Rival Sons – Darkfighter

Publié par le 1 juillet 2023 dans Chroniques, Toutes les chroniques

(Atlantic, 2 juin 2023)

Fin juin. Bientôt l’heure de retrouver mon festival local préféré. Lors de la dernière édition complète des Eurockéennes en 2019 (le Covid… et un orage funeste l’an passé, snif), j’avais découvert Rival Sons, sur la scène de la Plage, au bord de l’eau, sur le site du Malsaucy. Par une fin d’après-midi chaude de festival comme on les aime, le soleil déclinant sur l’étang.

Découvrir sur scène un groupe que l’on n’a jamais croisé auparavant sur disque reste mon plaisir favori en festival. J’étais alors juste informé que le groupe pratiquait un classic rock plutôt hérité des 70s et que le chanteur, Jay Buchanan, pouvait vaguement ressembler à Jim Morrison. Mais le groupe de Long Beach m’a administré une de mes plus belles claques live dans la catégorie « premier concert ». Ce fut parfait. Pour situer, un chanteur au charisme évident et doué d’une voix puissante, capable de naviguer entre ballades rock (« Jordan », quelle merveille) et rock bluesy efficace à gros riffs servis par le superbe Scott Holiday, tiré à quatre épingles, superbe moustache… et diabolique à la six-cordes (« Too Bad », « Electric Man »…). Avec une section rythmique au cordeau. On pourrait d’ailleurs résumer leur discographie ainsi : des bangers et de (très) bonnes chansons magnifiées par un interprète exceptionnel.

En 2023, à l’instar d’un Jack White l’an passé, autre amateur des 70s, le groupe californien sort deux albums. Ce Darkfighter puis plus tard (la date n’est pas encore annoncée) Lightbringer. Comme pour l’ex-White Stripes, j’attendrai quand même le deuxième opus pour redonner (ou pas) du crédit à l’entreprise de sortir deux disques la même année. Avec le recul, le père Jack a joué sur du velours, un album électrique dingo et un acoustique élégant. Combo gagnant. Rival Sons pose déjà huit titres sur sa première galette mais semble ne pas vraiment choisir d’option marquée pour l’instant. Il y a déjà huit mois, il sortait l’addictif « Nobody Wants to Die ». Tu as l’impression d’avoir entendu le riff mille fois, le break est un poil convenu, mais après un solo bien senti, sur la reprise du refrain, tu claques déjà des mains comme si tu retrouvais la plage des Eurocks. Another old-fashioned rock banger (le clip est génial d’ailleurs). La case badass single est cochée. Alors évidemment, si vous attendez de l’audace sonore, du rock déstructuré, des morceaux à tiroirs, passez votre chemin. Rival Sons est une capsule temporelle, on y entre par la grâce d’un classique intro-couplet-refrain-solo-refrain pour en ressortir quelque part circa 1970-75 le plus souvent. Classic rock never gets old. Mais le binôme Buchanan-Holiday reste une bouée de sauvetage fiable pour n’importe quel titre en détresse. Le disque ne comporte certes que huit titres mais à la première écoute, on discerne un ventre mou, impression que plusieurs écoutes ne gomment pas vraiment. La guitare de Scott Holiday continue d’aligner à l’envi les riffs gonflés à l’octaver alors que le bougre est capable de bien plus de subtilités. Et la guitare acoustique de Jay Buchanan, qui apportait un contraste bienvenu sur bien des titres de Feral Roots, l’album précédent, ou Head Down est ici peu à la fête.

D’entrée, « Mirrors » mise pourtant sur les fondamentaux du groupe : intro de clavier vintage, un riff catchy, le pre-chorus à la guitare acoustique (comme quoi) et Jay Buchanan qui lance sa voix sur un refrain addictif. Un solo pour emballer l’affaire et that’s it. Efficace. On trouve (beaucoup) moins d’étincelles sur le deuxième tiers du disque avec un « Bird in the Hand », à peine sympathique, que n’aurait pas renié Jack White. Ou sur un « Bright Light » plat au refrain convenu. Le tigre de la pochette peut faire le malin, ce type de chaton-là ne blessera personne avec ces (g)riff(e)s émoussés. Jay Buchanan s’époumone alors comme il peut pour que « Rapture » réveille à nouveau le fauve. Et sur le dernier tiers de l’album, il revient avec un air enfin plus menaçant au rythme frondeur de « Guillotine », qu’on pourrait croire échappé d’une session des Raconteurs (Jack White toujours pas loin approuve), un beau solo en prime.

« Am I closer to heaven or closer to hell
The deeper I go, it’s harder to tell »

La tonalité plutôt sombre des textes indique sans doute la thématique globale des deux disques que le groupe sort en 2023 (Darkfighter et Lightbringer, ombre et lumière ?). La suite le dira, mais Rival Sons prend date en clôturant le disque de belle manière avec deux titres de six minutes sur lesquels Jay Buchanan passe par toutes les émotions (vocales) et empile des chorus addictifs. Un songwriter un poil moins prolifique que par le passé mais redoutablement efficace dans l’écriture des refrains sur ce disque. « Horses Breath » et sa vibe psyché avance d’un pas décidé sur le chemin qui mène au sommet (?) du disque avec le final « Darkside ». Sublime ballade où la guitare de Scott Holiday joue des contrastes avec bonheur. Gros riff en intro avant que le courant ne se coupe et que quelques notes éparses et éthérées en fond de mix ne servent d’écrin minimaliste à la voix fragile de Jay Buchanan.

« Are you able to protect the ones you love?
Something’s put a tremble in your hand
There are no promises to keep anymore
Now that you’ve gone to the darkside »

Magie du souvenir, sur les deux dernières minutes du disque, voix et guitares entremêlées sur le superbe crescendo final, je revois la plage, le soleil, la foule. La capsule temporelle ne fonctionne pas si mal.

Sonicdragao

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