Marissa Nadler – New Radiations

En attendant la fin du monde, les feuilles tombent, hélas tout doit inéluctablement se suivre dans une lente marche funèbre, mais ce dénouement n’aurait-il pas déjà commencé ? L’été s’en est allé, le vent souffle avec une insistance froide, et le monde tombe inexorablement vers un abîme.
Depuis Ballads of Living and Dying, premier album (inspiré des textes d’Edgar Allan Poe) paru en 2004, Marissa Nadler prend à revers l’auto-dévorante négativité de notre siècle en évitant l’écueil des sempiternelles chansons d’amour. Ses disques abordent des thématiques réalistes très diverses, souvent poétiques, chargées de références picturales. C’est dans un serein désespoir que New Radiations émet ses signaux, de facture plus écorchée, la voix et la guitare de Marissa transmettent, comme dans ses peintures, bien plus que des émotions, menant jusqu’aux sommets suraigus du temps, moments purs de l’instant répondant au nihilisme artistique quasi généralisé.
Cet album paraît comme le prolongement d’une analyse constante de son auteure, le titre « Sad Satellite » incarne la triste dérive de notre âme, une eschatologie agrémentée de quelques nappes de synthés, confortant le caractère sacré de la musique. En grande adepte de Townes Van Zandt, l’intention de Marissa est d’aborder l’absurdité du mode de fonctionnement dans lequel s’est encapsulé le monde. Chose étonnante, l’album démarre discrètement, et c’est à partir du milieu du disque, que se produit le miracle tant attendu. Plus épuré, posant des questions directes au réel, le poignant « Hatchet Man » surplombe presque tout le disque à lui seul. Accompagnée de Milky Burgess et Randall Dunn (membres du collectif Master Musicians of Bukkake), Marissa n’épuise pas toute son inspiration sur les premiers titres. À contrario d’un lyrisme baroque et dans la tradition folk, ces radiations se retrouvent dans « Light Years » en plein cœur d’un hiver. D’ailleurs, l’album revêt cet aspect glacial, annonciateur d’une hibernation. Certaines critiques diront que Marissa Nadler se répète, où qu’elle continue d’explorer sa propre voie, et pourtant, en regardant en arrière et en remontant le fil de sa discographie, il y a un retour à une folk déracinée, dénuée de batteries, de saturations. Un disque qui se laisse écouter sans pour autant s’en détacher, « To Be the Moon King » en est l’extension, hors de la pesanteur et pour cela, c’est une œuvre salvatrice, évocatrice de paysages perdus.
Franck Irle