Stereolab – Instant Holograms on Metal Films

Stereolab est un groupe paradoxal : un côté face dansant et léger, un côté pile cérébral et expérimental. Leur démarche les rapproche de Kraftwerk, l’un des précurseurs de ce mix de pop anglo-américaine et d’avant-garde électronique. La filiation avec les vétérans allemands s’entend particulièrement sur le court instrumental qui ouvre Instant Holograms on Metal Films, le dernier album du combo franco-anglais : cet assemblage très efficace de gimmicks électroniques aurait fait bonne figure sur l’album Computer World. Mais il est loin de résumer la musique de Stereolab, dont il n’est pas toujours simple de démêler les inspirations.
C’est précisément cette réputation électro qui m’a longtemps tenu à distance de ce groupe. À l’époque où j’ai découvert leur nom dans la presse spécialisée, le chant féminin maniéré en partie en français et le son jazzy-électro-easy listening étaient même inscrits comme critères de rejet automatique pour le fan de Rage Against the Machine et de Mudhoney que j’étais. C’est leur lien ténu avec la vague shoegaze qui m’a incité, vers la fin des années 2000, à écouter leurs premiers essais, réunis sur la compile Switched On. Quelques années d’écoutes répétées plus tard, me voici confortablement installé dans la musique de ce groupe. Ayant gardé une nette préférence pour leurs premières œuvres, je n’attendais pas forcément grand-chose de leur nouvel album, d’autant que celui-ci arrive plus de quinze ans après son prédécesseur.
Entendue de (très) loin, la musique de Stereolab ressemble à de la musique d’ascenseur. C’est une illusion : si on passait Stereolab dans les ascenseurs et les supermarchés, le monde irait probablement mieux (et il n’y aurait probablement plus de supermarchés). Leur groove subtil et la finesse de leurs arrangements apparaissent au fil des écoutes de la plupart de leurs albums. La French Touch n’aurait probablement pas sonné pareil si ce groupe n’avait pas existé. C’est d’ailleurs le label créé par le groupe, Duophonic, qui a sorti le premier maxi de Darlin’, trio rock composé d’un futur Phoenix et de deux futurs Daft Punk (disque qualifié par un critique rock britannique de… « Daft punky trash »). Pourtant, là où la plupart des disques estampillés French Touch me laissent indifférents, je ressens chez Stereolab une profondeur, une richesse, une poésie, une mélancolie, un humour qui me touchent profondément. Sans pourtant être sensible à leur background intellectuel surréalisto-situationniste. Quand Laetitia Sadier chante (en français dans le texte) « J’appartiens à la Terre / Je dis non à la guerre », j’ai beau trouver ça simpliste et naïf, ça me touche profondément. Probablement parce que c’est le leitmotiv d’un des meilleurs morceaux de ce nouvel album : « If You Remember I Forgot How To Dream Pt. 1 ».
Il n’y a globalement rien de nouveau chez Stereolab, mais la sauce prend : le son est limpide, le rythme tonique, les voix toujours aussi harmonieuses, en français comme en anglais, et les passages expérimentaux s’insèrent dans la continuité sans donner l’envie de zapper. Et si c’est un peu moins ma came que le motorik shoegaze de leurs débuts, je n’ai pas encore réussi à me lasser de cet album.
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