DISCO EXPRESS #26 : The Auteurs

Publié par le 11 mars 2023 dans Chroniques, Disco express, Non classé, Toutes les chroniques

À l’opposé de notre rubrique sobrement intitulée « discographies » qui se veut objective, exhaustive et documentée, nous avons choisi ici de vous résumer des discographies avec concision, après une seule réécoute (quand ce n’est pas la première !) de chacun des disques. Des avis tranchés, des écrits spontanés, plus ou moins argumentés avec une bonne dose de mauvaise foi et d’amateurisme. Cause hey, this is just music!

Cherry Red Records a eu l’excellente idée de rééditer sous forme de coffret l’ensemble des albums de The Auteurs sous le nom de People Round Here Don’t Like to Talk About It. Loin d’être le groupe anglais le plus connu des années 90, The Auteurs a su convaincre un nombre d’inconditionnels qu’il aurait peut-être dû l’être. Pour fêter cette réédition, on s’est dit que ce serait une bonne occasion de parler d’eux sous forme d’une disco express qui se conclurait par un avis sur le coffret en tant que tel. Alors allons-y.

New Wave (1993) : Étrange pays que l’Angleterre, qui nous aura livré en terme de pop le meilleur comme le pire (je vous laisse trier vous-mêmes ceux qui vont dans l’une ou l’autre des catégories). En tout cas, il est surprenant que, dans un pays prompt à crier au génie depuis les années 80 dès qu’un type sait écrire quelques chansons potables (ce que j’appellerais « effet Ian Brown »), je suis surpris que ce disque n’ait pas été porté aux nues vu la qualité des chansons qu’il contient. Deux ans avant le premier disque d’Oasis et alors que Blur est encore un groupe de shoegaze qui tente de se réinventer, Luke Haines et sa clique (mais, selon lui, surtout Luke Haines) sortent cet album qui synthétise ce que le Royaume-Uni a fait de mieux jusque-là, composition pop brillante des 60s (« Junk Shop Clothes », « Valet Parking », « Home Again »), guitares percutantes avec arrangements chatoyants du glam (« Housebreaker »), anti-conformisme et efficacité punk (« Early Years ») pour les faire entrer dans la modernité des années 90 en suivant le chemin défriché par les groupes indie notamment américains (« Idiot Brother », « American Guitars »). Écoutez New Wave en comparaison de Definitely Maybe ou Modern Life Is Rubbish et… non, mieux, écoutez New Wave, vous n’aurez plus besoin d’écouter ces deux autres albums.

Now, I’m a Cowboy (1994) : C’est sans doute à cause de cet album que la légende de Luke Haines, sauveur de la pop anglaise, n’a pas vraiment pu vivre, au détriment de celle d’un misanthrope aigri à l’égo démesuré dont la plus grande passion est de faire chier le monde. Il semblerait en effet que New Wave a quand même été perçu par la critique de l’époque, comme l’album d’un futur grand, mais que le leader de The Auteurs a pris un malin plaisir à se répandre en déclarations fracassantes et en critiques sur le monde de la pop anglaise. Critique qui finira jusque dans sa musique, puisque Now, I’m a Cowboy, comme son nom pourrait l’indiquer, est un pas vers l’autre côté de l’Atlantique. Les guitares sont globalement plus en avant, et quand elles ne sont pas de sortie, on a droit à des morceaux qui ressemblent à de la folk américaine. Ça, c’est le digest pour critique de disque, car en vérité on n’est quand même pas si loin du premier disque, notamment par la forte présence du violoncelle qui donne une patte très reconnaissable à des morceaux comme « Lenny Valentino » ou, de l’autre côté du spectre « Underground Movies ». D’autres comme « Brainchild » ou « Daughter Of A Child » pourraient être sur New Wave sans que ça ne choque personne. Si cet album est un disque d’indie rock à l’américaine, il l’est à la moulinette de The Auteurs, un groupe qui reste résolument anglais dans son ADN.

After Murder Park (1996) : Ce disque confirme l’envie de Haines de se détacher de la pop anglaise, qui à l’époque bat son plein, et comment gagner des galons de crédibilité en tant que groupe d’indie rock à l’américaine ? En faisant appel à Steve Albini, bien sûr ! Pour le coup, on peut dire qu’After Murder Park est un peu ce que disent les critiques de Now, I’m a Cowboy. La production rêche et viscérale d’Albini habille l’ensemble du disque, mais se ressent particulièrement sur des titres comme « Buddha », beaucoup semblent plus indie US que jamais (« Everything You Say Will Destroy You », « Married to a Lazy Lover », « Light Aircraft on Fire ») et même la présence des cordes ne replonge pas directement les chansons dans l’héritage pop des 60s. Pour autant, l’identité du groupe n’est pas perdue, elle est juste plus brute et enrobée dans un habillage moins poli. Vu que la qualité des compositions est toujours présente, c’est peut-être mon album préféré, du fait de mon goût pour ce type de production. Dans tous les cas, c’est un sans-faute musical jusqu’ici.

