King Yosef – Spire of Fear

Posted by on 31 août 2025 in Chroniques, Toutes les chroniques

(BLEAKHOUSE, 15 août 2025)

Des visions cauchemardesques aux machines rouillées crachant leur dernier souffle, King Yosef ne négocie pas, pas de demi-mesure, il s’agit du dernier soubresaut avant l’effondrement. Des basses qui écrasent les côtes comme un marteau-pilon, et cette voix qui oscille selon les modalités. Tayves Pelletier ne chante pas, il vocifère, il crache, il exorcise. Trop de nuits blanches à écouter Atari Teenage Riot, Godflesh en boucle en se demandant pourquoi le monde n’a pas encore brûlé.
Les beats démesurés, les synthés déformés, les textes, quand on arrive à les distinguer entre les cris et les distorsions, parlent de désespoir technologique, de corps modifiés, d’esprits brisés. King Yosef ne cherche pas à plaire, il cherche à détruire. À faire sauter les fusibles, à pousser les limites jusqu’à ce que tout grésille, jusqu’à ce que plus rien ne tienne debout. « Molting Fear » est une cathédrale de bruits. Une montée en puissance monstrueuse, où les basses distordues et les rythmiques frénétiques s’entremêlent jusqu’à l’implosion finale. King Yosef ne fait pas de la musique, il fabrique des armes sonores, destinées à ceux qui en ont marre des mélodies aseptisées. Écouter « Glimmer » avec en featuring Holy Fawn, pourrait être un moment de répit par son introduction éthérée, mais toujours menaçante, il n’en est rien. Ici l’indus rencontre le hardcore dans un accouplement monstrueux, il n’y a pas d’issue de secours, King Yosef monte son trône sur les ruines du monde.

Produit par Kurt Ballou (Converge) et Zack Weeks, Spire of Fear restitue les traumatismes, les douleurs de son auteur. Il suffit d’écouter les variations de « Lichen » ou de « Wither », le beat trip-hop est vite balayé par une bardée de syncopes incisives, avant que la colère métaphysique ne se manifeste, toujours dans un format court, pas de superflu, mais des flux venus de toutes parts, canalisés en un bloc mastoc. Rajoutez à cette production, la voix de Insula Iscariot, la boucle est encore plus annelée que dans son précédent album, An Underlying Hum, de 2023.

« Walter » est sûrement le titre le plus vaporeux, nappes de synthés planantes, bribes de violons désaccordés, apaisé en surface, cette tension qui rampe avant de vous sauter dessus, se finit dans une explosion hybride où les matières les plus singulières se répandent jusqu’aux synapses. La mutilation universelle est devenue le triste spectre de nos existences intoxiquées par le flux incessant d’informations inondant le présent. Que nous reste-t-il au final ? Si ce n’est une étroite fenêtre dans laquelle apparaitrait une échappée où l’ordre de la nature reprendrait son cours. King Yosef consume tout ce qui peut servir de combustible, en s’acharnant à démontrer les dangers de notre mode de fonctionnement, jamais repu. Un cataclysme sonore qui se répartit en onze titres habités, charriant dans leur sillage, les immondices du modernisme.

S’il est un conseil à prodiguer, écoutez cet album à plein volume. Et si vos voisins se plaignent, dites-leur que c’est le son de l’apocalypse. Ils comprendront. Ou pas.

Franck Irle

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