Dorthia Cottrell – Death Folk Country

Publié par le 22 avril 2023 dans Chroniques, Toutes les chroniques

(Relapse, 21 avril 2023)

Est-ce par hédonisme que la fugacité de l’existence que d’autres « nous-mêmes » échappe à la rationalité ? Sur ce socle imaginaire reposent une multitude d’artistes indépendants dont la fonction est essentielle, vitale, en dehors du marché de la masse consommatrice. La discrétion est une valeur rare, la vulnérabilité synonyme de faiblesses, mais ces affects sont la démonstration de la vérité, loin des apparences esthétiques.

Dans son précédent album daté de 2015, Dorthia Cottrell déversait littéralement toute sa vie à travers les paroles. Death Folk Country n’est pas la continuité du précédent disque, ça prend aux tripes, ça tord le cœur, c’est une voix authentique qui se fond dans un creuset marécageux, les transitions entre les compositions s’enchainent, elles sont le filament d’une toile musicale qui oblitère les vestiges d’un post-modernisme en déclin. Les utopies ont fait leur temps, place à la lente agonie des sentiments. L’introductif « Death Is the Punishment For Love » est le postulat d’amours trahis, de désillusions, en accord avec le final « Death Is Reward For Love » qui se conclut en une sorte d’ouroboros glacial.

Dorthia ouvre une brèche en revisitant des lieux fantomatiques, abandonnés. Elle y explore des thématiques formulées avec son groupe Windhand, mais atteint ici le royaume de l’inconscient. Cette folk brumeuse ne perd rien de sa superbe, « Black Canyon » transmet de véritables frissons, les voix superposées de Dorthia sont à ce point envoûtantes qu’on en vient à ressentir chaque mot, comme l’étreinte d’un ami silencieux. Ciel et terre se rejoignent, devenant matière inerte, un refuge pour l’âme esseulée.

« Effigy At the Gate of Ur » se pare de parties de claviers semblables à un vibraphone et son « I cried on my pillow…. don’t say that you love me » a de quoi nous laisser bouche bée. Le folk blues saturé de « Midnight Boy » diffuse ses vapeurs brûlantes de gasoline, on est bien loin du sentimentalisme mièvre que s’octroient certains détenteurs de la chanson faussement émotionnelle. Vous pouvez lire entre les lignes et boire le nectar dans les vignes, ce disque fige le temps avec une telle beauté que le monde semble soudainement tourner au ralenti, comme des astres brûlants virant au charbon. Dorthia a enregistré les 11 titres en compagnie de musiciens chevronnés, notamment un certain Drew Goldy. Procurez-vous dès aujourd’hui ce disque. Il vous réconfortera et répondra certainement à une multitude de questions existentielles.

Franck Irle

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