérial, une propension à passer d’un univers à un autre pour explorer les méandres de la noirceur de l’âme humaine. Le nom de Faetooth suscite à lui seul une aura de mystère et de curiosité. Avec ce nouvel album, le trio confirme qu’il rejoint l’écurie des grands noms du doom, sans négliger des variantes notoires.
En décantant la paroi de la nuit à travers le titre d’ouverture « Iron Gate », il flotte dans l’air comme un présage, l’intuition de gravir plusieurs corridors avant d’accéder à un sanctuaire, déluge de larsens où une structure abrupte s’échafaude, chapeautée d’un chant magistral. On plonge les yeux fermés, saisis par un courant glacial. Du doom épais, mélodique et aux nervures multiples, « Death of Day » est parsemé d’harmonies, avec des explosions vocales exemptées de lyrisme criard, beaucoup moins exagérées que sur l’album précédent. C’est le genre de titre qui ne saurait s’effacer de la mémoire.
Faetooth fait peau neuve, en brisant les tempos, des brisures dont les reliefs sont calqués sur une topographie souterraine, qui ensuite se mélange au lichen, à la tourbe verdâtre, pour remonter lentement, et irriguer la vie d’une petite mort. La lenteur permet de feuilleter les paysages, de les intégrer à la sensibilité, en glissant sur le corps de la terre, Faetooth parvient à éveiller des sentiments encore enfouis jusqu’ici.
Nul besoin d’être agréé par le secteur musical, Jenna Garcia enfourche sa basse comme une sorcière grimpe sur son balai, pour se glisser dans un trou. Labyrinthine prend par moments une tournure presque grunge (« October », morceau de circonstance). Riffs de guitares abrasifs, maculés de matières organiques. « White Noise » renoue avec les codes du doom, voix écorchée doublée d’une voix claire. Pas d’existence, sans un passage aux enfers, douleurs et pleurs, d’où ressurgit une poésie musicale élégiaque.
Subsistent des ivresses au manège des banalités, là où le destin frappe en bout de route. « Meet Your Maker » est l’issue finale, face au minotaure dans un dédale entouré de végétations, de vestiges, le titre conclut le disque en huit minutes et quelques poussières avec majesté.
Faetooth efface tout, laissant dans son sillage une nuée de fantômes complètement paumés, ne sachant vers où aller. Le groupe ne doit rien à personne, à aucune académie, sa musique enfonce ses racines au plus profond de toutes les misères humaines. Cette approche de dessaisissement du monde n’est pas une mince affaire, c’est en quelque sorte l’affirmation ou le temps coïncide avec lui-même.
Franck Irle