October Drift – I Don’t Belong Anywhere

Publié par le 8 novembre 2023 dans Chroniques, Toutes les chroniques

(Physical Education Recording / The Orchard, 17 novembre 2023)

C’est quoi un « plaisir coupable » en musique ? J’ai un bon ami – il se reconnaîtra – qui affirme que ça n’existe pas, que si on aime un truc, il n’y a pas à se sentir coupable de cela. Et donc, c’est censé marcher pour tout : les groupes de nü metal, la queuleuleu de Bézu et, même, les disques de Blur – enfin, je ne sais pas trop pour ces derniers… Tout cela pour dire que lorsque j’ai reçu ce deuxième album d’un groupe britannique dont je dois avouer n’avoir à ce jour jamais entendu parler et l’ai placé sur ma platine, j’ai bel et bien éprouvé ce type de sentiment.

Mais avant d’aller plus loin, passons aux présentations. October Drift est donc un quatuor venu du Somerset, dans le Sud-Ouest de l’Angleterre – patrie notamment de PJ Harvey – qui a déjà un album à son actif, Forever Whatever, sorti en 2020 et a sorti ce deuxième opus en octobre 2022. Globalement ignorés en France – où ils ont tout de même été chroniqués par quelques webzines et évoqués par nos amis Stéphane et Daniel du groupe Facebook « J’écoute une K7 de la vedette » –, leurs deux albums n’avaient pas vraiment bénéficié d’une sortie et d’une promotion dignes de ce nom ici. C’est pour remédier à cela qu’à l’occasion d’une tournée l’emmenant sur plus d’une dizaine de dates dans l’Hexagone, en première partie d’Archive, le groupe a souhaité ressortir son disque avec trois titres inédits. Sur le plan musical, le groupe propose de revitaliser le rock alternatif à guitares, du type qui ne rougit pas de ses ambitions et vise la première division.

En effet, dès les premières secondes, j’ai été happé par le son des guitares, l’efficacité de la production, la clarté des mélodies et, en même temps, mon plaisir s’est doublé d’un léger sentiment de culpabilité, lorsque je me suis dit : est-ce que tout cela ne semble pas un peu brin trop calculé ? October Drift, sans trop de subtilités, tire en effet sur pas mal de grosses ficelles – calme/bruit, refrains anthémiques, basse qui vrombit, et même la petite ballade folk avec voix harmonisées qui va bien pour clore le disque. Les morceaux sont catchy en diable et ils ont presque tous un air de déjà-vu. « Waltzer », en plage 2, c’est clairement du Smashing Pumpkins ; « Insects », qui lui fait suite, lorgne plutôt du côté des Pixies ; quant à « Lost Without You », elle sonne comme une outtake de Transatlanticism de Death Cab for Cutie. Oui, mais voilà : toutes ces chansons, elles sont aussi excellentes. Elles vous rentrent dans le crâne et n’en sortent plus. Je ne pense pas avoir grand besoin de vous décrire le style dans lequel évolue le groupe. Les trois groupes que j’ai cités balisent sans doute pas mal le terrain. On ajoutera par ailleurs que la texture des guitares a un côté « shoegaze » mais plus dans la mouvance Swervedriver que Slowdive, donc en gros très américain dans son anglicité – ou l’inverse ? Si ce n’était pour ces chansons réellement enthousiasmantes et maintenant un solide niveau du début à la fin, j’avoue que l’entreprise me semblerait un peu antipathique.

Cependant, il faut sans doute remettre les choses en perspective : interrogé sur le site Indiemusic, le groupe évoque sa plus grosse influence – et on peut dire que ça s’entend : Biffy Clyro, autre groupe passé très rapidement de l’indie aux têtes d’affiches de gros festivals de l’autre côté de la Manche. Kiran, le chanteur/guitariste, raconte avoir découvert les Écossais sur leur tournée Only Revolutions quand ils étaient encore adolescents. Et là, on comprend mieux : ces Millenials n’ont pas, comme nous, connu les années 80 et 90 directement mais les ont digérées à partir d’autres artistes plus récents. En fait, en fouillant un peu, je me suis rendu compte que, tout en ignorant le groupe, je suivais son guitariste Dan sur les réseaux sociaux, ce dernier ayant créé une chaîne YouTube intitulée « These Things Make Noise » où il parle pédales d’effets et autres matos de guitaristes tendance noise/shoegaze. Et si ça, pour le coup, ce n’est pas un vrai plaisir coupable, alors, je ne sais pas ce que c’est !

Bref, voici un groupe et un disque qui méritent une oreille indulgente. Je ne sais pas si cette tournée française sera un succès – d’expérience, il me semble que les groupes peu connus ouvrant pour de grosses machines comme Archive ne bénéficient pas toujours des meilleures conditions, ou même d’un public attentif – mais je me dis que c’est le genre de formation que j’aimerais bien voir dans une petite salle parisienne comme le Supersonic ou l’International. Au lieu de cela, October Drift sera peut-être d’ici peu sur la grosse scène de Glastonbury et sortira alors des disques orientés stadium-rock que l’on trouvera détestable. Profitons alors de ce très bon disque avant ce soit le cas !

Yann Giraud

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