Harry Cloud – The Cyst

Publié par le 6 février 2023 dans Chroniques, Toutes les chroniques

(Kitten Robot Records, 7 février 2023)

Réussir à agglomérer plusieurs matériaux sonores et rassembler des mondes diamétralement opposés dans un même album n’est pas un exercice facile, le risque étant de désorienter l’auditeur et de diluer les repères d’une identité musicale.

Avec The Cyst, l’axe de la composition s’articule sous des angles différents, cette géométrie abstraite constitue une équation logique, celle d’un parcours constamment régulé par une volonté de saisir l’immatériel pour lui en donner des formes et des sonorités absconses. « Send Me Pictures » est déstabilisant. Aux guitares acoustiques, se greffe un chant halluciné. La morphologie même du titre se décuple en intensité, Harry n’est pas un novice, sa maturité est saisissante et évidente dès le début.

Composé avec le producteur Paul Roessler (True Sounds of Liberty, The Lords of Altamont) chaque titre flirte avec l’expérimentation. N’y cherchez donc aucune sorte d’étiquette stylistique « je veux créer un univers onirique absent de la réalité. Les paroles viennent de mon subconscient et ne suggèrent qu’un sens » explique-t-il. Justement, c’est en cela que l’on décèle le génie d’un artiste, laisser libre-cours à l’imaginaire. Tout semble s’emboîter parfaitement, d’une manière apparemment involontaire. On en vient à se demander si Harry Cloud n’est pas l’héritier des Butthole Surfers, de Pere Ubu ou de Camper Van Beethoven, la déconstruction dissonante et la combustion vocale s’imbriquent en images suggestives. « You Never Came to My Party », c’est un peu une fête triste, la personnification de l’absence comme présence absolue.

C’est précisément cette ambivalence qui a fait de Harry Cloud une créature unique dans le panorama de la musique alternative incarnant ce qu’on appelle communément le freak folk. On ne peut qu’être totalement séduits par cet album dont on ne souhaite pas sortir, préférant l’écouter en boucle ad infinitum ( «Soft Pillowcases Colored Red »). Harry Cloud, c’est l’ingéniosité doublée d’une certaine morosité qui n’est pas entièrement dissimulée, un déclencheur de créativité inextricable.

Franck Irle

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