Baader Meinhof – Baader Meinhof (1996) : Après deux ans de répit (dont un passé en chaise roulante suite à un accident), Haines enchaine presque immédiatement après After Murder Park avec un album quasi solo et radicalement différent. Baader Meinhof est un concept album bardé de sons électroniques (boites à rythmes et claviers) mais qui réussit à ne pas sonner trop synthétique. Les violoncelles font également leur retour en force. Si After Murder Park, avec la présence de Steve Albini, était teinté d’indie rock US début 90s, Baader Meinhof est clairement ancré dans la fin de la décennie. En cela, il me plait moins en terme d’habillage, mais force est de constater que les compositions sont encore au rendez-vous et qu’elles passent très bien l’épreuve du temps pour un album qui est pourtant assez daté sur le papier.

How I Learned to Love the Bootboys (1999) : Après avoir mis plus ou moins de côté The Auteurs pendant les dernières années, Luke Haines rejoue avec eux pour aboutir à ce qui deviendra le dernier album du groupe. Écrit, composé et enregistré dans des circonstances bancales, How I Learned to Love The Bootboys se veut un hommage au glam anglais des 70s, comme en témoigne le morceau d’ouverture « The Rubettes » référence au groupe du même nom. Le problème, c’est que le glam anglais des années 70 a donné le meilleur (Gary Glitter) comme le pire (euh… Gary Glitter aussi). De fait, cet album fait le grand écart entre un single très efficace, un titre où on sent l’influence proto-hard rock de Slade ou The Sweets (« Your Gang, Our Gang ») et d’autres plus arty avec le côté ampoulé (et un peu chiant) de Roxy Music ou Sparks (le morceau-titre, « Johnny and the Hurricanes », « Lights Out »). Tout n’est pas à jeter, mais les meilleures chansons sont peut-être simplement celles où Luke Haines fait du The Auteurs à l’ancienne (« 1967 » ou « Future Generation »). C’est globalement loin d’être mauvais, mais assez clairement en-dessous des précédents, et je crains que ce disque ne soit pas réécouté aussi souvent que les autres.

Das Capital – The Songwriting Genius of Luke Haines and The Auteurs (2003) : Ce disque est déroutant. On pourrait croire que c’est un simple doigt d’honneur de Luke Haines à sa maison de disque en produisant un faux best of version « les plus beaux titres de The Auteurs joués par un orchestre symphonique », mais il semblerait qu’il y a eu une tournée de ce machin où les titres ont été joués dans ces versions, ce qui veut dire que Luke Haines les assume plus que je ne l’aurais cru. Dans l’ensemble, vu que les morceaux sont bons, je ne pourrais pas dire que l’album est inaudible, ça passe même mieux en fond sonore si vous invitez des gens allergiques au rock que Curtains de Tindersticks (au hasard), mais je ne vois pas l’intérêt d’écouter ces versions-là plutôt que les originales. Hormis pour écouter les morceaux inédits, qui sont étonnamment vachement bien.

People ‘Round Here Don’t Like to Talk About It (2023) : Nous voici donc avec le coffret réédité par Cherry Red, et il me reste à préciser un peu ce qui se trouve précisément dedans. Les deux premiers albums existaient déjà en version deluxe double CD agrémentés de faces b, demos, versions singles, et lives (dont ceux de la BBC). Ceux du coffret reprennent autant de bonus qu’ils pouvaient en caser sur un seul CD, et ce sont donc les lives et BBC sessions qui ont été sacrifiés. C’est dommage car je trouve en général ça plus intéressant que les prises alternatives qui donnent trop souvent l’impression d’écouter en boucle les mêmes chansons, mais à part cette réserve, surtout vu la qualité des faces B, c’est tout à fait honnête. Les autres albums du groupe subissent le même traitement, et doublent leur durée. Baader Meinhof est le moins bien servi puisqu’on lui a surtout ajouté des remix inédits qui ne sont pas du tout à mon goût. En revanche, Das Capital et dans une moindre mesure How I Learned to Love The Bootboys ont les démos les plus intéressantes, puisque celles-ci sont beaucoup plus dépouillées que la production finale, ce qui rend les chansons plus agréables. L’un dans l’autre, si vous ne possédez aucun album de The Auteurs, ce coffret vaut le coup. Si vous possédez déjà les versions originales des 3 premiers, je ne sais pas si c’est vraiment intéressant d’acheter le coffret plutôt que de simplement essayer de trouver Baader Meinhof d’occasion. Cela dépend de votre amour pour ces disques et de votre intérêt pour les faces b. Si vous n’avez qu’un album ou deux, c’est peut-être plus pertinent d’investir sur le coffret vu tout ce qu’il a à offrir que de récupérer les disques qui vous manquent. En plus, si vous vous dépêchez, vous aurez peut-être un pin’s gratuit !

Blackcondorguy

The Auteurs en dix morceaux

Toutes nos discos express

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *