The Shits – You’re a Mess

Publié par le 7 mai 2023 dans Chroniques, Toutes les chroniques

(Rocket Recordings, 14 avril 2023)

Six têtes de tueurs nous toisent et pas besoin d’être extralucide pour saisir qu’ils n’ont pas que de saines intentions à notre égard. Le leader scande ses consignes avec fermeté et conviction pour rameuter ses troupes. Les quatre premières des sept minutes passées « In My Hotel Room » ne sont que tension, observation, crainte de la déflagration. Elle aura lieu évidemment et sera terrible.

Après une telle entame, d’une intensité prodigieuse, difficile d’enchaîner comme si de rien n’était. The Shits enchainent pourtant et ne s’embarrassent plus de rien. Les présentations étant faites, ils mitraillent tous azimuts, répètent le même riff 92 fois si ça leur chante (c’est le cas sur « Waiting », j’ai compté) et comptent les cadavres à la fin. You’re a Mess osent-ils nous adresser, et on ne peut que leur retourner le compliment. On pense aux Stooges, forcément, mais également à Gallon Drunk, qui savait exceller dans l’art du poisseux et du menaçant. Si on avait l’idée saugrenue de chercher à pinailler sur la musique de ces merdeux, ce serait forcément pour son côté répétitif, son acharnement maladif. Loin de nous cette idée, on accueille plutôt cet entêtement crétin avec un grand sourire édenté. D’autant qu’on compte trois guitares et derrière le riff mono-maniaque, les collègues s’amusent à varier les plaisirs tout salir gaiement (ils s’en donnent notamment à cœur joie sur le final assourdissant de « The Venus (After Hours) »). En écho à la première piste démente, « I Regret Nothing, Pts 1 & 2 » vient clore de manière épique (près de neuf minutes) et prouver que ce disque n’a pas pour seule ambition de nous rendre plus cons et sourds qu’on ne l’est déjà. Même s’ils le font admirablement. Et pour avoir osé jeter une oreille au premier album, sobrement intitulé Punishment (2020), on peut saluer l’effort du sextette (!) pour avoir su rendre sa musique plus audible (non, je vous assure, ce sont de sacrées brutasses).
On aurait adoré que ces bad boys de Leeds se chargent d’accueillir à leur façon le couronnement du roi briton. Avec une succession de mots doux et mélopées raffinées. Nick Cave aurait sans doute mieux compris ce qu’il foutait là. Et ça lui aurait rappelé de lointains souvenirs. Cette succession d’assauts nourris, de dégueulis soigneusement délivré (on se pose parfois la question en entendant le dénommé Callum Howe éructer), de rage primitive font un bien fou. On crève d’envie de mettre ça à plein volume dans la gueule du voisin relou, du patron casse-couille, de ce gouvernement d’ordures ou, mieux encore, de se réunir entre gens bien, que d’aucuns considèrent comme des merdeux totalement immatures, et s’entrechoquer gaiement dans une petite salle crasseuse transformée en champ de bataille.

Jonathan Lopez

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